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Prendre son destin en main

Temps de lecture : 5 min

Pour le secteur betteravier belge, le mois de janvier 2019 va être sacrément important et influencera certainement l’avenir de la betterave sucrière en Belgique.

En effet, deux décisions capitales devront être prises par les planteurs qui livrent à la RT (Südzucker) :

– Continuer à investir dans le capital de Südzucker via le replacement des 3/4 de la participation auprès de la Sopabe-T en action Südzucker (pour rappel l’argent des obligations arrivées à échéance début 2017 est revenu dans les caisses de la Sopabe-T) ou reprendre son argent et le placer ailleurs.

– Investir dans la nouvelle sucrerie de Seneffe (et là, ça concerne tous les agriculteurs belges).

En ce qui concerne la participation Südzucker, un petit retour en arrière pour se rafraîchir la mémoire : en 1989, la RT décide de vendre ses usines au groupe Allemand sans concertation avec ses planteurs mis devant le fait accompli (mais c’est vrai qu’ils n’étaient pas obligés de le faire). Rapidement, les planteurs Allemands souhaitent que nous participions au capital de leur coopérative et nous font miroiter la sécurité de nos usines. Commence alors la 1ière tranche d’obligations qui seront ensuite converties en actions RT (pour un capital de +/- 10 millions d’euros). L’action RT n’étant pas cotée, la Sopabe-T ne peut nous dire la valeur actuelle de ce capital. Peut-être en saura-t-on plus lors des réunions cercles de membres prévues en janvier auxquelles les planteurs seront invités au vote.

Les 3 autres tranches obligataires qui ont suivi ont entraîné pour les planteurs RT une participation de 12,6 €/tonne de contrat 1. En échange de cet effort financier, on nous avait promis le maintien des usines en Belgique et du quota Belge Comme le quota était national, ils étaient bien obligés ! (Plus de quota=plus d’obligation). Mais, en ce qui concerne les usines (Genappe en 2004, Brugelette en 2007, râperie de Hollogne en 2009), ils ne se sont pas privés de les fermer !

Avec la fin annoncée des quotas, devaient avoir lieu les négociations d’un nouveau contrat entre planteurs et fabricant. Vu comment ça s’est passé, j’appellerai plutôt ça une dictature : imposition de leurs conditions imbuvables sans possibilité de discuter. (Les personnes chargées de discuter ont eu droit à « c’est à prendre ou à laisser. Les planteurs Allemands ont déjà signé, si vous n’en voulez pas, on fermera les usines en Belgique, etc. Contraintes et menaces sur les personnes devant nous défendre…) Aujourd’hui, j’ai quand même des gros doutes quand on nous dit que continuer à investir dans le capital de Südzucker va nous avancer à quelque chose au niveau des relations avec la maison mère. Investir le capital qui est à la Sopabe-T reviendra à avoir moins de 1 % des actions Südzucker, comparé aux planteurs Allemands qui en détiennent 56 % (Les planteurs Allemands participent à hauteur de 90 €/tonne et, à ma connaissance, ils continuent à participer). Nous aurions un poids complètement ridicule voir inexistant pour défendre les intérêts des planteurs Belges. Nous aurions, dans un premier temps, un « observateur » au Conseil d’Administration (regarde et tais-toi). Ensuite, dans quelques années, 2 représentants belges contre 20 Allemands… Vu l’écart immense entre le niveau de participation Belge et Allemand, on n’arrivera jamais à aucun pouvoir décisionnel. Vouloir nous faire croire le contraire revient à nous prendre pour des idiots. Notre capital sera dilué dans un grand groupe en actions avec tous les risques que cela comporte. Je ne suis pas du tout certain non plus que notre argent servira à moderniser les 2 usines vieillissantes en Belgique qui tout doucement commencent à être dépassées et beaucoup moins performante notamment au point de vue énergétique, (sauf erreur de ma part, Tirlemont produit son courant et son eau chaude avec une centrale TGV au charbon et Longchamps envoie son jus sucré par un pipeline de 27 kilomètres vers Wanze pour y être raffiné). À l’heure de l’écologie, j’ai des doutes sur l’avenir… et je ne suis pas le seul !

Par contre, pour ce qui est de la nouvelle sucrerie de Seneffe, une participation de 30 €/T nous mettra directement propriétaire d’environ 60 % d’une usine dernier cri et la plus performante d’Europe au niveau énergétique, au milieu d’une région de production, où les planteurs seront majoritaires au conseil d’administration.

En discutant avec des collègues planteurs, j’entends un peu de tout au niveau opinion :

– des convaincus qui ont déjà renvoyé leurs documents,

– des gens qui attendent en disant « on verra bien si elle se fait, alors on ira. (C’est maintenant qu’il faut se décider, après c’est trop tard, pour ceux qui n’ont pas encore compris),

– d’autres qui hésitent parce que l’investissement leur paraît trop élevé. Je comprends aisément que ça ne sera pas facile pour tout le monde vu les années difficiles (et le prix très bas payé pour nos betteraves de 2017, sans doute pas mieux en 2018).

Peut-être, mais c’est l’occasion unique de reprendre la main sur la transformation et la commercialisation d’une spéculation et surtout la marge bénéficiaire qui en découle. Rater cette opportunité serait très regrettable pour nous et aussi pour les générations futures. Toutes les industries agroalimentaires suivent de près ce dossier et, en cas d’échec, elles auront vite fait de nous exploiter encore plus. Il est peut-être préférable de donner la priorité à cet investissement et avoir un meilleur revenu que de vouloir s’agrandir à tout prix et ne pas avoir une culture rentable à mettre sur ses terres. Au niveau d’une exploitation, l’investissement n’est pas démesuré en comparaison avec certains matériels ou bâtiments parfois (un peu) trop luxueux…

Devons-nous continuer à travailler avec des groupes multinationaux qui nous achètent nos produits de moins en moins cher ou serons-nous capables de prendre notre destin en main et relever ce défi ?

On le saura d’ici fin janvier…

Bonne réflexion à tous et une bonne année 2019.

Un planteur hennuyer

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