En Allemagne, les prairies exploitées intensivement sont rénovées tous les 5 à 10 ans en vue d’une remise en état des dégradations du gazon, qui sont principalement dues à des accidents de terrain et pour garder un rendement et une qualité de fourrage acceptable. « Toutefois, mieux vaut bien réfléchir à sa manière de travailler pour trouver une solution économiquement intéressante », explique M. Benke.
Une proportion de prairies équivalente
Le projet est d’autant plus important pour nos voisins que dans le cadre de leurs engagements concernant la protection du climat, ils sont obligés d’informer chaque année l’influence de la gestion des terres sur le climat et également de déterminer quelle spéculation sera menée sur les différentes terres, ou comment celles-ci seront occupées.
Et d’expliquer « Entre 2003 et 2014, un grand nombre de prairies permanentes a été détruit (5,2 % de la superficie) au profit de la culture de maïs. Ce dernier était notamment destiné aux installations de biométhanisation. Néanmoins, la situation s’est stabilisée depuis 2014. Une réglementation prévoit en effet qu’une superficie minimale de prairies doit être conservée. D’où l’obligation du maintien de la part des prairies à 28 % de la SAU totale. »
Quelle(s) influence(s) ?
Si ces sols sont les meilleurs capteurs de matière organique, la destruction de leur structure augmente la minéralisation d’azote et de carbone organique, et donc la libération de gaz à effets de serre et de nitrate. La question centrale de l’étude revient donc à déterminer l’influence de la rénovation et du retournement des prairies sur les émissions de N2O et de la dynamique de l’azote minéral. Notons que les pertes en ammoniac n’ont pas été prises en compte dans le cadre de cette étude.
Pour ce faire deux types de sols furent testés. En Basse-Saxe, l’on retrouve principalement deux structures au niveau des prairies. Le premier, le « Anmoorgley », est un sol semi-tourbeux proche de la nappe phréatique, d’un pH de 5,5 qui contient 15 % de matières organiques, 148 g Corg/kg et 10 g Nt/kg. Le second, le Plaggenesch, est plutôt podzolique, amélioré par le travail de l’homme. Il est plus acide que le premier (pH=5) et contient 23 g Corg/kg et 2 g Nt/kg.
Sur chacun de ces sols, quatre autres variantes plus un témoin ont été étudiées : amélioration de prairie par sur-semis direct, destruction chimique, destruction physique (labour) et la dernière (destruction chimique et physique -labour et fraisage), suivie d’une culture de maïs.
Pour la rénovation, la prairie a été détruite en août et fertilisé par la suite, comme toute autre prairie, au printemps suivant avec 280 kg d’azote total par ha et par an. La destruction de la prairie en arrière-saison et la fertilisation dans les deux années qui suivent la rénovation sont interdites en région wallonne depuis 2014 (notons qu’après un an, on peut fertiliser avec de l’azote minéral!). La destruction de la prairie pour la culture de maïs a été réalisée au printemps et la fertilisation appliquée est de 150 kg N/ha par an.
La période d’observation a duré 800 jours durant lesquels étaient mesurés de façon hebdomadaire les émissions de N2O, l’azote potentiellement lessivable, l’humidité du sol et la température.
Des réactions de courte durée
Suite à la rénovation de la prairie, que ce soit pour les teneurs en azote potentiellement lessivable (APL) ou pour le protoxyde d’azote (N2O), il ressort que, leurs émissions sont spécifiques au sol et que celles-ci réagissent à court terme sur la fertilisation azotée et le travail du sol. Les teneurs augmentent donc durant les deux mois (mi-septembre à mi-novembre) qui suivent la rénovation de la prairie. Les émissions revenaient ensuite à des valeurs proches de celles observées sur la prairie témoin. Aucune augmentation significative, ni pour le nitrate ni pour le protoxyde d’azote des émissions n’a été observée suite aux fertilisations de la nouvelle prairie, par rapport à la prairie témoin.
En ce qui concerne la culture de maïs, l’azote se minéralise après la destruction de la prairie et de la fertilisation des semis de juin à décembre. Toutefois, l’année suivante, la minéralisation est toujours présente mais sur une période beaucoup plus courte.
Pas d’augmentation de rendement !
En Allemagne, certains agriculteurs renouvellent la prairie à un rythme régulier afin de maintenir la qualité et le rendement du pré. Les mesures de rendements de ces essais montrent qu’il n’y a pas d’augmentation de rendement ou de qualité de fourrage suite à la rénovation de la prairie. Cette dernière reste productive tant qu’elle est bien entretenue et, de temps en temps, sursemée afin de réparer les petits dégâts et de garder le gazon fermé.
En ce qui concerne les rendements en matière sèche des prairies, on ne constate pas d’effet variante sur l’Anmoorgley mais plutôt un effet significatif dû à l’année. Ce sont donc les conditions du sol et la météo qui influencent essentiellement les rendements. À noter que malgré cela, le Plaggenesch a un rendement inférieur de 25 % à l’autre type de sol.
En maïs, les rendements MS, les teneurs en azote et le rendement énergétique sont dépendants du site.
Le facteur principal : les précipitations
Les contraintes légales rendent une rénovation de prairie classique, avec fraisage et labour, de plus en plus restreintes. Même en respectant les bonnes pratiques, il est souvent inévitable de devoir restaurer des prairies endommagées, suite aux dégâts dus aux engins (ornières) ou aux animaux (piétinement).
Or, on constate qu’une rénovation de prairie permanente sans destruction, uniquement avec semis direct, atteint très vite ses limites, vu que l’utilisation d‘un herbicide total devient de plus en plus difficile.
Pour M. Benke, bien que la période d’observation soit trop courte pour en tirer des conclusions définitives, les résultats sont intéressants. « Ils donnent un argument à l’encontre d’une interdiction légale de rénover et labourer les prairies »
Comparativement au témoin, les pertes en nitrate et en protoxyde d’azote sont faibles et de courte durée par rapport à des cultures labourées. La valorisation de l’azote par les plantes et les pertes dépendent surtout des précipitations, chose sur laquelle l’agriculteur n’a pas d’emprise.
« Il n’y a donc pas lieu de dramatiser d’autant que les conséquences écologiques d’une rénovation de prairie peuvent être limitées grâce à une gestion adaptée. Mieux vaut donc améliorer et adapter la gestion de ses prairies, plutôt que de la corriger par une rénovation. »
P-Y L.