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BBBashing et BBB(r)exit : bye bye BBB ?

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«Avant, la situation était grave, mais pas désespérée; maintenant, la situation est désespérée, mais ce n'est pas grave!» Cette boutade humoristique pourrait s'appliquer à l'élevage allaitant BBB, lorsqu'on découvre les résultats comptables catastrophiques des cinq dernières années, quand on observe les nuages noirs qui s'accumulent dans un ciel qui n'est plus blanc bleu belge depuis belle lurette. Au côté des sombres nuées qui accompagnent l'accord UE-Mercosur, un énorme cumulo-nimbus en forme d'enclume est justement en formation. Il s'appelle «Brexit dur» et nous annonce un bel orage, accompagné de douches froides et d'éclairs foudroyants. Faut-il pour autant abandonner tout espoir de jours meilleurs?

Notre race belgo-belge de bovins viandeux n'avait certes pas besoin de ces perspectives d'avenir peu réjouissantes. Pour employer une expression très à la mode, elle est victime depuis trop longtemps de «BBBashing». Le «bashing», en anglais, est un défoulement public organisé, un jeu qui consiste à infliger une volée de coups à quelqu'un ou quelque chose, souvent à tort plutôt qu'à raison. On peut traduire ce mot par «campagne de dénigrement collectif» ou «lynchage systématique». Les hommes politiques, par exemple, en sont parfois les victimes, et souvent les instigateurs quand ils veulent éliminer un adversaire. L'agribashing, en ce qui nous concerne, est très tendance chez les défenseurs de l'environnement, les plus bébêtes d'entre eux en tout cas. Orchestré par toutes sortes de gens sans conscience ni aucun scrupule, -lobbies et médias-, il sert surtout à détourner une attention qui devrait peser sur les vrais coupables de la malbouffe, des injustices sociales, de la pollution et du réchauffement climatique: les industries agro-alimentaires, le grand commerce, le transport, les énergies, les hautes finances, ... L'agriculture, c'est un peu le baudet de la fable «Les animaux malades de la peste», sur lequel la meute crie «haro» sans y réfléchir à deux fois, parce qu'on lui a dit de crier.

Le BBBashing, c'est précisément cela! Tout le monde s'y met. Même certains, parmi nos frères paysans, éleveurs d'autres races bovines ou d'autres espèces animales, participent à la curée pour leur propre publicité! Pourtant, l'heure est grave pour toutes et tous. Le végétarisme progresse à grands pas et la consommation de produits carnés baisse de jour en jour. Les accords UE-Mercosur annoncent la prochaine arrivée de montagnes de viande en provenance d'Amérique Latine, tandis que le Brexit piétine de l'autre côté de la Manche, au grand désarrois des fermiers irlandais.

Un «no deal» signifiera pour eux la perte d'un tiers de leurs débouchés à l'exportation. Le Royaume-Uni achète à l'Irlande 38 % de ses fournitures agro-alimentaires, principalement du bœuf. Un Brexit sans accord avec l'Union Européenne, au 31 octobre prochain, entraînera l'application des règles de l'Organisation Mondiale du Commerce, avec à la clef des frais de douane et de nombreuses formalités administratives. Selon la Banque Centrale Européenne, les prélèvements sur la viande de bœuf irlandaise s'élèveront à près de 50 %! Si la situation reste bloquée, sans aménagement d'une frontière moins dure avec la Grande-Bretagne, il faudra craindre un effet de déplacement, quand les Irlandais déverseront chez nous leur production, laquelle aura perdu toute attractivité chez leurs voisins. Cet afflux de viande viendra perturber nos marchés intérieurs, à n'en pas douter... J'entends déjà les marchands de bêtes justifier par ce biais leurs offres de prix en forte baisse! Les arguments ne leur manquent jamais, quand il s'agit de nous acheter toujours moins cher. Si la baisse continue, il faudra bientôt payer pour qu'on nous prenne nos animaux...

Notre Blanc-Bleu-Belge vit un véritable BBBexit forcé, une sortie inexorable du paysage agricole de notre pays. Ses effectifs se sont réduits de manière catastrophique ces dix dernières années, avec une baisse en Belgique de 23 % des vaches allaitantes entre 2008 et 2018! En Ardenne Centrale, l'effectif des bovins BBB est passé de 340.000 à 250.000 au cours des deux dernières décennies! Et rien ne semble augurer d'un regain d'intérêt pour la race. L'agriculture biologique progresse à pas de géant dans les régions difficiles, où les robes rousses et fauves des jolies françaises remplacent les sages livrées bleues et blanches des BBB. Pourtant, notre race emblématique ne manque pas d'atout! Inge Moors, députée à l'Agriculture du Limbourg, a bien objectivé sa résilience climatique (sa capacité a dégager des solutions) et décidé de prendre le BBB par les cornes. Nos animaux produisent davantage de viande que les autres races bovines, pour une émission identique de méthane et d'autres gaz à effet de serre. Ils font partie de nos paysages et s'inscrivent parfaitement dans la lutte contre le réchauffement global. De plus, sa viande reste appréciée, n'en déplaise à d'aucuns. Le BBBashing ne se justifie en aucune manière, estime la députée provinciale limbourgeoise, qui entend bien relancer, avec TOUS les acteurs du secteur de la viande BBB, une recherche collective de solutions, actives et concrètes. Les agriculteurs seuls ne peuvent plus supporter tout le poids d'une filière trop lourde, laquelle réalise des bénéfices mais «oublie» de rémunérer son maillon le plus faible.

Et chez nous, que se passe-t-il? L'agribashing et son petit frère le BBBashing ont-ils assommé définitivement les Wallons? Notre filière commerciale et nos administrations régionales négligent-elles aussi leurs producteurs de bases, quitte à scier elles-mêmes la branche qui les soutient et les nourrit? Les Flamands semblent avoir gardé leurs esprits, et préservé toute leur hargne à défendre notre race à viande. La Wallonie doit suivre, prendre son destin en main, protéger réellement ses agriculteurs et non les exploiter, ou ce sera le BBBexit à moyen terme: bye bye BBB...

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