Grippe aviaire: «Les tergiversations du fédéral ont sapé la solidarité dans le secteur de la volaille»

Pour Stefaan Verhelle, il fallait régler le problème beaucoup plus vite. «Si le virus avait été hautement pathogène, cela aurait été une toute autre histoire. Il y aurait eu une compensation suffisante.»
Pour Stefaan Verhelle, il fallait régler le problème beaucoup plus vite. «Si le virus avait été hautement pathogène, cela aurait été une toute autre histoire. Il y aurait eu une compensation suffisante.» - LV

Stefaan Verhelle et son épouse Hermine Steenhuyse sont des aviculteurs dans l’âme. Et pourtant, sans son amour pour Hermine, Stefaan aurait probablement travaillé dans un autre secteur et dans une autre fonction. « Je suis le fils d’un fermier », explique l’aviculteur. « Mes parents avaient une ferme mixte à Pittem avec du bétail, des cochons, des poulets de chair et des cultures légumières. » S’il s’est intéressé davantage aux légumes fins, comme la mâche et le persil, il a préféré se diriger dans le secteur avicole.

Des normes toujours plus strictes

« J’ai commencé à travailler dans la ferme de mes beaux-parents en 1998, juste avant la crise de la dioxine. Hermine et moi nous sommes mariés en 2001 et avons commencé le commerce des œufs en 2002. »

Stefaan a été témoin du passage de l’élevage en cage à l’élevage en plein air. « Honnêtement, je ne sais pas si c’est tellement mieux pour le bien-être des animaux. Dans le cas d’une installation en plein air, la ventilation change lorsque les trappes de sortie sont ouvertes. Je ne sais pas si les poules élevées en liberté se portent tellement mieux. »

Le fait est que les consommateurs – et donc les détaillants – exigent un certain niveau de bien-être animal, et ce à juste titre. « On peut se demander si cela peut toujours se concilier avec plus d’écologie. L’empreinte écologique d’une poule élevée en plein air est beaucoup plus importante que celle d’un poulet en cage. En termes de durabilité et d’écologie, les poules devraient rester en cage. Mais c’est impossible, et c’est une bonne chose. Les volailles élevées en plein air sont le meilleur compromis entre l’écologie et l’économie, entre la durabilité et le bien-être des animaux ».

« Il y a aussi le lien avec la nature, l’écologie. Nous devons donc vivre les uns avec les autres et pour satisfaire tout le monde, des efforts sont nécessaires de part et d’autre, que ce soit de la part du consommateur, des défenseurs des animaux ou de l’agriculteur. Mais c’est difficile pour nous, éleveurs. Nous sommes de plus en plus sollicités et les marges sont de plus en plus réduites. Alors on économise parfois à droite à gauche et c’est ainsi que nous pouvons commettre des erreurs sans le vouloir. Quoi qu’il en soit, l’impression du secteur agricole est que tous les aspects négatifs de son travail sont toujours (trop) amplifiés ».

Au cours des dernières années, le secteur de la volaille a subi des coups durs. Le scandale des œufs contaminés au fipronil n’est qu’un exemple parmi d’autres. « Nous avons eu de la chance de ne pas avoir utilisé ce produit chez nous. Dans notre milieu, certains producteurs avaient utilisé le produit pour nettoyer leurs poulaillers. Les conséquences de cette crise nous ont coûté beaucoup d’argent, mais dans l’ensemble, les dégâts n’étaient pas encore trop graves à l’époque ». Malheureusement, ce n’est pas le seul coup que l’industrie a reçu.

La grippe aviaire portée par le vent

2019 a été – certainement pour le secteur des poules pondeuses – une autre année noire. Surtout dans la zone frontalière de la Flandre orientale et occidentale, où la concentration des élevages de volaille est très élevée et semble encore augmenter. L’expansion dans le secteur de la volaille se fera principalement par l’ajout de poulaillers ou de nouveaux élevages de poulets de chair. « Au début de l’année 2019, nous n’avions pas vraiment peur de cette grippe aviaire », avoue l’éleveur.

« La situation des Pays-Bas avec les oiseaux sauvages était quelque peu passée au second plan. Tout le monde a essayé de travailler de manière encore plus sûre et plus propre, et de prêter encore plus d’attention aux mesures de biosécurité. Avant l’éclosion, on était déjà bien avancé dans la saison (au printemps), et pourtant. Une première infection, une deuxième, puis une exploitation dans la commune… C’est alors que la panique s’est installée. »

Na de vogelgriep moest veel vlugger zijn geruimd, vindt Stefaan Verhelle.  Er moest veel vlugger zijn geruimd. Men had wellicht schrik voor het imago van de sector, voor de perceptie bij de Europese consument.
Na de vogelgriep moest veel vlugger zijn geruimd, vindt Stefaan Verhelle. Er moest veel vlugger zijn geruimd. Men had wellicht schrik voor het imago van de sector, voor de perceptie bij de Europese consument. - Foto: LV

Des mesures supplémentaires

L’expansion des foyers de grippe aviaire n’a pas pu être arrêtée au printemps. « En tant que centre de conditionnement, nous avons immédiatement pris certaines mesures : nous avons ramassé tous les œufs des autres fermes dans un point de collecte extérieur, et nous les avons transportés de cet endroit dans notre infrastructure avec notre camion. Nous avons aussi opté pour des mesures de désinfection… Mais rien n’y a fait. »

La propagation du virus s’est faite par le vent, comme le secteur de la volaille en convient. « Si on répertoriait au fur et à mesure tous les nouveaux foyers sur une carte, on peut voir la maladie avancer. Mais ça, le gouvernement n’a jamais voulu le reconnaître. Ce déni est extrêmement frustrant. Le vent est et reste un facteur difficile à maîtriser. Surtout quand tu te dois de ventiler tes poulaillers. On aspire de l’air contaminé à l’intérieur des bâtiments et en faire ressortir l’air vicié. Dans pareille situation, on ne peut simplement pas arrêter sa ventilation. »

Élimination volontaire

Le 6 mai, les premiers symptômes ont été visibles à l’arrière d’un poulailler. « On retrouve alors beaucoup d’œufs blancs parmi les bruns, le lendemain beaucoup moins d’œufs et une mortalité accrue. Après 3 à 4 jours, le taux de ponte continue de baisser tandis que le taux de mortalité augmente. Ensuite, les premiers symptômes s’observent dans un second poulailler… »

« Nous avons peut-être eu de la chance d’avoir deux bâtiments vides. À ce moment, nous avions des volailles pour 4 poulaillers dans l’exploitation. Ces animaux se trouvaient alors à Lapscheure et à Herentals, en dehors de la zone d’infection. Après la détection de la grippe aviaire dans notre élevage, nous nous sommes principalement concentrés sur la reprise des activités.

Le 10 mai, soit 4 jours après la détection du premier foyer dans leur exploitation, Stefaan Verhelle n’hésite pas à traiter tous ses poulaillers. « Au moment où le camion avec l’installation de gazage est arrivé, on a eu un sentiment d’horreur. Ce n’est que lorsque nous avons pu commencer à tout dégager que nous avons eu un meilleur sentiment… plus rassurant ! Nous n’avions pas le temps de nous y attarder davantage. »

Nettoyage, désinfection, postes sanitaires vacants… C’était aussi mieux pour les employés. On ne voulait pas qu’ils aient à passer leur temps à ramasser des animaux morts. Mais en décidant de d’aliminer le problème nous-mêmes, nous n’avons pas trop été aidés financièrement. »

Le gazage, un mal nécessaire

« Je suis toujours convaincu aujourd’hui que nous avons pris la meilleure décision à l’époque, également du point de vue du bien-être des animaux. Je pense que laisser mourir une poule malade qui souffre est pire que de devoir prendre la décision de le gazer. Aussi mauvais que soit le gazage, il fallait prendre cette décision. Cela peut sembler dur, mais la nature peut aussi être très cruelle. Les éleveurs ont toujours su ce qu’il y avait de mieux à faire pour leurs animaux. Parfois, la nécessité nous pousse parfois à enfreindre la loi. »

S’il y a eu des répercussions sur l’exploitation de poules pondeuses, le commerce des œufs n’a pas été en reste. « Bien qu’une partie de notre stock ait été éliminée, nous avons pu résoudre ce problème assez rapidement et nous avons également pu continuer à fournir du travail à nos employés. Cela nous a coûté des centaines de milliers d’euros », estime l’éleveur.

« Ce risque fait partie de l’esprit d’entreprise. Dans pareil cas, on ne peut que jouer la carte de la biosécurité. Si on n’a de cesse de vouloir s’améliorer, on ne peut malheureusement rien contre un virus extérieur porté par le vent ! »

L’échec du gouvernement

L’aviculteur est en colère contre le gouvernement fédéral. « Décisions beaucoup trop tardives, mauvaise communication. Le gouvernement fédéral a sous-estimé le problème quand le secteur avicole a agi de manière adéquate, rapide et efficace. »

« Il fallait régler le problème beaucoup plus vite. On aurait pu être effrayé par l’image du secteur, la perception du consommateur européen… Si le virus avait été hautement pathogène, cela aurait été une tout autre histoire. Il y aurait eu une compensation suffisante. » De par cette crise, le Fonds sanitaire a d’ailleurs été remis en question.

Le secteur touché par la crise a d’abord réagi avec déception à l’intervention du gouvernement flamand. Celui-ci a d’abord proposé 2,5 millions d’euros de dédommagement, ce qui compensait à peine 15 % des pertes subies par le secteur. Estimé trop faible par le secteur, le budget a été porté à 4,2 millions d’euros, ce qui compense environ 30 % des dommages.

Toutefois, la crise de la grippe aviaire et l’action inadéquate du gouvernement ont heurté profondément au secteur. « Bien sûr, il y a déjà une différence entre les différents types d’élevages de volaille et à l’intérieur des différentes provinces. Mais on a pu voir une belle solidarité mutuelle au sein du milieu. ».

Maintenant que les fermes touchées par la grippe aviaire ont fait le plein de volailles, un bon prix des œufs est plus que bienvenu. Notre produit doit être payé à sa juste valeur. Sans un bon prix, tout s’effondre. Et nous travaillons dur chaque jour, pour assurer une production de haute qualité. Depuis, l’image des œufs s’est heureusement améliorée. Par conséquent : rien de tel qu’un oeuf à la coque pour bien démarrer sa journée », sourit l’éleveur.

D’après Lieven Vancoillie

Un entrepreneur qui n’a pas tous ses œufs dans le même panier

Tout a commencé dans le Zwevezele de Flandre occidentale où Hervé Steenhuyse, le beau-père de Stefaan, dirige l’exploitation Steenhuyse, qui compte un total de 120.000 volailles élevées en cages. Les poussins sont destinés à la vente.

« Mon beau-père travaille avec beaucoup d’amour et beaucoup d’énergie. L’intention était d’élever des poussins pour la ferme de poules pondeuses. Cependant, en raison des modifications apportées à la réglementation sur les cages d’élevage, cette question n’a plus eu sa place dans l’échiquier. »

Avant, la chaîne était bien fermée, maintenant elle est rompue. « Quand vos poussins entrent dans votre propre élevage, vous avez une certaine satisfaction. Ces poussins sont maintenant vendus aux couvoirs, où nous achetons des poules élevées en liberté. »

De Kloosterbeekhoeve, l’élevage de volailles, a vu ses 6 poulaillers transformés en 2008. La raison ? Accueillir 120.000 poules, non plus en cages mais en système plein air et jardin d’hiver couvert. « Un élevage en liberté est beaucoup plus difficile à mettre en place que celui en cages, surtout à grande échelle. Nous ne pensons donc pas à nous agrandir davantage. D’autant que dans ce système, la pression des maladies augmente, les risques pour la santé des animaux sont donc bien plus élevé ».

Le tri et l’emballage se déroulent au centre de conditionnement ’t Munckenei. « Grâce à notre système de distribution sans faille et nos propres camions, nous livrons quotidiennement des produits frais. Chaque œuf est traçable et toutes les entreprises ont des labels de qualité et des certificats qui soulignent notre transparence. Les œufs proviennent de poules de notre propre exploitation ainsi que de 5 autres fermes avec qui nous travaillons de longue date. Nos plus gros clients ? Les grands enseignes comme Colruyt, Aldi, Lidl, Cactus (Luxembourg) et aussi les grossistes qui approvisionnent la restauration, les boulangers, les bouchers… Il existe également un distributeur d’œufs à la ferme, qui est réapprovisionné quotidiennement.

« Pour le moment, notre principal défi et notre investissement le plus important sera l’agrandissement de notre station d’emballage. Nous sommes trop serrés aujourd’hui. Nous déplaçons 2,8 millions d’œufs chaque semaine. Trouver des collaborateurs adéquats devient également un défi très actuel. La concurrence est féroce, mais en travaillant correctement et durablement, nous avons acquis une position permanente. Nous continuons à le faire tous les jours. Nous continuerons également à mettre l’accent sur la flexibilité et à répondre aux demandes croissantes des clients. »

Nous avons également constaté que les règlements et le travail administratif prennent de plus en plus de temps. Contrôler et gérer cela est l’un un autre grand défi. » De Kloosterbeekhoeve compte 2 employés permanents, ’t Munckenei en compte 10.

Début 2017, les poules ont accueilli de nouvelles voisines avec De Kwartelier : quelques milliers de cailles produisent des œufs frais chaque jour.

D’après L.C.

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