Nous ne percevons pas toujours d’un très bon œil l’installation de jeunes (et moins jeunes) néoruraux dans nos campagnes. Et pour cause, ceux-ci débarquent souvent la tête remplie d’images bucoliques, pensant avoir trouvé la maison de leurs rêves et déniché un petit coin de paradis. Tout n’est pour eux que « fleurs bleues, petits oiseaux, farniente au soleil, barbecue d’été en terrasse, légumes de saisons en provenance du potager, balades campagnardes… », j’en passe et des meilleurs. Il est clair que nos belles campagnes ont des atouts non négligeables… Oui, mais Monsieur, un jardin ça s’entretient ! Les arbres et haies, ça pousse et ça se taille ! Les mauvaises herbes, ça s’arrache ! Une pelouse, ça se tond ! Et tout le fruit de ce dur labeur s’embarque (et ne se jette pas dans le champ d’à côté).
Après avoir pris conscience de cette charge de travail supplémentaire, voilà que ce nouvel habitant découvre qu’il n’est pas le seul à occuper cet espace verdoyant. Pire, il s’aperçoit que des gens y travaillent et en tirent leurs revenus. « Miséricorde, la campagne n’a donc pas pour seules vocations la détente et les loisirs ?! Quels sont ces individus qui viennent souiller mes chemins, troubler mes nuits, polluer mon beau potager ? Ont-ils vraiment le droit de me ralentir sur la route et de travailler après 18h ? M’aider à évacuer mes déchets de jardinage ou à rejoindre mon lieu de travail lors d’épisodes neigeux, évidemment ! Mais s’agrandir, diversifier son exploitation et assurer l’avenir de leur famille, hors de question ! C’est mon paysage, c’est mon endroit, ma bulle ! La terre leur appartient et ils l’entretiennent ? Tant pis pour eux, moi j’ai les lois ! ».
S’en suit généralement un pugilat sans merci entre exploitant et le nouvel arrivant qui entraîne dans son sillage la moitié du village. Tous les coups sont permis et de la quiétude qu’on était venu chercher, il ne reste rien !
Ne serait-il pas temps d’expliquer à ces personnes en quête de nouveaux horizons que quand on s’installe à la campagne, on prend tout le package : les odeurs de foin frais et le doux fumet des excréments de bovins, le chant des oiseaux et le ronronnement des moissonneuses les nuits d’été… ? Ne devrait-on pas leur faire comprendre que pour qu’ils puissent nous fournir des produits locaux wallons, il est parfois nécessaire de laisser aux jeunes agriculteurs l’opportunité de s’agrandir…
De notre côté, n’oublions pas de rester courtois. L’inconnu fait peur, mais n’est pas toujours de mauvais augure. Cultivons les bonnes relations de voisinage et limitons au maximum l’impact de nos activités. Déplacer un épandage du dimanche au lundi est parfois possible et racler un chemin après une récolte difficile n’est pas chose insurmontable. Si tout le monde essaie de mettre un peu d’eau dans son vin et de comprendre l’autre, peut-être pourrons-nous vivre en harmonie…