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Quelle conduite des surfaces fourragères après la sécheresse? (Partie 1)

Une sécheresse a généralement pour conséquences de réduire les rendements fourragers et d’entamer les stocks prévus pour la période hivernale. Au-delà, de ces aspects alimentaires, il y a aussi les conséquences potentielles sur le devenir et l’évolution des surfaces en herbe. Pour gérer l’équilibre alimentaire et espérer retrouver les volumes de fourrages nécessaires différentes possibilités peuvent être envisagées.

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Évidemment, les stratégies à développer seront à adapter à chaque exploitation selon ses possibilités agronomiques, l’intensité de la sécheresse subie et l’exigence du niveau alimentaire recherché par les troupeaux. Les pluies enfin arrivées doivent permettre d’apporter des ressources pâturables en arrière-saison, y compris pour l’hiver, et de produire des stocks de remplacement.

Valoriser au mieux la ressource automnale

Après une sécheresse estivale, quand la situation hydrique revient à la normale, et à condition que les pluies ne soient pas trop tardives et les températures encore douces, la reprise de végétation est en général très bonne compte tenu de la forte minéralisation dans le sol. Toutefois, ce potentiel de repousse des prairies exige que les plantes et leur système racinaire n’aient pas été altérés par une surexploitation. Ceci est particulièrement important pour les espèces ovines et équines qui présentent des aptitudes à un pâturage particulièrement ras. Quelle que soit l’espèce, il est fortement recommandé de ne pas sur-pâturer les prairies puis de leur laisser un temps de repousse suffisant lorsqu’elles commencent à reverdir.

Dans le cas de sécheresses intenses, lorsque la pousse de l’herbe est à l’arrêt et que le couvert a été exploité, il convient de resserrer les lots d’animaux sur des parcelles « parking » généralement à faibles potentiels, qui seront sacrifiées et éventuellement retournées par la suite. Il s’agit de sauvegarder les autres parcelles en mettant en place un affouragement et une complémentation selon les besoins des animaux. Au final, cette solution sera moins coûteuse que la perte de production fourragère due à un surpâturage généralisé et protégera le potentiel de reprise des prairies en automne et hiver, voir sur les années suivantes.

En automne, si les prairies disposent d’une ressource pâturable, il importe bien évidemment de ne pas la gaspiller et de la valoriser au mieux en mettant en place un pâturage rationnel qui garantira une valorisation maximale de cette nouvelle ressource, notamment par l’allongement du pâturage tant que les conditions de portance le permettront. La mise en place d’un pâturage tournant, est conseillée. On cherchera des temps de séjour par paddock relativement courts avec des chargements instantanés élevés et des temps de retour suffisamment longs pour ne pas affaiblir encore plus une végétation déjà éprouvée par la sécheresse.

Évaluer le déficit de stocks fourragers et les compensations à envisager

Avant de prendre toute décision concernant le troupeau comme une décapitalisation ou une modification de régimes alimentaires pouvant impacter les niveaux de performances (production laitière ou GMQ), et avant d’acheter des ressources fourragères extérieures qui sont toujours à des prix élevés lors de sécheresses généralisées, il convient de réaliser un bilan fourrager pour estimer l’intensité du déficit fourrager et la nature des besoins d’achats complémentaires. Cet exercice permet d’orienter, de manière plus éclairée, les achats de fourrages ou de concentrés en fonction des déficits constatés et des besoins s des lots d’animaux. Cet exercice est encore plus pertinent s’il se complète d’une bonne connaissance des valeurs alimentaires des fourrages en stock.

Envisager un allongement des périodes de pâturage

Une des conséquences du réchauffement climatique, est le radoucissement des hivers. Ces dernières années on a pu constater une persistance de pousse de l’herbe dans les régions les plus océaniques.

L’herbe en hiver, lorsqu’elle est disponible, est un fourrage de bonne qualité qui peut être valorisé par de nombreuses catégories animales, et l’allongement de la période de pâturage concourt à diminuer les besoins en fourrages stockés et en paille.

Si les conditions de portance des sols le permettent, cette production fourragère doit être exploitée, spécialement les années de déficit fourrager. De plus en plus de travaux portent sur ce levier d’adaptation au changement climatique (quel chargement, quels impacts sur le devenir des prairies) pour en préciser les modalités optimales. Quoi qu’il en soit, le pâturage hivernal ne doit plus être un tabou au prétexte qu’il faut « un repos pour la prairie ». Si le couvert pousse c’est que le couvert est actif et n’est pas « au repos ». Pourquoi ne pas exploiter cette production ?

La limite de cette pratique est la portance des sols qui dépend de la nature des sols, du climat et du type de couvert (composition floristique des prairies). En effet, les sols ne doivent pas être dégradés pour ne pas affecter la production de l’année suivante. Si le problème de portance se pose souvent avec les bovins, c’est rarement le cas avec les ovins.

Cela étant, en adaptant le chargement cette pratique peut être mise en œuvre dans de nombreuses situations sans affecter la production fourragère de printemps. Ce pâturage hivernal pourra engendrer un léger décalage dans la reprise de la végétation au printemps suivant. Les références mentionnent un décalage d’environ une journée par semaine de pâturage au-delà du 1er novembre.

Pour les bovins, la distribution de fourrages complémentaires est quasiment indispensable pendant cette période. On privilégiera une distribution rationnée au sol, à la dérouleuse par exemple, en se calant sur les consommations observées.

La distribution au râtelier est l’autre solution en veillant à ne pas dégrader une surface importante de la parcelle. Enfin, le bale-grazing qui consiste à organiser le pâturage hivernal avec distribution d’enrubannage est une technique également intéressante.

Renouveler les prairies dégradées

Après une sécheresse, le risque de dégradation des couverts prairiaux est élevé, surtout si les prairies ont déjà connu des sécheresses successives ou ont combiné sécheresse estivale et surpâturage. Les conséquences de ces sécheresses sont les mortalités importantes de certaines des espèces prairiales, souvent les plus intéressantes sur le plan de la valeur alimentaire comme le Ray-grass anglais. Les équilibres floristiques peuvent alors se modifier en laissant plus de place à des espèces de faible valeur ou l’apparition de plantes diverses venues « boucher les trous » et sans intérêt fourrager (capselle, porcelle, pissenlit…).

Au-delà des températures, une autre raison de la dégradation des prairies est le cisaillement des plantes devenues sèches, par les sabots des bovins s’ils persistent sur la prairie. D’où, là encore, la nécessité de concentrer les animaux sur des parcelles « sacrifiées ».

À la sortie de cette période de sécheresse intense, la question de la dégradation de certaines parcelles se pose. Avant de sortir l’artillerie lourde, il est important de qualifier l’état de récupération du couvert à l’issue de cette période de reprise de la végétation. Trois situations se profilent orientant de manière différente les interventions à prévoir sur la parcelle dans l’objectif de restaurer le potentiel productif des couverts, en lien avec la physionomie que prend la végétation lors de cette phase de reprise automnale.

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Préserver les capacités de repousse des prairies et valoriser au mieux la ressource automnale

Le sursemis reste une technique exigeante dans sa mise en œuvre et assez aléatoire dans sa réussite. Il convient de bien cibler les prairies candidates ou aptes à la réalisation d’un sursemis. En clair, un couvert présentant encore de bonnes espèces (graminées ou légumineuses) et la présence de vides (zones de sol nu) de la taille d’une assiette à dessert. Il s’agit par le sursemis de prolonger, pérenniser la durée de vie d’une prairie temporaire et permanente qui présente un fonds prairial dans la phase initiale de sa dégradation. C’est le cas par exemple de prairies surpâturées cet été qui présentent des trous suite à la disparition des espèces en enracinement superficiel comme le ray-grass anglais.

Dans tous les cas, on optera pour ces espèces agressives comme le ray-grass hybride, le trèfle violet ou encore le trèfle blanc. La réussite du sursemis étant pour beaucoup liée à l’accès à la lumière des jeunes plantules dans le couvert en place, la mise en œuvre d’un pâturage rapide un bon mois après l’opération de sursemis permettra de maximiser les chances de réussite.

Le sursemis reste une technique exigeante dans sa mise en œuvre et assez aléatoire dans sa réussite.
Le sursemis reste une technique exigeante dans sa mise en œuvre et assez aléatoire dans sa réussite. - D.J.

Dans le cas de prairies très dégradées (fonds prairial de mauvaise qualité, présence de mosaïques dans la végétation, disparition ou forte régression des légumineuses) la question de la rénovation peu se poser sur certaines parcelles.

Deux options se profilent :

– envisager l’implantation d’une culture de printemps en utilisant avant sa rénovation cette parcelle dégradée comme parcelle tampon dans le circuit de pâturage automnal avec des conditions de portance dégradées ;

– envisager dès cet automne la rénovation totale du couvert. Des travaux récents ont montré que la rénovation d’une prairie sur prairie peut s’opérer via les techniques d’implantation sous couvert. En clair on pratiquera une implantation en octobre d’un mélange céréalier avec une prairie multi-espèces implantée sous couvert. La valorisation fourragère de l’association céréale protéagineux garantira la réalisation de stock dès le printemps prochain. Et Le jeune semis sera valorisable sur la période estivale (dans les zones arrosées) ou à l’automne suivant dans des conditions de portance favorable.

Achats de fourrages et de concentrés

Le recourt à l’achat de fourrage ou/et de concentrés est le premier réflexe ou la première intention de bon nombre d’éleveurs face à un déficit constaté.

Lorsque le déficit fourrager estimé est inférieur à 25 %, il peut être couvert par l’apport d’aliments ou coproduits concentrés. En revanche, au-delà de 25 %, il est généralement nécessaire d’avoir recours à des achats de fourrages ou paille. Lorsque les choix en matière de fourrages existent après une sécheresse, ce qui n‘est pas toujours le cas compte tenu du rapport demande/offre, il convient de raisonner les achats des fourrages, de la paille, des concentrés ou des coproduits, fonction des prix d’équivalence qui intègrent au-delà du tonnage, la valeur alimentaire des aliments proposés à la vente.

A suivre en page 14 et 15

D’après Jérôme Pavie

Institut de l’Elevage

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