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Le code en Wallonie…

et ses conséquences

pour les éleveurs

Au moment d’être versé du fédéral au régional en juillet 2014, le bien-être animal était encore régi par une loi du 14 août 1986. Une profonde réforme de celle-ci a donné naissance au Code wallon du bien-être animal, en octobre dernier. Avec de nouvelles implications – pas très nombreuses – pour les éleveurs.

Temps de lecture : 10 min

Le bien-être animal n’est pas une préoccupation nouvelle, contrairement à ce l’on peut entendre ou lire assez souvent ! Cela fait plus de trente ans que le législateur s’en soucie et qu’il est est pris en charge par des professionnels. Mais, il est vrai qu’il prend de plus en plus de place dans le cadre réglementaire concerné.

« C’est un sujet très sensible, qui fait souvent réagir au sein de la société et auquel le monde politique est également très attentif », relève Bruno Cardinal, membre de l’équipe de vétérinaires appelés à travailler sur cette problématique au sein du service public de Wallonie (direction de la Qualité et du Bien-être animal).

S’exprimant le 25 janvier dernier à Attert à l’invitation du Comice agricole d’Arlon, le vétérinaire a parcouru les points les plus pertinents du frais émoulu Code wallon du bien-être animal, tout en dédramatisant l’ampleur des nouvelles dispositions.

Sensibilité reconnue

L’approche humaine des capacités émotionnelles et sensitives de l’animal a considérablement évolué, ces derniers temps. Pour preuve, alors que le célèbre Time magazine titrait encore à la une, en mars 1993 « Les animaux sont-ils capables penser ? à côté d’une photo de chimpanzé adoptant une pose méditative », ce périodique américain revenait le sujet au mois d’août 2010, avec un titre très éclairant « Voici ce que pensent les animaux » joint à la photo d’un animal de compagnie ! Quelle évolution !

« Il est aujourd’hui communément admis que les animaux pensent et sont des êtres sensibles et leur bien-être est une discipline reconnue, un domaine de recherche de nos facultés de médecine vétérinaire », pointe l’orateur.

Du cadre fédéral…

Avant sa régionalisation en 2014, la protection et le bien-être des animaux étaient une prérogative du ministre fédéral de la Santé publique, régie par une loi du 14 août 1986. Le contrôle portant sur tous les lieux les abritant (parcs zoologiques, laboratoires, élevages…) reposait sur une petite cellule de fonctionnaires. En appui, les fonctionnaires de l’Afsca étaient missionnés pour remplir des check-lists de bien-être animal et contrôler cette matière lors de leurs inspections. Par ailleurs, des vétérinaires indépendants – chargés de mission (CDM) – sous contrat avec l’Afsca étaient en charge de la certification du transport et du contrôle dans les abattoirs.

… au cadre régional wallon

Avec la loi spéciale relative à la 6e réforme de l’État, le bien-être animal est devenu le 1er juillet 2014 une compétence régionale, de sorte que notre pays connaît aujourd’hui 2 ministres et 1 secrétaire d’État en charge de ce sujet. En Wallonie, le ministre en charge est Carlo Di Antonio. L’administration régionale fonctionne avec une petite équipe de vétérinaires qui entreprend les contrôles sur le même principe que ce qui se faisait au plan fédéral.

Concrètement, ceux-ci incombent à l’Unité du bien-être animal (UBEA) forte d’une quinzaine de vétérinaires se rendant sur terrain pour constater la réalité des faits relatifs aux plaintes déposées par les particuliers, mais aussi les informations issues de contrôles réalisés par l’Afsca ou par la police, de même que pour réaliser des contrôles planifiés. Les sites de contrôle des animaux d’élevage sont les exploitations agricoles, les marchés de Ciney et Battice, les abattoirs et les transporteurs.

Depuis 2015, le nombre de plaintes déposées – en ligne depuis plus d’un an – par les citoyens croît chaque année. Celles-ci concernent majoritairement les animaux de compagnie, les chevaux, les animaux dans les parcs zoologiques, et beaucoup plus modestement les animaux d’élevage, comme l’indique le tableau ci-joint, pour l’année 2017. « Pour ces derniers, relève Bruno Cardinal, les plaintes concernent essentiellement les exploitations, parce qu’elles sont le plus exposées à la vue du public… et concernent classiquement le signalement de bêtes qui « auraient froid en prairie en hiver », ou « ne disposeraient pas d’eau en suffisance ». Dans la plupart des cas, ces plaintes sont classées sans suite, mais quelques-unes sont fondées et suivies d’un avertissement ou d’un procès-verbal. Ces rares cas de « maltraitance » sont souvent couplés à de grandes difficultés sociales, chez des éleveurs qui n’arrivent plus à sortir la tête de l’eau financièrement… L’occasion d’alerter simultanément les services sociaux car les personnes sont souvent aussi mal en point que leurs animaux. »

Le Code du bien-être animal, une nouvelle approche !

Le ministre Di Antonio a décidé, dès qu’il en a reçu la compétence, de revoir la loi de 1986 pour créer un nouveau texte qui ambitionne d’assurer la protection et le bien-être des animaux, en considérant leurs besoins physiologiques et éthologiques, ainsi que leurs rôles au sein de la société et de l’environnement. Fruit de quatre années de travail et de débats, le Code wallon du Bien-être animal a ainsi été adopté par le Parlement de Wallonie le 3 octobre 2018.

Nous parcourons ici, avec Bruno Cardinal, les points les plus pertinents et ceux qui suscitent le plus d’interrogations de la part des éleveurs.

Le 1er article de ce Code stipule que l’animal est un être doué de sensation, d’émotion et d’un certain niveau de conscience. Il constitue un aspect décisionnel des dispositions prévues et la ligne d’interprétation à suivre pour appréhender les différents chapitres du texte.

La détention des animaux

Pas nouveau : il est interdit d’entraver la liberté de mouvement d’un animal au point de l’exposer à des douleurs, des souffrances ou des lésions évitables ou de le maintenir perpétuellement attaché (arrêté du 1er mars 2000 !). Ce qui est visé ici ce sont les chiens liés 365 jours par an. En élevage conventionnel, les vaches à l’attache dans les étables ne sont pas concernées, et il n’y a pas d’évolution probable prévue sur ce plan.

Nouveau : un permis est désormais nécessaire pour détenir un animal. La raison : empêcher, par une décision de justice, les cas de récidives de maltraitance animale (le plus souvent des animaux de compagnie) ; sans ce permis, la procédure s’éternisait avant d’aboutir concrètement à l’interdiction de détention d’animaux par les personnes récidivistes. Cette nouvelle exigence permet d’intervenir beaucoup plus rapidement : ledit permis peut être retiré sur une simple décision de l’administration. Cette nouveauté est donc le fruit d’une subtilité juridique : tous les Wallons majeurs sont automatiquement titulaires de ce permis, sans la moindre démarche requise, et il n’existe pas sous une représentation physique. Mais en inscrivant cette exigence dans la législation, il devient possible de le retirer et d’interdire à un contrevenant la détention d’animaux.

Nouveau : tout animal (et plus seulement les chevaux !) détenu à l’extérieur doit disposer d’un abri naturel ou artificiel pouvant le protéger des effets du vent, du soleil ou de la pluie. Un abri naturel peut être un arbre (ombre), une haie (coupe-vent). À défaut, il doit exister la possibilité de rentrer l’animal en cas de condition climatique défavorable (canicule…). La définition de ces conditions est laissée à l’appréciation des inspecteurs vétérinaires qui jugeront en fonction de l’espèce animale concernée.

Nouveau : l’installation ou la mise en service de cages (mêmes enrichies) pour l’élevage de poules pondeuses sont désormais interdites en Wallonie à l’horizon 2028. Les permis d’environnement actuels et courant au-delà de 2028 peuvent être toutefois maintenus jusqu’à échéance.

Les interventions autorisées

Le nouveau Code reprend en partie le contenu de la loi de 1986. Rien ne change quant à la description des interventions autorisées (castration des porcelets, écornage des bovins… actes vétérinaires réalisés classiquement dans les fermes). « Celles-ci demeurent autorisées et rien n’indique actuellement leur remise en cause ; même si concernant la castration des porcelets, le secteur lui-même essaye d’anticiper une volonté que la société aurait de l’interdire. »

Nouveau pour les détenteurs de chevaux de trait : l’écourtage de la queue était déjà interdit depuis de nombreuses années, « mais la pratique courante était de couvrir cette pratique via des certificats vétérinaires « souvent de complaisance », constate l’orateur. Le nouveau Code du bien-être animal interdit désormais de faire participer ou d’admettre à des expositions d’animaux, des expertises ou à un concours un équidé ou un chien ayant subi une amputation de la queue ou des oreilles. Autrement dit, même un cheval de trait écourté disposant d’un certificat vétérinaire justifiant l’opération, est interdit d’exposition et de confrontation.

Le commerce…

Une disposition récente limite la publicité visant la commercialisation et le don d’animaux afin de lutter contre les acquisitions impulsives. Elle vise prioritairement les animaux de compagnie. Depuis l’an dernier, lorsqu’elle concerne un animal dont la détention est autorisée, la publicité est autorisée uniquement dans une revue spécialisée, sur un site internet spécialisé ou dans un groupe fermé au sein des réseaux sociaux.

Bruno Cardinal : « La sortie de ce nouveau code a mis en lumière une pratique que l’on peut retrouver chez les éleveurs de moutons – souvent de bonne foi – et qui est pourtant interdite depuis 1986. Il s’agit de l’interdiction de commercialiser ou donner un animal ayant subi une intervention interdite (voir ci-avant). Il s’avère que des éleveurs des moutons achètent des mâles en France ; comme ceux-ci sont équeutés (interdit en Belgique), ils ne peuvent plus être vendus en Belgique. La recherche de solutions à cette problématique est en cours. »

… et le transport des animaux

Si le code ne modifie en rien la législation antérieure, le vétérinaire juge utile de rappeler certaines dispositions, car ce transport suscite aujourd’hui encore de nombreuses questions.

Le règlement impose de fortes contraintes pour les distances parcourues supérieures à 65 km : des autorisations, des agréments du moyen de transport sont nécessaires. Des annexes concernent la densité des animaux, leur abreuvement… à respecter. L’accès à un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) est également de mise, etc.

Notons encore que la réglementation (issue du règlement européen en vigueur) ne s’adresse qu’aux seules personnes opérant dans un cadre professionnel. Les éleveurs qui transportent leurs propres animaux avec leurs propres moyens de transport sur une distance inférieure à 50 km de leur exploitation (conduire du bétail vers une prairie dans une bétaillère) sont en dehors du champ de cette législation, et ne sont donc pas concernés.

En pratique

Précédemment, les autorisations pour les transporteurs d’animaux « agricoles » et leurs moyens de transport étaient classiquement délivrées par les agents de l’Afsca. Ces autorisations concernaient une grande partie relative au « bien-être animal » et aussi une petite partie « sanitaire (désinfection des camions…) ».

Depuis le 1er janvier 2018, la situation est devenue très complexe pour ceux-ci en raison de la régionalisation du bien-être animal. Il n’a pas été possible de se mettre d’accord avec l’Afsca pour des raisons de législation : les agents fédéraux ne peuvent pas délivrer des autorisations régionales et inversement. De sorte que lesdits transporteurs sont désormais soumis à un régime d’autorisations de deux ordres : type 1 et type 2 ! Et cela crée beaucoup de confusions et de complications !

L’autorisation régionale concerne le bien-être animal (les trajets d’une certaine distance, l’encodage du système Traces… L’Agence délivre de son côté l’autorisation sanitaire qui permet d’entrer sur le marché… « Cette situation complexe est aussi très lourde sur le plan administratif », déplore l’orateur.

La mise à mort

Le code apporte plusieurs nouveautés. D’abord au sujet de l’abattage dans le cadre des rites religieux musulman (viande halal) et juif (viande cacher). En région wallonne, à partir du 1er septembre de cette année, l’étourdissement devient obligatoire ! Il s’agira d’un étourdissement réversible, par électro-narcose. De manière générale, tout animal est mis à mort uniquement après anesthésie ou étourdissement.

Le code indique également que le Gouvernement peut autoriser l’abattage d’animaux sur leur lieu d’élevage (tir au pré). Cela rencontre le souhait des éleveurs de ne pas infliger le transport de leurs animaux vivants jusqu’à l’abattoir, mais de sacrifier leurs animaux à la ferme, avec soit un atelier de découpe sur place, soit un système de transport des carcasses vers l’abattoir. Toutefois, aucun texte établissant le cadre de cette alternative n’est actuellement en cours de rédaction.

Tout abattoir installé en Wallonie devra disposer d’une installation de vidéosurveillance destinée à vérifier le respect du bien-être animal. Cela vise à responsabiliser le personnel travaillant au sein de ces établissements, en réponse aux campagnes relayées par les réseaux sociaux dénonçant des faits graves.

M. de N.

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