« Encore trop d’étables fermées…

mieux vaut les ouvrir et casser le vent ! »

Dans son milieu naturel, une vache doit pouvoir se promener où elle veut et manger ce dont elle a besoin pour produire la quantité de lait nécessaire pour nourrir son veau. Naturellement, un animal allaitant ne devrait pas produire davantage.

Or avec l’évolution des pratiques agricoles et de la génétique, les bovins sont bien loin de leur environnement naturel. Il est donc du devoir de l’éleveur de répondre aux besoins physiologiques de l’animal, par une ration équilibrée mais également par un bâtiment assez éclairé et bien ventilé. C’est en des termes semblables que M. Cabaraux introduit généralement son cours d’écologie appliquée aux animaux domestiques auprès des étudiants vétérinaires.

Anciens et nouveaux bâtiments, tous impactés ?

De par son expérience, M. Cabaraux constate une tendance à la fermeture complète des bâtiments. « Si le bâtiment est mal orienté, que les brise-vent sont mal positionnés, les courants d’air occasionnés pousseront l’éleveur à fermer le bâtiment. C’est à ce moment qu’il faut repenser la ventilation ! »

Mais le vétérinaire ne veut stigmatiser aucun éleveur. « La situation des bâtiments, l’urbanisme, l’espace disponible, les voisins… L’éleveur n’a pas toujours le choix quant à la situation de son bâtiment. Il fait généralement ce qu’il peut avec ce qu’il a. » Par ailleurs, le conseil dans ce domaine n’est pas très développé, l’agriculteur ne sait d’ailleurs généralement pas vraiment vers qui se tourner. « Je me demande dans quelle mesure l’urbanisme et les vendeurs sont conscients du problème », insiste le chercheur. « Car même au niveau des nouveaux bâtiments construits, l’on décèle nombre de manquements. »

Mais de façon plus subjective, il suffit que le travailleur ait froid pour qu’il décide de fermer le bâtiment… Pourtant, les animaux résistent relativement bien au froid pour autant qu’ils soient bien nourris et que leur litière soit sèche.

Profiter de l’effet vent

« Qu’un bâtiment soit grand n’est pas un problème en soi, ce sont ses ouvertures qui peuvent en poser. Nombre de nouveaux bâtiments ne sont pas toujours orientés de manière optimale or le but étant de ventiler naturellement, il est logique de s’aider des conditions climatiques, dont du vent (voir fig. 1).

Face à une structure fermée, l’objectif sera de l’ouvrir sans avoir de courant d’air, d’où l’utilité des systèmes brise-vent – claire-voie, de filets, de rideaux mobiles, ou encore de tôles perforées. » À noter que les utilisateurs d’une pailleuse doivent privilégier le claire-voie aux filets brise-vent. En effet, la pailleuse peut non seulement éjecter des cailloux qui risquent d’endommager les filets, mais aussi de la poussière qui peut les encrasser rapidement.

« Quand on conçoit un bâtiment à front ouvert, la théorie voudrait que l’ouverture soit orientée au sud-est, car c’est de cette orientation que proviennent le moins de vents dominants mais également le plus de soleil en hiver pour réchauffer la structure. On essaiera autant que faire se peut d’avoir un pignon orienté au sud-ouest afin de faire face à ces mêmes vents. »

En ce qui concerne les bâtiments fermés, il faut réfléchir différemment ! La façade, équipée de brise-vent, doit en effet faire face au sud-ouest, de manière à ce que les vents dominants créent un flux d’air allant du mur côté vent au mur opposé. La pression exercée par les vents sur le bâtiment crée ainsi une dépression à l’intérieur de l’étable permettant à l’air vicié d’être aspiré à l’extérieur de la structure.

« Lors de nos audits, nous sommes souvent face à un nouveau bâtiment accolé à un autre existant. Des structures gigantesques généralement mal ventilées », explique le vétérinaire. Les recommandations des experts en génie rural voudraient que la largeur maximale d’une étable soit de 25 m. Or, il n’est pas rare de voir des bâtiments de 40 à 50 m de large qu’on ne peut évidemment plus « aérer » naturellement.

« Dans pareille situation, mieux vaut prolonger la structure dans le sens de la longueur et faire ce qu’il se peut pour la ventilation. Les cassures de toit posent également problème. Un décalage de toiture ne peut être bon que quand il est posé dans le bon sens, dans un système cohérent… »

… Et de la poussée thermique

À ces ouvertures latérales, il faut ajouter celle de la faîtière, seul système de ventilation naturelle efficace au niveau de la toiture. On profite alors du principe de la poussée thermique (voir fig. 2). Le flux d’air entrant dans l’étable pousse l’air chaud, plus léger que l’air froid, vers la faîtière, induisant ainsi un renouvellement de l’air. Plus la différence de température entre ces deux flux est importante, plus grande sera la force de poussée.

Pour déterminer la largeur d’ouverture du faîtage, la littérature conseille de suivre le rapport : 1cm d’ouverture par mètre de largeur du bâtiment, avec un maximum de 25 cm. Une limite pour éviter qu’il ne pleuve de trop à l’intérieur de l’installation. Idéalement, le faîte devrait se situer au-dessus d’un couloir de manière à ce qu’il ne pleuve pas dans l’enceinte des animaux. Toutefois, il faut relativiser, en Belgique, il ne pleut réellement que 6 % du temps.

Mais le système peut présenter des limites. « On voit de plus en plus l’apparition d’« étables cathédrales », des structures très volumineuses. Dans pareil cas, il est plus difficile pour le cheptel de réchauffer le bâtiment. Dans certains cas, l’éleveur aura alors tendance à le fermer, ce qui peut avoir un impact négatif. L’air froid ne pourra donc pas atteindre le faîtage et, sans circulation d’air, restera au niveau des animaux. Non seulement l’air ne sera pas renouvelé mais il sera également porteur de germes pathogènes. » Notons que quand la toiture est isolée, les résultats sont généralement plus intéressants même si ce n’est pas forcément un gage de bon fonctionnement.

Des mesures parfois simples

Toutefois, le vétérinaire se veut rassurant : « Il ne suffit parfois pas de grand-chose pour améliorer la situation de son bâtiment. Différents systèmes peuvent être placés sans devoir faire d’énormes investissements. Et c’est ce qu’il faut privilégier ! » Et de citer un exemple : « Casser une partie du mur exposé aux vents pour le remplacer par un bardage en bois ou un filet permet parfois de réguler la ventilation du bâtiment. Le fermier peut généralement le faire seul et à moindres frais »

Respecter la densité

Compte tenu d’une conjoncture peu propice à la vente d’animaux, il arrive que certaines étables soient surpeuplées – et c’est loin d’être une généralité, ndlr. La densité d’animaux y est trop importante par rapport à la surface disponible. Un phénomène qui induit non seulement des problèmes de santé – transmission de pathologies, comportements agressifs… – mais également des pertes financières sur la production.

Selon la littérature, une vache, en fonction de sa production, aura besoin de 0,75 à1m² par 100 kg de poids vif (bovin allaitant) ou d’1m² par 1.000 l de lait produit (bovin laitier). Au niveau du volume, il est recommandé d’avoir 5 m³ par 100 kg de poids vif. Un cas de figure dans lequel il n’y a pas lieu de construire des étables cathédrales.

Si un éleveur devait avoir moins de la superficie minimale par animal, il devrait alors augmenter la ventilation du bâtiment par le biais de systèmes « artificiels », comme des extracteurs d’air, des ventilateurs… « Pour des bovins, on ne pensait jamais à investir dans de la ventilation artificielle, mais en dernier recours, elle peut aider. Différents systèmes existent, dont notamment la ventilation positive qui pourrait régler bien des problèmes. Est-ce pour autant une technologie d’avenir ? Peut-être, seule l’expérience nous le dira. »

La luminosité intimement liée

Si la ventilation est importante, la luminosité l’est tout autant. Dans un bâtiment d’élevage, la luminosité est suffisante lorsque l’on sait y lire un journal. À trop vouloir de lumière, le risque de provoquer un effet de serre existe, d’autant plus important que la toiture n’est pas isolée. Les amplitudes thermiques sont alors importantes…

Les recommandations voudraient que les entrées naturelles de lumière représentent 10 % de la surface au sol. Comprenez transparents sur le toit mais aussi le claire-voie et les systèmes brise-vent… Pour un bâtiment de 100 m², il ne faut donc qu’une entrée de lumière d’une surface de 10 m², et elle ne doit pas forcément venir du toit. Si l’on veut une luminosité venant de la toiture, une plaque sur 10 doit être un transparent.

À noter que si le toit est isolé et que l’on respecte la règle des 10 %, l’amplitude thermique matin-soir diminuera fortement, tout comme le nombre de pathologies chez les animaux.

Des problèmes souvent respiratoires

Les problèmes de santé liés à une mauvaise ventilation sont souvent d’ordre respiratoire puisque le système ne permet pas un renouvellement d’air suffisant. Les micro-organismes pathogènes peuvent donc rester dans le bâtiment et infecter les animaux. En ce qui concerne les mammites, bien d’autres facteurs entrent en ligne de compte (alimentation, système de traite, l’hygiène de la traite, propreté du sol, litière, courants d’air).

Que l’on soit en présence de viandeuses ou de laitières, les pathologies rencontrées impactent directement la production puisque l’animal consommera moins d’aliments et cela se ressentira sur ses performances.

Des conseils très pratiques

Si l’on s’interroge sur les causes des problèmes respiratoires rencontrés par son bétail, M. Cabaraux propose deux petits tests simples à réaliser, qui permettent à l’éleveur de se faire une idée quant aux répercussions de l’environnement sur les animaux.

L’utilisation d’un fumigène – un feu de paille dans un récipient métallique est tout à fait valable – permet de rendre compte des mouvements de l’air dans le bâtiment. Si la fumée vient à stagner dans le bâtiment pour retomber sur les animaux, il y a lieu d’améliorer la ventilation du bâtiment !

Il est également judicieux d’y placer un thermomètre, de manière à connaître les minima et les maxima et ainsi déterminer l’amplitude thermique. Elle ne doit pas être trop importante, surtout pour les veaux. Dans le cas d’une différence trop importante, il existe de petites astuces, dont notamment le placement d’un toit au-dessus des box des jeunes bêtes, qui permet de faire gagner près de trois degrés au volume concerné. L’isolation de la toiture du bâtiment peut également s’avérer nécessaire.

Sur la base de ces deux tests, un conseiller pourra, au besoin, fournir des recommandations à l’éleveur sur d’éventuels aménagements à réaliser dans le bâtiment en vue d’améliorer l’environnement des bovins.

P-Y L.

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