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Comprendre et préparer les tailles d’hiver

Nous sommes actuellement aux jours les plus courts de l’année, et le nombre total d’heures d’ensoleillement du mois ne dépasse pas en moyenne 40 à 50 heures. En raison de la baisse des températures et de la longueur du jour, comme une très grande partie de notre monde végétal, les arbres et arbustes à feuillage caduc sont en repos, et plus exactement en dormance. Celle-ci sera levée par la quantité de froid hivernal reçue.

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Parmi les activités de ce mois au verger, citons la poursuite des plantations lorsque les conditions climatiques le permettent, le ramassage et la mise au compost des feuilles mortes, et si c’est nécessaire, le chaulage du sol.

La taille des arbres et arbustes fruitiers va être la principale activité des arboriculteurs dès maintenant et dans les deux premiers mois de l’année prochaine. Avant de se mettre au travail, maintenant que les plants sont débarrassés de leur feuillage, on fera le bilan de leur comportement en 2015 en se promenant dans le verger un jour où l’éclairement est favorable. Ceci en vue de définir la taille à pratiquer cet hiver.

C’est également une période permettant de compléter ses connaissances de base à propos de la croissance et des modes de fructification, et ainsi d’intervenir en pleine connaissance de cause sur les plants adultes. En ce qui concerne les plantations nouvelles, on pourra alors leur donner une forme qui allie l’efficience et l’esthétique.

Pourquoi tailler les fruitiers ?

Les raisons et les objectifs de la taille sont multiples ; ils varient selon le système de culture et l’âge des plantes. Arrive en premier lieu la formation des plants : on a décidé dès le départ de leur donner une certaine forme (buisson-fuseau-forme géométrique palissée) qui a déjà été esquissée en pépinière. Les arbres en buisson et en fuseau sont des formes dont la couronne se développe en volume autour d’un axe central vertical : le tronc, sur lequel sont implantées des branches charpentières et fruitières. La couronne d’un buisson est sphérique ou ovoïde, tandis que celle d’un fuseau est conique et plus élancée. Le gobelet est une variante du buisson dont l’axe central a été limité en hauteur au point d’implantation d’un étage de branches charpentières ; le centre de la couronne est dégagé. Les arbustes formés en buisson n’ont pas d’axe central, mais une série de charpentières issues de la souche (voir figure 1).

Les formes palissées ont une couronne développée dans un plan vertical. Lorsqu’elles sont adossées à une paroi, on parle d’« espaliers », tandis que l’on appelle « contrespaliers » les mêmes plants soutenus par des piquets et des fils métalliques. Les formes palissées occupent peu d’espace et permettent de valoriser des murs existants. Bien conduites, elles ont un aspect décoratif qui concourt à l’ornementation du jardin.

En second lieu, les tailles déterminent la productivité de nos fruitiers : elles visent à obtenir une fructification précoce, régulière, de qualité, et ce pendant un nombre optimal d’années. Il faut savoir que la vie utile d’un plant fruitier passe par trois phases successives (voir tableau) : pendant la phase juvénile, la plante développe son système radiculaire et se couronne par une forte croissance ; la production fruitière est encore faible, mais elle augmente progressivement d’année en année. Vient ensuite la phase adulte, caractérisée par un équilibre entre croissance végétative et fructification. Puis la phase sénile, où la croissance est faible ou nulle, et la production fruitière déclinante en qualité et très alternante.

La durée relative de ces phases dépend de plusieurs facteurs : l’espèce, le cultivar, le sujet porte-greffe, les caractéristiques du sol, les facteurs climatiques et les soins accordés : fumure, alimentation en eau, entretien du sol, éclaircissage des fruits en cas de surcharge, protection phytosanitaire, mais principalement les tailles d’hiver et d’été. Par la taille, on cherchera à raccourcir la phase juvénile, c’est-à-dire à arriver rapidement en pleine production, et ensuite, on veillera à prolonger la phase adulte en maintenant un bon équilibre, puis à retarder l’entrée en phase sénile.

Réaliser des compromis

Entre les différents objectifs qui viennent d’être cités, il existe des contradictions qui vont nous amener à devoir faire des compromis.

C’est le cas entre la forme des arbres et leur précocité d’entrée en production : un arbre dont la forme est complexe (arbres palissés à charpente géométrique) ou dont la cime est volumineuse (arbres haute-tige) demandera un beaucoup plus grand nombre d’années de formation qu’un petit fuseau basse-tige avant de devenir productif.

Il y a également un compromis à faire entre abondance et régularité de production : le phénomène d’alternance de la fructification est bien connu. Il résulte du fait que l’induction florale intervient dès le début de l’été précédent : les fleurs qui apparaîtront au printemps suivant ont été formées dès juin-juillet de l’année précédente. Si un arbre est en surcharge de fruits, le nombre de fleurs qu’il formera pour l’année suivante est faible. L’alternance tend à augmenter avec l’âge des arbres ; même si la principale mesure préventive est un éclaircissage lorsque la nouaison est surabondante, la taille hivernale peut y contribuer en modulant le nombre de boutons à fleurs présents.

Il existe aussi une contradiction entre quantité et qualité des fruits : dans chaque région, les conditions climatiques (lumière, température, eau) permettent une production donnée ; en dépassant cet optimum, on assiste à un « effet de dilution » des composants des fruits à savoir les sucres et les arômes.

Quand tailler ?

Les tailles d’hiver ou « en sec » se pratiquent pendant toute la période où la végétation est arrêtée, soit de la chute des feuilles au début de la croissance printanière. Le jardinier dispose donc de cinq mois pour y procéder à sa meilleure convenance. Il existe certes un adage qui proclame que « Taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars ». Nous n’y voyons comme avantage qu’une meilleure distinction entre les yeux à bois et les boutons à fruits, un climat parfois plus favorable et des journées plus longues et plus lumineuses. Sur les végétaux, on observera alors un débourrement un rien plus tardif. Pour certaines espèces plus frileuses comme la vigne et les kiwis, il est toujours préférable de tailler en fin d’hiver.

Rappelons qu’à côté des tailles d’hiver, il existe plusieurs tailles « en vert » à effectuer pendant la période de végétation, à des moments précis déterminés par l’objectif poursuivi. Nous les avons évoquées dans notre édition du 29 mai dernier.

La recherche d’un équilibre

Afin d’assurer une entrée en production précoce et de prolonger la durée de la phase adulte en maintenant un bon équilibre entre croissance et production, il est nécessaire de connaître les modes de végétation et de fructification des différentes espèces fruitières.

Il existe quatre modèles naturels de croissance : les arbres, les arbustes, les plantes sarmenteuses pérennes et les plantes sarmenteuses à tiges bisannuelles (voir figure 2).

Un arbre (pommiers, poiriers, cognassiers, néfliers, cerisiers, pruniers, pêchers, amandiers, noyers, châtaigniers, sorbiers) présente un tronc surmonté d’une cime. Par action de leur bourgeon terminal, les rameaux s’allongent constamment en développant des feuilles généralement disposées en spirale, et les bourgeons disposés à l’aisselle de chaque feuille sont inhibés jusqu’à l’année suivante. Les branches basses ont une croissance de plus en plus faible au fur et à mesure que la couronne prend de l’ampleur, puis elles dépérissent et un tronc se forme par élagage naturel.

Un arbuste (groseilliers, myrtilles, noisetiers, sureaux, cornouillers, aronias…) comporte plusieurs tiges naissant à sa base ; leur croissance est forte la première année, puis elle s’atténue les années suivantes ; de nouvelles tiges naissent sur la souche.

Les plantes sarmenteuses vivaces (vignes, kiwis et kiwaïs) sont constituées de longs rameaux souples qui se ramifient plus ou moins dès la première année. Ils s’accrochent à un support au moyen de vrilles chez la vigne, et par enroulement en spirale chez les kiwis.

Les plantes sarmenteuses bisannuelles (framboisiers, ronces fruitières) portent des rameaux émis sur la souche vivace ; ils vivent deux saisons. Les modes de fructification ont déjà été décrits dans notre édition du 17 avril dernier ; rappelons les brièvement : les fleurs apparaissent sur les rameaux de l’année même chez les vignes, kiwis, noyers, châtaigniers, cognassiers, néfliers, framboisiers et ronces ; sur des rameaux de l’année précédente chez tous les fruits à noyau, les cassissiers, les groseilliers épineux, les casseilles et les myrtilles, et exceptionnellement chez les fruits à pépins et les groseilliers à grappes ; sur bois de deux ans et plus chez les pommiers et poiriers, ainsi que les groseilliers à grappes.

Au travail

Après avoir assimilé les quelques notions fondamentales qui viennent d’être données, il reste à préparer le matériel de taille : aiguiser la lame des sécateurs et coupe-branches, avoyer les scies égoïnes, acheter du mastic de cicatrisation en stick ou en pot, et utiliser une bonne échelle à trois pieds.

Les journées où le ciel est nuageux clair permettent une meilleure vision que les journées ensoleillées. C’est aussi le cas lorsque le sol est couvert de neige : la forme de la ramure se distingue mieux sur un fond blanc.

Différentes associations de jardiniers amateurs organisent des démonstrations pratiques de taille : elles permettent de se familiariser et de se perfectionner dans cette technique.

Dans un article ultérieur, nous envisagerons successivement les différents groupes de fruitiers : à pépins, à noyau, petits fruits…

ir André Sansdrap

, Wépion

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