De nouvelles contraintes… et des solutions !

Les 30 octobre et 26 novembre 2015, le SPF Santé Publique a publié le communiqué de presse suivant : « Le Comité d’agréation des pesticides à usage agricole a examiné les données de monitoring des eaux de surface et souterraines pour la substance active terbuthylazine en Belgique. Cette substance active est régulièrement retrouvée dans les eaux de surface.

Pour tenir compte de ces nouvelles données, le Comité d’agréation des pesticides à usage agricole impose pour tous les produits à base de terbuthylazine une zone tampon végétative de 20 m le long d’une eau de surface. La mise en place d’une bande enherbée entre la culture, traitée à la terbuthylazine, et une eau de surface a pour but de limiter le risque de contamination de cette eau de surface en favorisant la rétention des particules de sol contaminées ainsi que l’infiltration des eaux de ruissellement provenant de la culture.

Par eau de surface, il faut entendre toutes les eaux stagnantes et les eaux courantes à la surface du sol. Il s’agit donc des cours d’eau classés ou non classés (fleuves, rivières, ruisseaux…), des lacs, des étangs, des mares, mais également des masses d’eau « artificielles » telles que les canaux et les collecteurs (égouts, réseaux de drainage, fossé humide…).

Les produits concernés sont les suivants : Akris, Andes, Aspect T, Calaris, Callistar, Gardo Gold, Gardopim, Laddok T, Primagram Gold et Promess. Le SPF demande instamment aux utilisateurs de respecter dès maintenant cette mesure, même si les étiquettes des produits présents sur le marché ne sont pas encore adaptées. Son effet sera ensuite évalué sur base des données de monitoring les plus récentes. Cette nouvelle imposition s’intègre en parallèle avec l’obligation du respect des zones tampons ».

La zone tampon végétative en présence de terbuthylazine

En culture de maïs, l’agriculteur qui souhaite donc appliquer un produit à base terbuthylazine sur une parcelle qui longe une eau de surface située en amont ou en aval, se verra contraint d’implanter une zone tampon végétative de 20 m le long de celle-ci.

Ne sont pas concernées par cette nouvelle imposition les parcelles situées le long des fossés de wateringues ou des fossés artificiels de drainage ou des fossés de bord de route, qu’il y ait ou non la présence d’eau lors de l’application.

Par zone tampon végétative, il faut entendre une bande de graminées (ray-grass, fétuque, dactyle…) avec ou sans légumineuse, suffisamment efficace lors de l’application de la terbuthylazine pour empêcher le ruissellement et l’érosion. Elle peut être semée, recevoir une fumure (attention néanmoins en région wallonne au respect d’une bande de 6 mètres de large sans fertilisants azotés) et être récoltée. Dans ce contexte, le semis d’une légumineuse permet une production normale sur toute la largeur de la bande. Afin de garantir une densité et un développement suffisant du couvert au 15 mai (période des premiers traitements de postémergence), il est conseillé de l’implanter soit à l’automne, soit en début de printemps. Pour les parcelles de 2016, il est donc nécessaire de semer cette bande dès que les conditions le permettent.

Zone tampon minimale et spécifique

Obligation légale non récente mais avec des exigences évolutives, la bande tampon minimale le long des cours d’eau et autres eaux de surface est une zone sans traitement à respecter depuis la crête de la berge lors de l’usage de tout produit phytosanitaire ainsi que lors de toute fertilisation azotée. En Wallonie, sa largeur est de 6 mètres. Pour ce qui est des pulvérisations de produits phytopharmaceutiques, c‘est une largeur qui doit être comprise comme un minimum le long des eaux de surface. Cette largeur est réduite à 1 m le long des fossés de wateringues ou des fossés artificiels de drainage ou des fossés de bord de route, qu’il y ait ou non présence d’eau lors de l’application.

Des informations complémentaires concernant les zones tampon sont disponibles via le lien suivant : http://agriculture.wallonie.be/apps/spip_wolwin/IMG/pdf/respect-zones-ta....

En fonction du risque pour les organismes aquatiques, propriété qui lui est propre, chaque produit phytopharmaceutique est agréé pour un usage devant respecter une zone tampon spécifique (étiquette). Celle-ci varie de 2 à 200 mètres selon le produit pour une technique de pulvérisation classique. Les tableaux 1 et 2 présentent un aperçu des principales zones tampons applicables aux produits maïs.

Toutefois, l’une des possibilités pour réduire ces zones tampons spécifiques (étiquette) par rapport aux indications de l’étiquette est l’utilisation de pulvérisateurs équipés de jets anti-dérive

Ces zones tampons sont devenues des éléments décisifs pour le choix des produits. Les distances imposées pour certains produits les rendent pratiquement inutilisables. En effet, l’utilisation de jets anti-dérives a ses limites. Pratiquement, aucun agriculteur n’est équipé de jets anti-dérives à 90 %. L’utilisation de ceux-ci imposerait dans de nombreux cas des volumes d’eau de l’ordre de 350 l/ha et pourrait nuire à l’efficacité des traitements de postémergence.

Pour illustrer les données du tableau 3, la zone tampon de 20 m le long des eaux de surfaces d’un traitement classique tel Callisto + Samson extra 60OD + Gardo Gold avec une technique classique peut être réduite à 6 m si le pulvérisateur dispose de buses qui permettent une réduction de 75 % de la dérive. Une précaution doit cependant être prise pour l’utilisation de l’Akris, la zone tampon à respecter est de 30m et est conditionnée à l’utilisation d’une technique réduisant la dérive de 75 %. Cette distance ne pourrait être réduite à 20 m qu’en utilisant des jets réduisant la dérive de 90 %, ce qui n’est pratiquement pas possible vu le matériel dont disposent les agriculteurs. Pour ce produit, la zone tampon s’allonge si l’application est effectuée avec du matériel réduisant la dérive de 50 %, la zone tampon devrait atteindre 40 m ! À défaut d’un matériel adéquat, l’agriculteur doit donc se tourner vers d’autres solutions.

D’une manière générale, il est important de retenir que si la zone tampon mentionnée sur l’étiquette est supérieure à la zone tampon minimale (6 m ou 1 m selon le type d’eau de surface), c’est la zone tampon étiquette qui doit être respectée. À l’inverse si l’étiquette indique une zone tampon spécifique inférieure à la zone tampon minimale (6 m ou 1 m), c’est cette dernière qui devra être respectée.

Si la culture reste possible sur cette bande, elle y est, au vu de ces restrictions, particulièrement difficile, problématique et/ou peu rentable. Il faut néanmoins y consacrer quelque attention. Le non-respect de ces obligations peut entraîner, via le processus de la conditionnalité, une réduction du montant des aides payées à l’agriculteur par le Service public de Wallonie.

SIE et mesures agro-environnementales

Récemment est apparue une autre notion. Celle de surfaces d’intérêt écologique (SIE) en lien avec les aides agricoles dans le cadre de la Politique agricole commune (pac).

Depuis 2015, l’agriculteur est tenu de consacrer 5 % de ses terres arables à ces SIE pour percevoir le paiement vert de ces aides pac. La bande tampon de 6 mètres de largeur le long des cours d’eau en est une option possible. L’agriculteur peut donc choisir de la comptabiliser comme SIE pour autant qu’elle soit distinguable de la culture adjacente et qu‘elle ne serve pas à la production agricole. À cette dernière contrainte, il y a une exception pour le fourrage qui peut-être récolté ou pâturé.

En conséquence, le long d’un cours d’eau classé, l‘enherbement de la zone tampon en vue de la déclarer comme SIE peut être une opportunité pour mieux respecter une large part des contraintes légales tout en y maintenant une certaine valorisation fourragère et en répondant aux obligations SIE du paiement vert. La largeur de la bande tampon SIE doit être de 6 mètres minimum et de 20 mètres maximum en tout point.

Si on ne déclare pas la bande tampon comme SIE, on peut envisager d’en tirer pleinement parti avec une mesure agri-environnementale et climatique (MAEC). Il y a néanmoins un prix à payer, c’est tout d’abord son maintien sur une durée de 5 ans minimum. Ensuite, ce sont des contraintes liées au cahier de charge de la mesure. Le choix peut porter soit sur une tournière enherbée (mesure de base 5), soit sur une bande aménagée (mesure ciblée 8).

En faisant le premier choix (mesure de base 5), l’indemnité de la mesure (900 €/ha de tournière) et les contraintes ne porteront que sur les 12 premiers mètres de largeur. Si l’on y faisait le choix de fauche, seul mode de gestion autorisé, il faudra laisser, sur ces 12 mètres de large, une bande non fauchée de 2 mètres de large et exporter le produit de la fauche.

Le second choix permet de discuter avec l’expert de Natagriwal qui doit être consulté vu qu’il s’agit d’une mesure ciblée. Il est alors possible d’envisager une largeur de 20 mètres et donc de percevoir, le cas échéant, l’indemnité (1.250 €/ha de bande aménagée) pour sa totalité. Les contraintes du cahier de charge sont néanmoins plus lourdes en termes d’investissement et de suivi.

Le désherbage sans terbuthylazine

Utilisée depuis 2006 de manière significative, suite à l’interdiction en 2005 de l’atrazine, la terbutylazine se retrouve actuellement dans plus de 95 % des traitements de base en désherbage de la culture de maïs. Bien qu’agréée uniquement en association, elle présente de nombreux avantages. En effet, elle renforce l’efficacité des produits de contact et accélère la vitesse d’action des partenaires. Elle est efficace contre des adventices généralement moins sensibles aux produits de base d’un traitement maïs (Callisto, Zeus, Laudis). Le pâturin, l’anthémis, l’érodium, la matricaire, la mercuriale, la pensée, la renouée des oiseaux en sont des exemples. Bien que plus difficilement complet, le désherbage sans terbuthylazine est toutefois possible moyennant certaines adaptations. Dans ce contexte, il est indispensable de traiter sur des adventices très jeunes et d’adapter les associations et les doses en fonction de la flore présente. Les tableaux 4, 5 et 6 exposent quelques exemples de traitement dans le contexte.

Traitement en préémergence

Le tableau 4 présente les traitements herbicides réalisables en préémergence.

Traitement en post très précoce (3-4 feuille visible du maïs)

Les tableaux 5et 5bis reprennent les traitements en post très précoce en présence de dicotylées annuelles (absence de panics, sétaires, digitaires).

Le tableau 6 présente les traitements en post très précoce en présence de dicotylées annuelles + panics et sétaires.

Traitement en présence de dicotylées + graminées estivales avec digitaires

Dans ce cas, une solution est : Laudis 2 à 2,25 l + Dual Gold 0,75 l.

Bon à retenir

La protection de l’environnement est un enjeu majeur et elle nécessite des précautions particulières. Toutefois, certaines contraintes qu’elles imposent sont de plus en plus lourdes à gérer pour l’agriculteur. Les évolutions de la législation sont rapides, nombreuses et pour faire face à certaines situations, l’agriculteur dispose de peu de temps pour s’adapter.

Dans le contexte de l’utilisation de la terbuthylazine, le semis d’une bande enherbée le long des eaux de surfaces est une mesure qui peut être utile pour préserver des écoulements d’eau lorsque la pente est orientée vers l’eau. Des possibilités existent via les mesures agri-environnementales 5 ou 8 pour limiter la perte économique que cette contrainte peut engendrer.

À l’avenir, l’utilisation des jets anti-dérives va se généraliser, mais si le 50 % de réduction est possible, voire dans certains cas le 75 %, le 90 % semble difficilement applicable vu les volumes d’eau qu’il implique souvent et les pertes d’efficacité qu’il peut engendrer.

Fabien Renard,

Guy Foucart

,

Cipf – CP Maïs, faculté des bioingénieurs, Ucl-Louvain-la-Neuve, avec

Philippe Nihoul

, Direction Recherche et

Développement du SPW

Le direct

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