Le maraîchage vu par les maraîchers, réflexion et partage autour des charges économiques, physiques et mentales… et des solutions pour faire face à ces défis et permettre la pérennité des projets. C’est autour de ces thèmes que se sont retrouvés plusieurs dizaines de maraîchers actifs ou en formation, lors d’une journée organisée par le réseau des « espaces-tests », fin janvier à Jodoigne.
L’occasion aussi pour le Centre interprofessionnel maraîcher (le CIM, basé à Gembloux), reconnu par le Service public de Wallonie comme Centre pilote pour le développement et la vulgarisation dans le secteur des légumes pour le marché du frais, de faire état de la situation de ce secteur dans le sud du pays et d’esquisser les grandes pistes stratégiques pour les 10 ans à venir.
Moins de 1 % de la SAU
« La Wallonie compte aujourd’hui quelque 350 maraîchers, producteurs de légumes pour le marché du frais, dont environ 185 exercent la profession à titre principal, soit un peu plus de 50 % », indique Claire Olivier, conseillère technique au CIM. La production de légumes pour le marché du frais (plein air et sous abris) couvre environ 4.000 ha, ce qui représente moins de 1 % de la surface agricole utile wallonne. Le chiffre d’affaires de ce segment de l’horticulture comestible wallonne est de l’ordre de 40 millions d’euros.
Notons encore que le taux d’autoapprovisionnement de la Wallonie en légumes a été estimé l’an dernier à 17 %. Autrement dit, dans le panier de légumes du consommateur wallon, environ 17 % des denrées proviennent de maraîchers installés dans la région.
La production, partie émergée de l’iceberg !
Le métier consiste évidemment à produire des légumes, mais l’éventail des activités est bien plus large, puisque le maraîcher doit également exercer des talents de conditionneur, commerçant, communicateur, gestionnaire administratif, logisticien, voire également transformateur ou encore pépiniériste.
« On l’aura compris, la profession suppose une organisation parfaite et une grande polyvalence. On l’oublie trop souvent », poursuit Claire Olivier, qui ajoute que la difficulté majeure pour la profession est la commercialisation et la valorisation des produits. Les produits frais ont une durée de vie et donc de vente limitée et les possibilités de transformation sont rares en Wallonie.
Pour les maraîchers établis sur de petites surfaces, des difficultés…
Les difficultés rencontrées par cette frange de maraîchers recouvrent divers aspects :
– la gestion de parcelles de petite taille et la diversité nécessaire des légumes à y faire pousser multiplient les soucis de logistique et les contraintes ;
– la mécanisation n’est ni rentable ni efficace, d’où le recours majeur à « l’huile de bras » ;
– le choix des légumes. Il n’est pas possible de produire uniquement les produits d’appel. Pour attirer les consommateurs, dans une commercialisation en vente directe, le panel de légumes proposés doit être plus large ;
– la concurrence est rude. Le métier exerce une grande attractivité depuis quelques années; de nombreuses personnes s’installent. Cet accroissement des projets de maraîchage peut toutefois aussi être perçu positivement via une complémentarité de la gamme offerte et une meilleure planification du travail entre voisins, qui en outre mène à des économies d'échelle;
– l’approvisionnement en plants peut s’avérer financièrement pénalisant, par rapport aux lots prévus pour des maraîchers opérant sur de plus grandes surfaces.
… et aussi des opportunités
La production de légumes sur de petites surfaces présente heureusement aussi une série d’atouts :
– le prix de vente peut être plus stable dans un système de commercialisation en vente directe, vu l’absence d’intermédiaires ;
– l’activité requiert moins d’investissements ;
– la production à taille humaine répond à la sensibilité actuelle du consommateur envers les productions locales et « vertueuses » ;
– les consommateurs acheteurs se montrent moins exigeants sur l’aspect extérieur (qualité visuelle des légumes), par rapport aux calibres standards proposés dans les super et hypermarchés.
Vers 30 % d’autosuffisance ?
Le CIM a travaillé sur un plan de développement stratégique qui permet de dégager une vision pour ce secteur au cours des 10 prochaines années. L’objectif unique de cette stratégie est de faire évoluer l’autonomie de la Wallonie pour son approvisionnement en légumes frais de 17 % en 2018 à 30 % à l’horizon 2028.
Pour ce faire, le centre pilote a défini quatre objectifs spécifiques.
1. Augmenter la consommation de légumes wallons, en travaillant : en partie avec les producteurs et en partie avec les consommateurs.
Du côté des producteurs, par des actions de nature à développer la commercialisation et la valorisation des productions. Un des outils que le Centre interprofessionnel maraîcher a choisi d’appuyer est l’Interprofession Fruits et légumes de Wallonie ; qui s’extériorise auprès des consommateurs sous la forme d’une pastille d’identité locale (voir illustration ci-jointe) et s’inspire d’une expérience menée avec succès en Alsace (interprofession des fruits et légumes d’Alsace). En circuit court, l’accent doit porter surtout sur la planification de la production, en s’appuyant sur le réseautage, et en circuit long, c’est le démarchage dans les grandes et moyennes surfaces qui est la clé d’une progression du volume des ventes. Les deux formules de commercialisation évidemment sont possibles.
Du côté des consommateurs, la promotion des légumes wallons suppose des actions de communication et de promotion.
2. Améliorer la professionnalisation de ce secteur des légumes pour le marché du frais. Cet objectif concerne toutes les facettes du métier de maraîcher, et donc non seulement en matière de techniques de production mais aussi sur le plan commercial, managérial et financier. Des actions doivent également être menées pour soutenir l’investissement et les aides à l’installation, mais aussi pour faire évoluer les réglementations jusqu’ici trop calquées sur le modèle agricole, de sorte qu’elles soient mieux adaptées aux spécificités de l’activité maraîchère et plus globalement horticole.
3. Augmenter la valeur par la différenciation des produits, en anticipant les tendances, en apportant régulièrement des innovations, et en assiurant une veille technico-économique.
4. Favoriser une Wallonie horticole durable en se basant sur les travaux de la recherche et développement et sur un encadrement performant.
M. de N.