« Je gère mon exploitation

en pensant déjà aux générations futures »

Durabilité. Ce mot se trouve actuellement sur toutes les lèvres. Pourtant, le sens de ce concept n’a jamais été aussi ambigu. En règle générale, on le divise en trois piliers : écologique, économique et humain. Cette idée difficile et complexe constitue un fil conducteur pour des stratégies politiques et entrepreneuriales, essentiellement dans l’agriculture.

Les participants au débat venaient de divers horizons. Ainsi, le docteur Robert Kloos, secrétaire d’État allemand, participait au débat en tant que représentant du ministère de l’Agriculture. Le docteur Helmut Schramm parlait au nom de Bayer CropScience Allemagne, dans l’exercice de sa fonction de directeur général. La Société allemande d’Agriculture (Dlg) était représentée par son vice-président, l’agriculteur Hubertus Paetow.

Le docteur Félix Prinz zu Löwenstein débattait au nom de la filière biologique allemande en tant que Ceo de Bundes Ökologische Lebensmittelwirtschaft (Fédération de l’industrie des aliments biologiques) et en tant qu’agriculteur biologique en exercice. Enfin, Hanka Mittelstädt, une exploitante de volailles passionnée, participait également au débat. Elle gère une exploitation agricole mixte partiellement convertie au bio.

Mesurer la durabilité

Hubertus Paetow, de la Dlg, repartait de cette difficile définition pour présenter un nouveau certificat « durabilité » ainsi que l’outil correspondant développés par le service de conseil de la Société. Pas moins de 26 indicateurs différents y sont intégrés. Ainsi les agriculteurs peuvent identifier leurs points forts et leurs points faibles. Le certificat leur permet également de communiquer leur engagement envers les consommateurs et les riverains.

Le secrétaire d’État Kloos hochait la tête affirmativement, mais jugeait que le système pouvait encore être amélioré. M Prinz zu Löwenstein, du secteur biologique allemand, ne partageait pas son avis : « Il n’y a pas de marché pour un certificat de durabilité. En outre, le système est trop complexe. »

Intégrer les externalités

« Nous devons utiliser tous les outils », continue-t-il. « Par exemple, les agriculteurs qui relèvent le taux d’humus dans le sol doivent être récompensés par des subsides. D’autre part, nombreux sont les coûts, pour l’environnement et la société, à ne pas être incorporés dans le prix de vente d’un produit. Le problème du réchauffement climatique, auquel est liée la crise des réfugiés, est également présent. Nous devons intégrer ce type d’externalités. »

Cela soulevait instamment une réaction auprès du docteur Schramm de Bayer : « Faire des produits phytopharmaceutiques un fardeau supplémentaire n’est pas une bonne idée. Ils sont utilisés uniquement quand on en a besoin, dans un contexte épidémiologique. Ils ont été analysés en détail et ils répondent à des directives claires. Des buses permettent une meilleure application des produits et nous communiquons beaucoup avec les utilisateurs. »

Nourrir le monde

Mr. Kloos avait également des réserves à ce sujet : « Les réfugiés constituent 80 % de la part de la population qui souffre de la faim. Que va-t-il passer si le revenu diminue dans l’Union européenne ? Nous avons la responsabilité de nourrir le monde ». Le docteur Schramm partageait son avis : « Nous ne pouvons pas diminuer la production. Ce que nous ne produisons plus, nous devons l’importer. »

Prinz zu Löwenstein réfutait immédiatement ces paroles : « Le Sud peut en principe répondre à ses propres besoins, mais est tourmenté par une instabilité politique, des infrastructures défectueuses… Produire autant dans nos régions n’est pas une solution pour le Sud. L’offre abondante entraîne un effondrement des prix. Pourquoi l’infrastructure ne s’améliore-t-elle pas ? Le marché est inondé de produits d’importation à bas prix. »

Pas de marge pour la durabilité

Ces bas prix jouent aussi des tours aux agriculteurs allemands. « Nous vivons dans un pays géré par des discounters (magasins à bas prix). La nourriture en Allemagne doit être très économique », remarquait Hubertus Paetow (Dlg). « La nourriture est meilleur marché que l’eau actuellement. Si les consommateurs souhaitent des normes de production plus élevées, ils devront payer pour cela aussi. »

Le secrétaire d’État Kloos ajoutait : « Le lait est distribué presque gratuitement. Il n’y a donc guère de marge pour des notions difficiles à quantifier, comme la biodiversité et le bien-être animal. » « Mes poules pondeuses souffrent d’un manque de protéines parce qu’elles sont obligées d’être végétariennes. Je n’appelle pas ça le bien-être animal ! », réagissait Hanka Mittelstädt.

Besoin des politiques et des scientifiques

« Les responsables politiques ont peu de contact avec l’agriculture », poursuivait Mme Mittelstädt. « Les mesures concernant l’émission d’azote sont intenables pour nous. Pourtant nos sommes une exploitation vraiment durable. Nos champs sont labourés par la 12e génération. Je travaille à la ferme en pensant déjà à la future génération. Travailler avec la nature est ma satisfaction. Nous sommes sur la bonne route. »

« Le fait qu’une exploitation agricole existe depuis longtemps déjà ne garantit pas sa durabilité. Nous avons bel et bien un problème, et ce n’est pas lié au fait que les agriculteurs soient, ou non, sur la bonne route », s’opposait l’autre agriculteur biologique de l’assemblée, le docteur Prinz zu Löwenstein.

« Nos agriculteurs sont diplômés de l’enseignement supérieur. Ils possèdent des compétences et sont de bonne volonté, mais ils ont besoin d’aide des scientifiques et des hommes et femmes politiques pour atteindre de bons résultats. Les politiques doivent avoir des revendications raisonnables et subventionner des mesures écologiques », concluait la jeune exploitante de volailles.

Le direct

Le direct