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Rumexperts: l’expertise de la donnée, une réponse sur-mesure aux problèmes d’éleveurs

Expertiser la donnée d’élevage des grands et petits ruminants pour permettre à l’éleveur d’optimiser ses paramètres d’élevage et ainsi gagner en rentabilité, c’est la mission que se donne RumeXperts, un projet First Spin Off de l’Université de Liège. Anne-Sophie Rao, vétérinaire, a mis sa thèse entre parenthèses pour lancer la future start-up sur les rails.

Temps de lecture : 6 min

Démarré officiellement au 1er octobre 2017, Rumexperts est un projet de bureau d’étude en santé animale, spécialisé dans les ruminants, grands comme petits. Si Anne-Sophie gère l’essentiel du travail, le Dr Théron participe également à son évolution, étant lui-même co-fondateur et consultant technique. Notons que le projet est co-financé par l’Université de Liège et la DG06 et devrait durer deux ans.

Le vétérinaire d’exploitation

au centre

Le service en ferme à l’initiative des vétérinaires référents, pour le suivi de performances reproductives, alimentaires, néonatales ou laitières est le premier pilier de la structure. « Nous avons voulu associer l’expertise pédagogique à l’expertise technique de terrain. Nous voulons que le vétérinaire de l’exploitation soit l’intervenant central. En effet, il a toujours un avis décisif sur les prises de décisions de l’éleveur. Nous jouons donc le rôle de lubrifiant entre les différents partenaires car, en ferme, les interactions sont peu nombreuses, tout comme les solutions. »

Une équipe multidisciplinaire…

Si l’objectif est d’incuber le projet afin de mettre au point les outils à destination du secteur ruminant, la vétérinaire se veut ambitieuse. L’entreprise devrait être créée dans les six prochains mois. « Cela nous donnera davantage d’oxygène ! La demande du terrain est rapide et intense. On doit pouvoir y faire face. »

Et pour se faire, RumeXperts s’appuie sur de nombreux consultants, dans le secteur vétérinaire pour la santé et le bien-être, mais également dans le secteur agronomique. Chaque grand défi de l’élevage est ainsi couvert par une ou deux personnes clés. « Nous avons déjà des collaborations avec les Professeurs Hanzen, Cabaraux et les Docteurs Knapp et Pauly. Toutefois l’équipe doit encore s’étoffer », explique-t-elle.

« Au départ, nous pensions que le cœur de notre travail serait la recherche et le développement ainsi que du suivi d’élevage mais très rapidement, c’est le deuxième pilier du projet qui a pris le dessus. Des demandes pour du service technique déporté ont en effet rapidement afflué, de la part d’ entreprises privées », note la vétérinaire. «Celles-ci s’adressent à nous car elles ont un test à développer et ne connaissent pas bien le ruminant. Et comme notre équipe « a les pieds dans les bottes», nous pouvons créer des solutions sur-mesure et les mettre en application.»

«On le voit, notre profil de bureau d’études multi-casquettes plaît. La taille de la structure permet d’avoir un volant d’action et une mise en route très rapide. En outre, la confidentialité est d’autant plus importante qu’il y a peu d’intervenants…»

La future spin-of travaille sur les marqueurs sanguins,  notamment en race Blanc-bleu belge.
La future spin-of travaille sur les marqueurs sanguins, notamment en race Blanc-bleu belge. - P-Y L.

… Centrée sur le macromanagement

« Nous croyons à la rentabilité par la santé et le bien-être des ruminants, ce qui suppose plusieurs objectifs : suivre les troupeaux sur le terrain ; avoir une capacité à prendre de la hauteur vis-à-vis du troupeau ou de la comptabilité. Les actions n’ont qu’un seul but assumé: augmenter la rentabilité et l’efficience alimentaire via le conseil et la surveillance des performances. »

Raison pour laquelle l’équipe a opté pour une approche « macromanagement », soit voir l’exploitation dans son ensemble, ses grandes tendances. « L’objectif est que l’exploitant puisse voir quelle direction prend sa ferme et non celle que prennent ses vaches. Si savoir où vont ces dernières est intéressant, l’ensemble de ces données donne assez peu d’idées sur quelle va être la rentabilité de la structure l’année suivante ! »

… Et les producteurs de données

L’interprétation des données est primordiale. Le terreau wallon comprend des éleveurs performants, des excellents sélectionneurs. Mais malgré les qualités intrinsèques de ce secteur, un gros problème de visualisation des indicateurs économiques persiste. Les éleveurs ont des problèmes à se confronter à la performance de leur site de production, tout simplement parce que les données ne sont pas simples à obtenir, mais aussi parce qu’elles sont compliquées à analyser !

La synergie avec l’Awé est donc essentielle puisqu’elle produit la donnée la plus complexe d’élevage. Aujourd’hui, RumeXperts se concentre sur le contrôle laitier, sur les fichiers de mortalité et les données du tank à lait… A cela pourra s’ajouter dans le futur des infos météo. L’idée est de créer des alertes précoces de stress. Si l’on sait déterminer quand les veaux sont à risque en froid, ou les vaches à risque en chaud, on peut ainsi prévenir les éleveurs de préparer une ration spéciale pour les adultes ou de fermer les portes et augmenter la ration des veaux.

L’analyse des données (ici, de mortalité) dans Salve permet d’informer l’éleveur de problèmes mais également  de lui permettre d’actionner les bons leviers pour les résoudre.
L’analyse des données (ici, de mortalité) dans Salve permet d’informer l’éleveur de problèmes mais également de lui permettre d’actionner les bons leviers pour les résoudre.

Le logiciel Salve

Autre pilier de Rumexperts: la conception d’un logiciel d’alerte vétérinaire pour l’élevage (Salve) compilant 4 types de données disponibles en Belgique. Il vise à optimiser le temps de réponses des fermiers à des variations de données. « Si le projet est encore en phase de test par une quinzaine de vétérinaires, une centaine de ferme est déjà dans le réseau », note Anne-Sophie.

Le logiciel prévient les gens très précocement de l’apparition des problèmes, avant même que les éleveurs ne puissent les détecter. Et d’ajouter : « Nous nous sommes rendu compte que le délai moyen de réponse d’un agriculteur à un problème de qualité du lait, de reproduction… est de 45 jours. Nous visons les 10 jours ! »

L’éleveur, par le biais des alertes, pourra réagir ainsi beaucoup plus vite et comprendre ce qui n’a pas été dans son travail. Une fois ses données en main, il peut aller chercher l’explication auprès de la personne adéquate, son vétérinaire notamment, et adapter sa pratique.

Avec Salve, le vétérinaire dispose d’une vue multitroupeaux. Il pourra dès lors organiser ses visites d’exploitation en fonction des alertes, des priorités.

Notons que l’écran multitroupeaux reprend la base de données du logiciel lui-même. Tout éleveur qui s’y connecte pourra donc se classer par rapport à la base de données de référence du système. Il pourra ainsi se jauger vis-à-vis d’un certain nombre de thématiques. Et plus la communauté Rumexperts sera grande, plus les informations seront précises.

Mais Salve n’est pas le seul logiciel du projet d’autres programmes sont également en cours de développement.

Travail des marqueurs sanguins

Tournée vers l’avenir, la spin-off utilise de nouveaux concepts liés à l’analyse fine des données de l’éleveur, à la détermination d’objectifs de rentabilité spécifiques à un atelier (mères, veaux, engrais…). Elle s’attelle à développer de nouveaux marqueurs complexes du sang pour analyser les programmes alimentaires. « S’ils sont destinés à toutes les races, ils le seront particulièrement pour le Blanc-bleu belge. En effet, malgré le caractère unique de la race, on ne connaît pratiquement rien des besoins spécifiques de ce veau extraordinaire », note la vétérinaire.

Par ailleurs, on continue à travailler sur d’autres marqueurs sanguins, toujours en vue de simplifier et d’apporter un panel d’analyses et de diagnostics qui vont aider l’éleveur et le vétérinaire. « Si le marqueur sanguin est actuellement le plus fiable, peut-être irons-nous vers d’autres marqueurs à l’avenir. Nous ne faisons que concentrer toute la science que nous avons accumulé pour créer des outils exploitables », conclut-elle.

P-Y L.

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