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Le pois et la féverole, deux candidats sérieux au développement du plan wallon des protéines végétales

Les cultures de pois protéagineux et féverole peinent à séduire dans nos campagnes malgré une demande soutenue, dopée par l’industrie alimentaire. L’instabilité des rendements, placés sous la forte influence du climat, explique en partie le désintérêt des cultivateurs. Par conséquent, l’offre interne demeure largement insuffisante que pour satisfaire les acheteurs, obligés de se tourner vers l’importation. Une situation que doit contrer le « Plan de développement des protéines végétales en Wallonie ».

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En novembre 2018, la Commission européenne a présenté son « Plan Protéines ». Son but : doter l’Europe d’une stratégie lui permettant, notamment, de réduire sa dépendance au soja d’importation. Outre un volet alimentation animale, une partie du plan est dédiée à l’alimentation humaine.

« Les légumineuses ne représentent actuellement que 3 % des terres arables de l’Union européenne. Le monde de la recherche s’attelle donc à améliorer la compétitivité des protéagineux et, ainsi, les rendre plus attrayants auprès des cultivateurs », explique Christine Cartrysse, ingénieure agronome auprès de l’Association pour la promotion des protéagineux et oléagineux (Appo).

Offre insuffisante : la Wallonie réagit

Dans la foulée, la Wallonie a souhaité réagir à son tour. En mai 2019, le Collège des producteurs, accompagné de divers partenaires tels que l’Appo et Wagralim, a présenté un « Plan de développement des protéines végétales en Wallonie ». Avec un objectif ambitieux : dédier 15.000 ha aux protéagineux à l’horizon 2030.

La déclaration de politique régionale pour la Wallonie (2019-2024) ajoute, à ce titre, qu’il faudra œuvrer au développement des filières déficitaires, parmi lesquelles figurent les protéines végétales. « Le Gouvernement mettra en place un soutien couplé afin d’encourager le développement des cultures de protéines végétales pour lesquelles l’offre intérieure et européenne est insuffisante », y est-il encore précisé.

Les prétendants : le pois protéagineux…

À ce titre, deux cultures font office de candidates sérieuses à l’application de ce plan. Il s’agit du pois protéagineux et de la féverole.

« Les récents progrès génétiques obtenus ont fortement contribué à améliorer les pois protéagineux, qu’ils soient de printemps ou d’hiver », détaille Mme. Cartrysse. Ainsi, seules des variétés à fleurs blanches, adaptées à l’alimentation des monogastriques comme les porcs et les volailles, sont encore cultivées. De même, les variétés de type afila (à vrilles), qui présentent une meilleure résistance à la verse, se sont généralisées. Des améliorations ont encore été apportées en matière de résistance aux maladies et, pour pois d’hiver, au froid. Enfin, les variétés à graines jaunes, plus intéressantes pour l’alimentation humaine, ont été privilégiées.

Entre autres atouts, les pois protéagineux présentent un grand intérêt  dans l’alimentation des monogastriques que sont les porcs et volailles.
Entre autres atouts, les pois protéagineux présentent un grand intérêt dans l’alimentation des monogastriques que sont les porcs et volailles. - J.V.

« Des progrès ont également été obtenus en matière de rendements, mais ceux-ci demeurent instables malgré un important processus de création variétale réalisé en France », constate-t-elle. Cette instabilité s’explique par la forte sensibilité de la culture aux aléas climatiques. « Certaines années, les rendements sont bons, voire très bons. D’autres années, ils sont mauvais… »

Notons d’ailleurs que ces observations se vérifient dans les essais conduits à Gembloux par l’Appo, depuis 1985 en ce qui concerne le pois de printemps et depuis 2002 pour le pois d’hiver. « En 2019, l’impact de la sécheresse s’est nettement fait ressentir sur les récoltes. Mais plus largement, des fluctuations sont observées chaque année, aussi bien avec les variétés d’hiver, plus nombreuses, qu’avec celles de printemps. Il est difficile de maintenir les rendements constants d’une année à l’autre et ce, alors que les variétés ont fortement évolué. »

… et la féverole

Les progrès génétiques ont été tout aussi nombreux pour la féverole. La résistance au froid et aux maladies a augmenté, de même que les rendements. Un important travail a été effectué pour ajouter davantage de variétés à fleurs blanches aux côtés des variétés à fleurs colorées. « Leurs graines contiennent moins de vicine et de convicine, deux composés qui entraînent une réduction du poids des œufs lorsqu’ils figurent dans l’alimentation des poules pondeuses. » Des travaux ont également été menés en matière de précocité à la maturité et de taille et couleur des graines. « Ces deux derniers aspects sont importants en alimentation humaine, nettement moins en alimentation animale. »

Comme le pois protéagineux, la féverole présente des problèmes de stabilité de rendements que la création variétale, menée principalement en France et au Royaume-Uni, n’est pas encore parvenue à solutionner. « La culture figurait déjà dans les essais de l’Appo dans les années 1960-80 ; elle y est à nouvau présente depuis le début des années 2000, tant du côté des variétés de printemps que d’hiver », ajoute Christine Cartrysse.

Et les résultats obtenus montrent aussi que les rendements diffèrent fortement d’une variété à l’autre. Ainsi, en 2019, un écart de 1.000 kg/ha a été observé entre la variété la moins productive et la variété la plus productive.

Teneur en protéines variable mais très souvent élevée

Qu’en est-il de la teneur en protéines de ces deux cultures, critère essentiel pour prendre part au plan wallon ? « En pois d’hiver, on constate qu’elle varie d’une saison à l’autre, à l’image des rendements. Toutefois, elle présente une tendance élevée, tournant en moyenne autour de 25 % de la matière sèche, avec des pics jusqu’à 30 %. » En pois de printemps, la teneur en protéines affiche davantage de stabilité d’une saison à l’autre qu’en pois d’hiver. Elle n’atteint toutefois pas des valeurs aussi élevées, celles-ci oscillant entre 24 et 26 %.

Il est donc vivement recommandé de procéder à une analyse des récoltes, en vue de valoriser au mieux les pois les plus riches en protéines.

Du côté de la féverole, les mêmes observations sont réalisées. Selon le choix variétal et le type de culture (d’hiver ou de printemps), la teneur en protéines varie de 28-29 % M.S. à près de 33 % M.S, voire plus en conditions optimales.

« L’intérêt, bien sûr, c’est d’avoir une variété qui allie productivité et richesse en protéines. » Une affirmation valable aussi bien en pois protéagineux qu’en féverole.

Plusieurs débouchés, sur notre marché

Si ces cultures suscitent l’intérêt de certains agriculteurs et des autorités, c’est en raison de leurs débouchés potentiels. « La Belgique importe de grandes quantités de pois protéagineux pour l’alimentation des porcs et volailles. Actuellement, notre pays est le premier client de la France. Il serait plus intéressant d’accroître l’autonomie de nos élevages en produisant sur notre territoire les quantités nécessaires », détaille Christine Cartrysse.

Des débouchés existent aussi en alimentation humaine. Ainsi, l’entreprise Cosucra, installée à Warcoing et pionnière en matière de cracking (fractionnement d’un aliment en différents ingrédients) du pois, a besoin d’importantes quantités de pois jaune riche en protéines. Pour répondre à la demande croissante d’aliments sans gluten et vegan, elle se doit d’importer sa matière première de l’étranger.

« Malgré plusieurs débouchés possibles, la production de pois protéagineux demeure faible en Belgique. » Ces dernières années, la superficie dédiée à cette culture était inférieure à 1.000 ha. « Des chiffres similaires à ceux que l’on observait dans les années ‘80… Et ce, alors que les surfaces consacrées au pois protéagineux étaient en hausse au début des années ‘90. »

La production de féverole reste, elle aussi, faible mais est en hausse depuis 2012. En 2018, le seuil de 1.000 ha a été dépassé. « Ce regain s’explique notamment par la progression qu’affiche l’agriculture bio depuis une décennie. La féverole est en effet plus facile à maîtriser que le pois lorsque l’on s’inscrit dans ce mode de production. »

« Vu l’impossibilité de satisfaire la demande interne en protéagineux, émanant notamment de l’industrie alimentaire, il est indéniable que la filière doit être davantage développée en Belgique et en Région wallonne. La demande doit stimuler l’offre ! Le « Plan de développement des protéines végétales en Wallonie », qui vise l’implantation de 15.000 ha de protéagineux à l’horizon 2030 au sud du pays, jouera un rôle de première importance en la matière. »

J.V.

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