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L’entrepreneuriat rural au centre

d’un nouveau modèle de fermes diversifiées

Maraîchage, grandes cultures, cidrerie, poulaillers mobiles, ateliers de couleurs végétales… toutes ces activités au service d’une seule et même identité : la Ferme de Froidefontaine. L’exploitation reprise par la société du même nom s’est ouverte à un nouveau modèle agroécologique où propriétaire et exploitants partagent risques et bénéfices. Tous s’articulent autour d’un site d’exception, à savoir le manoir-ferme et ses 45 ha situés à Havelange. Rencontre avec Alexis de Liedekerke, le propriétaire des lieux.

Temps de lecture : 7 min

Ces 23 et 24 juin, dans le cadre des Journées fermes ouvertes, quelque 1.500 personnes sont attendues dans les infrastructures de la Ferme de Froidefontaine, un écosystème de projets agricoles rassemblés autour d’une vision, celle d’un modèle agricole où diversité, alimentation et durabilité sont au centre des attentions. Alexis de Liedekerke et ses deux associés travaillent activement sur mise en place de ce nouveau modèle depuis maintenant près de deux ans.

Une ancienne exploitation laitière

Exploitation laitière durant tout le 20e siècle, la ferme était détenue et exploitée par deux familles d’agriculteurs de la région. Dans les années 80, la battice et ses terrains passent dans le giron de la famille De Meeûs qui restaurera les lieux.

Fort d’un projet solide, c’est Alexis, bio-ingénieur spécialisé dans l’agro-écologie et l’entrepreneuriat social, qui reprend l’exploitation en 2016.

« Bien que l’heure soit à la spécialisation, j’avais l’envie de m’impliquer dans les secteurs agricole et alimentaire tout en créant un modèle d’exploitation agro-écologique qui prône la biodiversité et la diversité des acteurs. »

Sortir du bail à ferme !

« Avec mon premier associé, nous avons toujours eu un pied dans « les entrepreneurs ruraux en devenir », de par nos études et expériences diverses. On a rencontré bon nombre de porteurs de projets liés à la production ou la transformation de produits agricoles. Ils étaient souvent freinés dans leur développement par leur manque de capital pour accéder à la terre ou tout simplement par le manque de terre. » Certains rencontrent également des difficultés pour la gestion de tous les aspects du métier. « Être au four et au moulin n’est pas chose aisée ! », note le principal porteur du projet.

Alexis de Liedekerke : « Je suis né dans une famille de propriétaires historiques. J’y ai compris très vite que de nombreux détenteurs de terres et de bâtiments étaient désireux de les faire contribuer à une certaine vision de l’agriculture. Le problème est dès lors de savoir vers qui se tourner. Si le bail à ferme protège les agriculteurs, il présente de sérieuses limites pour les propriétaires. »

Ces derniers sont d’ailleurs nombreux à en avoir « peur » ! Raison pour laquelle certains d’entre eux se tournent vers de sociétés de gestion qui vont passer des contrats annuels ou triennaux… Mais les alternatives sont pour le moment inexistantes pour les propriétaires qui désirent engager leurs biens dans un modèle qui leur est cher. »

Et d’ajouter : « Personnellement, je suis plutôt en faveur d’un modèle dans lequel producteurs et propriétaires partagent les risques et les bénéfices d’une manière ou d’une autre. »

Réconcilier les intérêts de chacun

« D’un côté, nous connaissons des entrepreneurs qui ont besoin de terres pour développer des projets, et, de l’autre, nous connaissons des propriétaires qui ne savent pas ce qu’ils pourraient en faire. La vision de ces deux groupes sociaux est pourtant commune, celle de fermes diversifiées, pleines de vie. »

Il pose alors la question : « Comment peut-on réconcilier les intérêts de ces deux groupes sociaux qui, à cause du contexte légal rigide, n’arrivent pas à trouver leur complémentarité ? »

C’est à partir de ce constat qu’Alexis et ses associés sont partis à la rencontre des acteurs de terrain comme Terre-en-vue, notamment. « Si l’accès à la terre est le premier obstacle il faut aller plus loin et permettre aux différents entrepreneurs de bénéficier de services d’aides et d’appui, de supports en termes commercial, back-office, administratif, comptabilité, stratégique, juridique… tout ce qui va composer les accotés du cœur du métier de ces partenaires. »

« Let’s walk the talk ! »

Pourquoi donc ne pas rassembler les entrepreneurs ruraux et mutualiser les outils pour qu’ensemble ils investissent dans des outils professionnels ?

D’autant que démarrer un projet sur un tel site ne pouvait que renforcer la mise sur pied de leur projet. Non seulement, le bâtiment revêt un intérêt culturel mais également paysager, touristique et historique. ne peut qu’aider à la mise sur pied du modèle à développer. « Voilà donc l’opportunité idéale pour développer, chemin faisant, un modèle de co-working agricole cohérent basé sur la production d’une alimentation durable. So let’s walk the talk ! », sourit Alexis.

Un premier appel à projets

Il y a un an que le projet est devenu visible. « En janvier 2017, nous avons lancé un appel à projets. L’idée ? Inviter les entrepreneurs ruraux à s’inscrire dans un modèle de ferme intégrée dans lequel ils retrouveront tous les ingrédients dont ils ont besoin pour leur succès et leur pérennisation.

Et les atouts sont nombreux : 45 ha de terre, de la surface de bâtiments agricoles disponibles, une équipe disponible, des services sur-mesure pour les indépendants…

Au printemps 2017, quelque 26 dossiers de candidatures ont été rentrés, treize ont été sélectionnés et, sur base des rencontres et de l’analyse des projets financiers, cinq dossiers ont finalement été gardés.

« Outre la Cidrerie du Condroz qui y a ses quartiers depuis plusieurs années, la ferme voit donc son spectre d’activités s’élargir à cinq nouveaux projets.

Un exemple inspirant

« La Cidrerie du Condroz, qui valorise les vergers hautes tiges d’anciennes variétés locales, est une chance pour Froidefontaine. « Le projet est cohérent avec notre vision. Il valorise non seulement un patrimoine génétique de pommiers mais il crée de l’emploi local. Outre le cidre brut, extra-brut et sa cuvée spéciale, la PME s’est diversifiée en commercialisant, le Condreau, une eau-de-vie à base de cidre. »

« Les légumes de Renaud » est l’un des cinq nouveaux projets. Ce maraîcher travaille 75 ares de terre et propose des paniers de légumes bio. Il pourrait bientôt se voir rejoindre par un second maraîcher et doubler la surface de production.

Notons que ce projet entre en résonance avec un élevage de poulets de chair bio. La Poule qui roule est en élevage de poulets de chair à croissance lente. Julian Kinard et François Devaux élèvent en effet des races de volailles rustiques dans un poulailler mobile. En fin de saison, l’idée est de laisser aller les volailles sur les surfaces maraîchères pour nettoyer le sol mais également l’enrichir.

« Ce sont typiquement des exemples d’intégrations recherchées entre les projets agricoles », note Alexis.

Autre exemple de synergie recherchée, le verger notamment pâturé par des Shropshire, une race ovine qui ne se nourrit pas des écorces de ligneux. Le projet est développé par Baptiste Goffin.

Pour assurer l’autonomie fourragère de la ferme, un agriculteur s’est lancé dans les grandes cultures. Il travaille quelque 15 ha de terres arables et 20 ha de prairies. Outre la production de grains pour la volaille, il devrait produire des pommes de terre et autres légumes à vendre sur la ferme. « Il peut également y avoir des échanges intéressants entre le maraîcher et le cultivateur », enchérit le propriétaire des lieux.

Quant à Anne-Sylvie Godeau, qui a créé Lutea, une fabrique de couleurs végétales, elle est également venue s’installer à Havelange. Elle y prépare des couleurs végéales pour le monde des beaux-arts.

Un nouvel appel à projets à venir

Et bien que les activités autour de la ferme s’étoffent, Alexis et ses associés ne sont pas en restes. « Une ferme peut accueillir une multitude d’activités. Et nous avons encore de la place… Nous lançons d’ailleurs un second appel à projets. Toutes les informations se retrouvent sur www.froidefontaine.be

Pour compléter cet écosystème d, un gîte a vu le jour, tandis que des projets de cuisines et de magasin à la ferme sont en cours de réflexion.

Froidefontaine développe d’ailleurs une identité commerciale au service de ses producteurs de sorte qu’ils ne puissent se concentrer sur les aspects qu’ils maîtrisent le mieux : leur artisanat !

P-Y L.

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