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La meilleure défense, c’est l’attaque !

La semaine dernière, se tenait, à Gembloux, l’Assemblée annuelle de l’Union des Agricultrices Wallonnes. Pour aborder le thème de « la coopération en agriculture familiale », ces dames ont notamment laissé la parole à Christiane Lambert, Présidente de la Fédération Nationales des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) en France.

Temps de lecture : 5 min

Christiane Lambert exploite, avec son mari, un élevage porcin dans le Maine-et-Loire mais elle est surtout la première femme à être élue à la présidence de la FNSEA, en 2017. C’est avec verve qu’elle a pris la parole et partagé sa vision du syndicalisme agricole lors de l’assemblée de l’UAW. Comment devons nous défendre notre métier dans une société en mutation où l’agriculture a parfois beaucoup de mal à être reconnue ? Voilà la question à laquelle la présidente répondait.

Plus et mieux avec moins d’impacts

Aujourd’hui, les agriculteurs français, belges ou wallons rencontrent les mêmes difficultés et la meilleure manière d’y faire face est, selon elle, de les affronter collectivement. « En France aussi, les agriculteurs s’interrogent sur l’avenir de leur métier et du syndicalisme agricole. Aujourd’hui, on ne parle plus de crises mais de mutations de l’agriculture et la meilleure façon de les aborder est de se rassembler et d’échanger ! Dans notre métier, le collectif est quelque chose d’important », dit Christiane Lambert.

La présidente parle de profession « nourricière » qui doit répondre à la demande d’une population plus urbaine, avec un rapport à l’alimentation différent. « Produire plus et mieux avec moins d’impacts, c’est le pari posé aux agriculteurs. Nous ne sommes pas hostiles aux évolutions qui en découlent et nous assumons notre responsabilité écologique… Mais nous sommes parfois déboussolés et rebelles faces à toutes les réglementations tatillonnent et pas toujours adaptées aux exploitations. Certains sociologues affirment même que nous sommes passés d’une pénibilité physique à une pénibilité psychique du fait des nombreuses incertitudes auxquelles sont confrontés les exploitants. Le syndicalisme est au cœur de ce nouveau système », détaille-t-elle.

Défensif mais aussi et surtout proactif

Les règles ont changé, c’est indéniable. « Il est fini le temps où les politiques agricoles étaient débattues avec un petit nombre de représentants, sans intervention des ONG. On demande aux agriculteurs d’apporter des réponses en matière d’alimentation, d’environnement, d’énergie, de changement climatique, d’emploi, de biodiversité… Certains se disent « trop compliqué, on n’y arrivera pas » mais on peut prendre le contre-pied et, au lieu d’être défensif, essayer de voir comment on peut répondre à ces attentes… avec plus de traçabilité, de transparence… et mettre en avant les coûts induits par toutes ces demandes », explique la présidente.

Elle continue, « Chez nous aussi, on assiste à une montée en puissance « pour une agriculture qualitative et moins chimique », à des débats complexes avec les riverains et à un durcissement des réglementations. Face à tout cela, on a longtemps eu une attitude défensive. Nous continuons à l’être pour faire respecter le droit et éviter l’inflation réglementaire mais, concernant le tsunami médiatique qui nous submerge, nous avons décidé de changer de posture. Au lieu de dire « nous faisons tout comme il faut », on dit « nous sommes capables de passer un contrat avec la société s’il y a des alternatives ! Au lieu d’avoir, année après année, des interdictions très contraignantes, nous voulons prendre la main et affirmer que chaque fois qu’il y aura des alternatives, nous les adopterons mais que ce ne sont pas les agriculteurs seuls qui pourront trouver des solutions. S’il y a autour de nous tous les partenaires de la chaîne, en amont et aval… les semenciers, les équipementiers, la recherche, le conseil… Bref tous ceux qui gravitent autour de l’agriculture et ont la capacité d’apporter un bout de solution, on peut y arriver. Dans le cadre du contrat de solutions, nous avons par exemple réussi à réunir 35 associations et 4 ministères autour de nous ».

Le syndicalisme a-t-il de l’avenir ?

Selon elle, la profession d’agriculteur est fortement dépendante des politiques publiques contre lesquelles il est plus difficile se défendre individuellement. « Le collectif en agriculture a toujours été synonyme de force. L’union fait la force n’a jamais été aussi vrai que dans nos organisations », affirme Christiane Lambert. « Le syndicalisme doit aider les agriculteurs à s’adapter aux mutations en défendant leur prix et en apportant des réponses à chaque profil, à ceux qui décrochent, ceux qui s’accrochent mais aussi ceux qui foncent. Il doit associer militantisme, communication, défense mais aussi services car beaucoup d’agriculteurs se sentent perdus face la complexité de tout ce qui leur est demandé ».

Elle insiste : « Il n’y a pas d’un côté les vilains agriculteurs productivistes et de l’autre les petits paysans respectueux. C’est nous tous, à la tête de petites, moyennes et grandes exploitations, qui portons le changement. Le syndicalisme doit nous donner des atouts, des outils, des formations pour y arriver. Nous devons aller voir les politiques en leur expliquant comment il faut parler d’agriculture, non pas avec condescendance et complaisance, en coupant des rubans, mais en étant les ambassadeurs des changements ! »

« Il faut être proactif et défensif. Défensif partout où les décisions et prennent et en même temps ouvrir nos fermes et montrer comment nous travaillons. La discussion avec le voisin est tout aussi importante. Si chacun d’eux peut dire que nous travaillons correctement, il devient un ambassadeur de valeur. Les consommateurs idéalisent le bio, les circuits courts et les petites fermes mais il existe aussi une grande majorité d’exploitations plus classiques. Il y a les gentils et les méchants, et moi j’en ai marre d’être dans le tiroir des méchants. Les consommateurs ont besoin d’avoir confiance en tous les agriculteurs », conclut-elle.

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