Accueil Végétaux

Les conséquences de la sécheresse se font ressentir sur le marché européen des grandes cultures

Sans surprise, la sécheresse qui s’est abattue cet été sur le Vieux Continent a eu de lourdes conséquences sur les productions végétales européennes. Blé, maïs, soja ou encore betteraves figurent parmi les victimes de cet épisode. Cela ne sera pas sans impact sur les échanges commerciaux.

Temps de lecture : 6 min

Les dernières perspectives à court terme pour les marchés des grandes cultures, du lait et de la viande viennent d’être publiées par la Direction générale de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne. Basées sur les dernières informations disponibles, ces perspectives sont rédigées trois fois par an par un groupe d’experts et donnent une idée de l’évolution future des marchés européens. Focus, cette semaine, sur les productions végétales.

Lourd recul du maïs

En ce qui concerne les céréales, la Commission constate un recul des surfaces de 1,4 % à l’échelle européenne. Toutefois, c’est surtout la baisse de production céréalière qui interpelle : elle devrait culminer à 270,9 millions de tonnes (Mt), soit une baisse de près de 8 % en un an et de 5,1 % par rapport à la moyenne quinquennale.

Le blé tendre et le blé dur voient leur production reculer, respectivement, de 2,4 % et 4,9 % pour s’établir à 127 Mt et 7,4 Mt. Le maïs, lui, accuse le coup : -23,7 % en un an, à 55,5 Mt. Autres reculs à épingler : l’orge (51,5 Mt, -1 %), le triticale (11,3 Mt, -2,1 %), et le seigle (7,5 Mt, -4 %). Seule l’avoine enregistre une hausse, avec une production estimée à 7,6 Mt (1,9 %).

Outre le recul des surfaces cultivées, les experts européens attribuent, sans surprises, ces résultats à la sécheresse qui a sévi tout au long de l’année en de nombreux endroits. S’y ajoute, également, une réduction d’usage des engrais en raison des prix records qu’ils ont enregistrés. Deux facteurs qui ont entraîné une diminution des rendements de 3,3 %. L’assouplissement temporaire des règles relatives au verdissement, en vue de permettre aux agriculteurs de cultiver notamment sur les jachères, n’a pas permis de contrer le recul de la surface céréalière ni, par conséquent, la baisse de production.

Côté commerce, l’UE estime que ses échanges céréaliers devraient croître considérablement au cours de la saison 2022/2023 (+12 % par rapport à 2021/2022), pour atteindre 78,8 Mt. Selon les experts européens, ce total se ventilerait de la manière suivante : 51 Mt pour les exportations (+6,5 % par rapport à la saison dernière, +21 % par rapport à la moyenne quinquennale) et 27,8 Mt pour les importations (+24,7 % en un an). Les importations de maïs devraient, notamment, connaître une forte hausse.

Oléagineux : superficie record

La campagne 2022/2023 est également caractérisée par la surface record dédiée à travers l’Europe aux oléagineux. Avec 12,2 millions d’ha, le record de 2017 (11,5 millions d’ha) est largement battu. Cela s’explique simplement par la flambée des prix des oléagineux et huiles végétales, mais aussi par la dérogation temporaire permettant de mettre les jachères en production.

En une saison, la superficie consacrée aux oléagineux a grimpé de 14,6 %. Le tournesol et le soja enregistrent les plus fortes progressions : + 17,4 % et + 18,8 %.

Toutefois, cette bonne nouvelle ne devrait pas entraîner une hausse significative de la production, en raison de la baisse des rendements résultant, une fois de plus, de la sécheresse. Si le soja et le tournesol ont été les plus impactés (rendement en recul de 15 %), le colza a, lui, tiré son épingle du jeu. Son rendement gagne 1,8 % d’une saison à l’autre. In fine, la production totale d’oléagineux de l’UE devrait croître de 7,5 %, pour atteindre 32,2 Mt (30,1 Mt en moyenne quinquennale).

Côté transformation, les huiles de colza et tournesol prennent des directions différentes. La première voit sa production croître (+5,9 %) tandis que la seconde connaît un léger recul (-1,3 %).

Enfin, la hausse de la production est suffisante pour permettre un usage intérieur d’oléagineux de 50,7 Mt (+1,7 %) malgré une importante baisse des importations (18,4 Mt, -8,4 %). En ce qui concerne le colza, la hausse significative de la production (19,3 Mt contre 17,3 Mt) et le recul des importations (4,5 Mt contre 5,6 Mt) permettent un niveau d’utilisation intérieure de 23,5 Mt (+6,0 %).

Les surfaces dédiées aux protéagineux n’ont, elles, que très peu évolué en un an (-0,4 %) et s’établissent à 2,05 millions d’ha. Cependant, l’UE devrait voir sa production de protéagineux croître (+1,4 %) pour atteindre 4,32 Mt pour la saison 2022/2023. Cela s’explique par des rendements plus élevés qu’attendu malgré des conditions de croissance difficiles.

Moins de sucre

Durant la saison 2021/2022, la production européenne de sucre a atteint 16,65 Mt, soit un bond de 15,5 % par rapport à la saison précédente. Pour 2022/2023, les experts de la Commission s’attendent à observer un fléchissement des rendements (-4 %) – en raison de la sécheresse – mais ceux-ci seraient conformes à la moyenne ajustée sur cinq ans (73,2 t/ha). Combiné à un recul attendu de la surface cultivée (-4 %, à 1,43 million d’ha), cela entraînerait une baisse de la production betteravière de 7,7 % pour un total de 105 Mt. Toutefois, ces mêmes experts présument une teneur en sucre supérieure à la moyenne dans certaines régions. Par conséquent, la production de sucre de l’UE ne devrait baisser « que » de 6,9 % et s’établirait à 15,5 Mt pour la saison 2022/2023.

Le prix mondial du sucre a continué de croître cette année pour atteindre environ 550 $/t mi-2022, soit son niveau le plus élevé depuis début 2017. Les prix européens ont, eux, atteint 484 €/t en août, un record dans l’ère post-quota. En raison de la dépréciation de l’euro par rapport au dollar américain, les prix européens du sucre sont inférieurs aux prix mondiaux, mais demeurent supérieurs à ceux de l’année dernière.

Pour cette raison, ainsi que suite à une hausse de la demande interne, l’utilisation de sucre progresse. Elle est estimée à 16 Mt pour 2021/2022, soit une croissance de 5,6 %. La demande pourrait également avoir été boostée par le fait que les industries s’attendent à voir les prix croître en raison d’une hausse des coûts de production, par ricochet de la flambée des prix de l’énergie.

Les importations de l’UE durant la saison 2022/2023 devraient augmenter, en raison d’une disponibilité limitée. Pour la même raison, les exportations ne devraient pas augmenter, malgré des prix mondiaux attractifs. Les stocks de clôture devraient baisser à 1,3 Mt, ce qui est un niveau bas, mais pas critique.

Des pommes orientées vers la transformation

Enfin, côté fruit, la production européenne de pommes est estimée à 12,2 Mt pour la saison 2022-2023, soit un niveau similaire à celui de l’année dernière. Dans les vergers, la Pologne a connu une récolte assez généreuse et ce, pour la seconde année consécutive. En Europe occidentale et méridionale, la sécheresse et les restrictions d’irrigation seraient responsables d’une production inférieure à la normale, caractérisée par des pommes de plus petite taille, moins colorée mais présentant une teneur en sucre plus élevée.

À l’échelle de l’Union, environ 6,1 Mt de pommes devraient être vendues pour la consommation fraîche (-4 % par rapport à la saison dernière) tandis que la part dédiée à la transformation devrait croître. Cela s’explique par le coût élevé du stockage (prix de l’électricité en hausse), la production élevée en Pologne et la perte de qualité. Cette part devrait atteindre 5,4 Mt, soit 18 % de plus que la moyenne quinquennale.

J. Vandegoor

A lire aussi en Végétaux

Voir plus d'articles