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Puiser le meilleur de la technologie,

sans négliger le savoir-faire du fermier !

Au cœur de la Hesbaye liégeoise, Yves Henry est un adepte des nouvelles technologies. Autoguidage, gps, télégonflage, drone… sont entrés dans sa vie par passion, mais aussi en vue d’accroître la qualité des prestations d’Isaply Services, son entreprise de travaux agricoles et de terrassement. L’homme conserve toutefois un œil critique sur ces outils qui le guident au quotidien mais ne remplacent ni l’expérience, ni le savoir-faire du fermier.

Temps de lecture : 9 min

Fils et petit-fils de fermier, Yves Henry a l’agriculture dans le sang depuis son plus jeune âge. Après avoir travaillé durant plusieurs années sur la ferme familiale de Paifve (Juprelle), il n’hésita pas un seul instant à succéder à son père lorsque celui-ci cessa ses activités. Accompagné d’un de ses frères, il est aujourd’hui à la tête d’une exploitation spécialisée dans les grandes cultures (froment, escourgeon, colza et betterave) ; la décision d’abandonner l’élevage ayant été prise en 2002.

Mais l’homme, passionné de contacts, souhaitait également développer son propre projet. C’est ainsi qu’est née l’entreprise de travaux agricoles et de terrassement nommée Isaply Services. « Le nom Isaply a été inventé par mon papa, sur base de la première lettre du prénom de mes parents et de leurs quatre enfants. J’y ai ajouté le terme Services car j’estime que mon rôle, en tant qu’entrepreneur, est de fournir un véritable service à l’agriculteur, et non uniquement une prestation », raconte-t-il.

En bon père de famille

À l’heure actuelle, Isaply Services emploie huit salariés à temps plein, en partie grâce à l’activité de terrassement. En effet, au contraire de l’activité agricole, celle-ci ne connaît pas de morte-saison en fin d’automne et en hiver. Durant la belle saison, lorsque l’entreprise connaît des pics d’activités, Yves travaille également avec quelques indépendants afin d’assurer ses prestations en temps et en heure.

Sur le plan agricole, l’entreprise assure le travail du sol (très majoritairement en non-labour), le semis de céréales, colza et betterave, différents travaux de pulvérisation, l’épandage de matières organiques (fumier et compost) ainsi que la récolte des céréales et du colza. Quelques travaux sont également effectués pour le compte d’un producteur de pommes de terre, à l’aide de son propre matériel.

Bien qu’il effectue de temps à autre des prestations « uniques », Yves se tourne principalement vers la gestion complète de cultures pour le compte de tiers. « Du semis à la récolte, je m’occupe de ces terres comme si elles m’appartenaient, en toute autonomie et en bon père de famille », précise-t-il. C’est également par ce biais qu’il peut apporter une plus-value à sa prestation, en mettant ses connaissances et son savoir-faire au service de l’agriculteur. L’entrepreneur souhaite donc développer davantage cette facette de sa société.

Il constate néanmoins que les fermiers sont quelques fois réticents à confier leurs terres ou un travail aux entrepreneurs, principalement pour des raisons financières. « Certains ne voient que le coût de la prestation mais oublie que notre matériel, souvent plus moderne, leur apporte des bénéfices en termes de rendements, de qualité et, dans mon cas avec le télégonflage, de préservation des sols. » Des bénéfices qui, sur le long terme, s’avèrent parfois supérieurs au coût de la prestation en elle-même.

Confort et flexibilité grâce à l’autoguidage

Depuis 7 ans, tous les tracteurs d’Isaply Services travaillant aux champs sont équipés d’un gps et de l’autoguidage. Malgré quelques inconvénients, tels les pertes de signal ou le fastidieux encodage des lignes en début de saison, l’entrepreneur ne pourrait plus se passer de ces technologies et de leurs atouts. « Le travail est plus confortable, mais aussi plus flexible », relève-t-il. Et de citer un exemple : « Pour assurer une efficacité optimale des produits phytopharmaceutiques, les travaux de pulvérisation sont effectués à l’aube, au crépuscule, voire de nuit. Ce n’est possible qu’avec l’autoguidage. »

Semoirs et pulvérisateur sont également équipés d’un système de coupure des tronçons. Dès lors, finis les manques et les doublons ! Il n’a, en revanche, pas encore opté pour les dispositifs de gestion automatique des bouts de champ.

« Ces technologies sont coûteuses et leur rentabilité à l’hectare est difficile à évaluer. Mais dans l’ensemble, je suis persuadé que je suis gagnant », estime-t-il. D’autant plus que ses chauffeurs n’ont pas peur d’y chipoter pour les maîtriser aux mieux et ainsi en tirer le meilleur profit.

Avec télégonflage, sans hésiter !

Depuis plus longtemps encore, l’entrepreneur dote ses tracteurs agricoles, toutes puissances confondues, du télégonflage. Les économies de mazout réalisables grâce à ce dispositif l’ont bien sûr séduit, mais ce n’est pas tout. Son but premier était de préserver la structure de ses sols, notamment en fin de saison, lorsque les conditions sont plus difficiles.

« Ici aussi, le gain à l’hectare est difficile à chiffrer avec précision. Par contre, mes sols et ceux de mes clients se portent mieux. » Et Yves d’insister : « N’oublions pas qu’ils constituent le premier capital de nos exploitations ! ».

C’est aussi par soucis de préserver ce capital que l’exploitation familiale suit trois grands principes : non-labour (depuis près de 20 ans), semis de nombreux couverts végétaux et épandages fréquents de matière organique.

Du drone au pulvérisateur

Quand arrive le moment d’appliquer l’azote liquide sur les cultures de froment et colza, Yves fait survoler ses parcelles par un drone de la Scam. Il obtient ainsi une carte de préconisation qui, une fois introduite dans le terminal, permet au pulvérisateur de moduler les doses appliquées. « Il faut avoir confiance en l’électronique… Même si des adaptations sont toujours possibles depuis la cabine du tracteur », relève-t-il.

Les cartes de rendements fournies par sa moissonneuse-batteuse l’intéressent également. En faire davantage usage lui permettrait, d’une part, d’accroître sa précision et, d’autre part, de moduler aux mieux les doses épandues.

L’entrepreneur refuse néanmoins d’avoir une confiance aveugle en ces cartes. « Elles nous guident, mais c’est le savoir-faire du fermier qui permet de les interpréter correctement. » Il prend un exemple : « Pour un froment semé après betterave, la carte de préconisation me conseillera d’appliquer une plus grande quantité d’azote dans la zone de stockage et décrottage. Mais de mon côté, je sais que c’est inutile. Il est logique que le rendement soit inférieur dans cette zone, mais l’ordinateur ne peut le savoir ».

L’interprétation des cartes requiert donc de connaître parfaitement ses parcelles : précédents culturaux, topographie, nature du sol et du sous-sol… Ces différents paramètres doivent être associés, année après année, aux cartes de rendements afin d’identifier et corriger les problèmes liés à la parcelle en elle-même. « Mais cela prend énormément de temps… », constate-t-il.

Des améliorations restent possibles

Confronté tout au long de la saison à ces technologies, dont les capacités et l’omniprésence ne cessent de croître, Yves les observe néanmoins d’un œil critique.

« La compatibilité tracteur-outils n’est pas toujours parfaite, malgré l’avènement de l’Isobus », déplore-t-il. Si une simple mise à jour du terminal du tracteur suffit souvent à régler le problème, ce n’est parfois pas suffisant. « L’Isobus nous facilite le quotidien, mais les constructeurs ont encore du travail devant eux pour nous assurer une compatibilité sans faille entre les différents tracteurs et outils. »

Fort de son expérience, il estime également que les tracteurs mis prochainement sur le marché devront être équipés de deux terminaux, malgré la compatibilité Isobus. « Lorsque l’on souhaite avoir un contrôle permanent sur le tracteur, l’outil et les caméras, nous n’avons pas assez d’un écran », estime-t-il. Dans sa configuration idéale, le premier terminal permettra de surveiller les paramètres du tracteur tout en gardant un œil sur les images des caméras. Le second sera dédié au contrôle de l’outil utilisé, quel qu’il soit.

L’apparition du deuxième écran ne résulte donc pas, comme c’est parfois le cas actuellement, d’une incompatibilité entre l’outil et le terminal du tracteur, mais bien d’une volonté de disposer, en un coup d’œil, de toutes les données disponibles et utiles au chauffeur. L’objectif : faciliter son travail et éviter qu’il ne doive jongler entre différents affichages.

De son point de vue, ce second écran faciliterait également la gestion de la flotte durant les récoltes, grâce à un suivi en temps réel des bennes de grains, colza…

S’organiser pour gagner en efficacité

Yves cherche également à améliorer autant que possible l’organisation du travail. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles il s’intéresse davantage à la gestion complète de cultures. « De cette manière, je peux aménager plus facilement les journées de mes salariés, sans dépendre des coups de téléphone des uns et des autres. Une fois qu’un outil est attelé, je programme le travail sur toutes les terres concernées, dans un ordre de travail le plus logique possible », explique-t-il.

À ce niveau, son smartphone constitue un autre allié de poids. En effet, grâce aux applications de messagerie instantanée, il peut communiquer facilement avec ses chauffeurs mais surtout leur envoyer des coordonnées gps précises afin d’optimiser les déplacements et le travail au champ.

« Avoir une meilleure logistique permet de réduire les coûts et, par conséquent, d’augmenter les marges », ajoute-t-il.

En toute confiance !

La relation de confiance établie avec ses clients est un des points auxquels Yves accorde le plus d’importance. « Je ne souhaite pas qu’ils doivent contrôler en permanence le travail effectué. S’ils m’accordent leur confiance, tout doit être presté dans les règles de l’art », dit-il. D’autant plus qu’étant lui-même agriculteur, il est conscient des problèmes que rencontrent ses clients. Il souhaite donc, par le biais de ses prestations, leur apporter un maximum de plus-value. « Mais cela doit être une relation gagnant-gagnant. Le travail de l’entrepreneur doit lui aussi être rémunéré à sa juste valeur afin que nous puissions continuer à prester des travaux de qualité. »

Il en va de même vis-à-vis de ces chauffeurs : « Ce sont des passionnés qui travaillent pour moi depuis plusieurs années. Si la société tourne, c’est aussi grâce à eux ». L’entrepreneur se met donc un point d’honneur à remplir son carnet de commandes. « Je me suis engagé à leur fournir du travail. Je dois respecter ma part du contrat ! » Il est d’ailleurs plus stressé par un éventuel trou dans son planning que par une affluence soudaine des demandes.

Une des clés pour y parvenir ? « Aller chercher le travail et ne pas attendre qu’il arrive », répond Yves qui, grâce à ses connaissances du néerlandais et de l’allemand, peut facilement opérer hors des frontières. Celles-ci lui permettent également d’aller voir comment ses collègues travaillent, tant à proximité de son exploitation qu’à l’étranger, « car il ne faut jamais croire qu’on est le meilleur. Il faut se remettre en question, prendre du recul sur son activité et s’inspirer de ses observations pour sans cesse s’améliorer ».

J.V.

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