« Le consommateur veut davantage que de la qualité et du prix ! On constate de plus en plus qu’il veut du local, de la diversité et pouvoir tenir compte de ce que gagne le producteur. »
La tendance s’accentue !
Mais pour l’orateur, ce n’est pas un phénomène nouveau ! « Cela fait des dizaines d’années que nous consommons déjà « régional » (les poires, les chicons, les bières…). Nous ne sommes donc pas dans une révolution mais bien face à une tendance qui s’accentue. En effet, aujourd’hui, 85 % des Belges consomment des produits belges au moins une fois par semaine et 42 % le font au moins une fois par jour. »
Et le commerce s’inscrit dans ces tendances ! Plusieurs enseignes dédient des rayons aux producteurs locaux, mettent en avant le producteur et son exploitation. D’autres sont entièrement affectées au local, à l’artisanat belge. « Ce que l’on importait auparavant est davantage produit et commercialisé en Belgique et ce avec succès (« Champagne » belge, viande…) !
Des mouvements saisonniers
Évidemment la saison joue un rôle. En saison, l’augmentation des produits belges est très forte. Toutefois, le directeur de la structure note de nouvelles tendances. « On assiste à l’émergence de nouveaux produits (quinoa..) et de produits préparés à partir des productions locales ou régionales : confitures, pizzas, jus de fruit pressé, chocolat, fromages typés…
Une relation win-win
Le ministre wallon de l’Agriculture, René Collin, accorde lui aussi une grande importance à l’interaction que peut avoir la grande distribution avec des artisans ! « Avec le temps, une relation de confiance a pu s’établir. Et de nombreux facteurs conditionnent sa réussite. Il faut en effet une contractualisation, la prise en compte des spécificités des producteurs, mais aussi un engagement clair des producteurs en termes de garanties, de quantités ! »
« Une autre question essentielle traverse tous les aspects de l’agriculture : le juste prix ! C’est le but de l’agriculture qui se veut durable et donc rentable de donner dans ce prix la juste part qui revient au producteur. »
Davantage de valeur ajoutée
Pour le ministre, la Wallonie a donc déjà mis en place une série d’outils, mais doit avancer davantage en termes de formations et d’encadrement. La cellule Diversiferm est donc en train de renforcer ses activités et devra s’investir avec la cellule d’appui aux indications géographiques protégées afin que le « panier des produits à appellation » puisse se renforcer. Si actuellement on en compte 11, l’objectif est d’en avoir le double d’ici 2 ans. « Que ce soit pour les artisans ou la grande distribution, il est important de marquer davantage son ADN territorial avec une offre en produits de qualité différenciée », a-t-il ensuite ajouté.
L’aspect logistique est également important. Raison pour laquelle le gouvernement wallon a lancé un appel à projet pour la réalisation de halls relais agricoles. Au total, 18 se répartiront sur les 5 provinces afin de renforcer les pôles logistiques.
Tant de projets qui visent à faire valoir l’importance de l’offre et la diversité de la production wallonne. « Le potentiel est énorme à nous de le faire apprécier », a conclu le ministre.
Le tour des enseignes
Vient ensuite le tour de trois grandes chaînes de présenter leur politique vis-à-vis des producteurs locaux.
Pour Colruyt, l’objectif est non seulement de commercialiser un maximum de produits belges pour répondre aux besoins de leurs clients qui s’attachent de plus en plus aux produits locaux.
Pour la firme, un produit local doit être de qualité, au savoir-faire éprouvé, chargé d’une histoire, d’un patrimoine.
Et d’en venir à l’un de leurs meilleurs exemples : « le poulet Valdieu ». Après avoir identifié un manque sur le marché, l’enseigne a voulu proposer un produit de qualité différenciée et a contacté des agriculteurs potentiellement intéressés à se lancer dans le projet. Un test grandeur nature qui a vu naître le « Poulet Valdieu », en partenariat avec le Moulin Valdieu.
Le producteur est lui aussi parti de quelques centaines de poulets dans un abattoir de 100 m². S’il connaît alors les problèmes inhérents à la production, la qualité du produit est reconnue. La centrale d’achats l’a donc suivi pour le pousser… Les volumes ont augmenté et la structure s’est professionnalisée. Ils sont ensuite passés à une structure moderne plus grande avec une volonté de travailler en flux tendu, ce qui représente un investissement de 13 millions d’euros, 50 temps plein et une vingtaine d’éleveurs qui produisent 320.000 poulets à chaque cycle.
Quant à Delhaize, l’objectif est de simplifier l’entrée des producteurs locaux au sein de l’enseigne. C’est toujours l’ambition du fournisseur qui détermine sa position au sein des magasins : livraison nationale, régionale ou locale. Mais rien n’empêche le producteur de revoir ses ambitions par la suite. La convention peut toujours évoluer pour permettre à l’artisan de grandir. D’où la création d’une charte qui reprend les engagements de l’enseigne vis-à-vis des fournisseurs. Celle-ci reprend des éléments clés tels que : relation avec l’équipe locale ; positionnement dans le magasin ; aucune exigence de volume ; délai de paiement réduit (de près de moitié par rapport aux autres fournisseurs) ; aucune clause d’exclusivité exigée, aide au développement ; procédures administratives simplifiées…
Et de prendre l’exemple des jus d’Upigny. Une exploitation qui a su évoluer très rapidement grâce à la grande surface. Les dégustations en magasin, le bouche-à-oreille ont permis aux producteurs de grandir jusqu’à être distribué sur l’ensemble du territoire national. Pour eux, si le partenariat d’exclusivité qu’ils ont signé peut être contraignant, il leur a permis de sentir un certain soutien de l’enseigne qui les a toujours accompagné dans leur croissance.
Chez Carrefour, un producteur local est considéré comme tel pour autant qu’il se trouve dans un rayon de 40 km autour du magasin. Une charte est établie et comprend 7 points fondamentaux. Outre ceux déjà cités plus haut, on retrouve notamment : les engagements du distributeur vis-à-vis du producteur local ; la suppression des rôles de centrales d’achats et logistiques ; la garantie d’une rémunération telle que le producteur le souhaite…
Leur collaboration avec les producteurs a commencé il y a quatre ans. Et depuis le bouche-à-oreille a fonctionné. S’ils comptaient alors une dizaine de producteurs locaux, ils en dénombrent 700 actuellement. Une belle évolution pour l’enseigne qui respecte toujours le choix de développement des artisans.
Des outils qui facilitent le lien
Emmanuel Grosjean, du Collège des Producteurs, voit deux solutions au désarroi des producteurs par rapport au modèle économique dans lequel ils travaillent (prix juste, économie du secteur) : soit on apporte une valeur ajoutée à la production, soit on capte une partie de la valeur entre celle de production d’un produit et celle de vente. Et pour lui, beaucoup d’initiatives prouvent que c’est possible. En évitant les intermédiaires, en brisant certains tabous, des opportunités peuvent s’offrir aux producteurs.
À l’avenir, le Collège va réfléchir avec les différents acteurs au développement d’un environnement et d’outils qui permettront de faciliter le lien. Il y a beaucoup à capitaliser pourvu que chacun y trouve son équilibre !
La brochure éditée par Comeos en est déjà un exemple. Cette plaquette de 4 pages intitulée « Vos produits locaux en magasin : c’est possible » est une boîte à outils qui reprend les minimums requis pour pouvoir contacter la grande distribution afin d’y placer ses produits. On y retrouve les démarches à effectuer mais aussi les coordonnées des enseignes. A consulter sur : www.comeos.be/files/docs/Publicaties/13610_1_fr.pdf.