Quand l’élevage caprin rime avec enthousiasme et connaissances

Cela fait déjà 26 ans que Kathy et Wauter exploitent une dizaine d’hectares de légumes qu’ils revendent au marché de gros de Roulers. Leurs produits sont principalement des poireaux, choux, navets, céleris et radis sous serre, mais une part de la surface est également consacrée aux pommes de terre, à l’orge et aux pâturages afin de respecter les rotations.

Des chèvres pour la jeunesse

Entre-temps, leurs deux fils, Adriaan (23 ans) et Willem (20 ans), ont atteint l’âge de suivre leur propre chemin professionnel. Bien que leurs études n’aient pas de lien direct avec l’agriculture, ils ont tout les deux émis le souhait de rejoindre l’exploitation familiale. C’est déjà le cas pour Adriaan et, ça le sera très prochainement pour Willem.

La surface cultivée étant limitée, afin d’accueillir ces travailleurs supplémentaires, il était nécessaire de développer une nouvelle activité. Plusieurs options ont été envisagées, mais la famille a finalement choisi l’élevage de chèvres laitières. L’entreprise ne possédant pas de droit de production d’effluents d’élevage, elle a dû en acheter. « Pour les chèvres, nous avons pu acheter des droits provenant d’élevages porcin et bovin », indique Wauter.

Recueillir des connaissances

« Nous n’avons pas fait ce choix à la légère », explique Adriaan. « Nous avons identifié une demande croissante en lait de chèvre ces dernières années et constaté qu’il s’agissait d’un secteur peu développé. Il y avait donc des opportunités de croissance. Afin d’obtenir plus de connaissances dans le domaine, dans le cadre des cours B de Groene Kring, j’ai réalisé mon stage dans une exploitation de chèvres laitière à Oudenburg. Nous avons aussi appris pas mal de choses lors des réunions d’information de la Capra, la laiterie spécialisée dans la collecte du lait de chèvre dans notre Pays. Nous avons également recueilli un tas d’informations et de connaissances sur les chèvres laitières via l’Université de Wageningen et lors des réunions d’études organisées par le secteur. Enfin, nous avons visité plusieurs exploitations de collègues éleveurs afin de voir comment ils travaillaient », détaille-t-il.

À chaque âge, son espace

Durant l’été, la construction de la maternité, fut la première étape importante du projet. Ce bâtiment a pour vocation l’hébergement des chevreaux au cours des premières semaines de leur vie. Il comprend aussi un hangar pouvant abriter les machines de l’entreprise. Il fait 60 mètres de long sur 17 mètres de large.

« Immédiatement après leur naissance, les chevreaux sont séparés de leur mère et isolés par groupe de deux dans de petites cabines. Ces dernières sont placées à hauteur d’homme afin de ne pas devoir se baisser lorsqu’on distribue le colostrum. Elles sont également équipées de chauffage par le sol pour que les animaux soient confortablement installés », explique Adriaan.

Une alimentation contrôlée

« Le premier jour, les chevreaux reçoivent trois fois du colostrum. Le second jour, ils sont transférés dans une cage collective et commencent à s’alimenter via un distributeur automatique. Ils peuvent y accéder à cinq en même temps. Après un ou deux jours, lorsqu’ils ont pris l’habitude de boire au distributeur, ils sont transférés dans l‘espace commun de la maternité dans lequel ils resteront jusqu’à l’âge du sevrage. Cet espace est maintenu à une température constante de 18ºC ».

« Les chevreaux y reçoivent du lait et on ajoute ensuite progressivement de la nourriture solide. Après environ 8 semaines, les chevreaux doivent manger environ 200 grammes d’aliments solides par jour. Quand c’est le cas, les chevreaux, qui ont alors atteint environ 12 kg, sont transférés dans un plus grand espace paillé où ils sont nourris de paille et de céréales. Ils reçoivent cette alimentation jusqu’à 4 à 6 mois. Ensuite, ils passent à un mélange d’ensilage d’herbe, de céréales et de paille, et ce jusqu’à un mois avant de quitter la maternité. Ils reçoivent alors la même ration que les chèvres plus âgées », explique le jeune éleveur.

La ration des chèvres est essentiellement composée de préfané. « Nous l’achetons à des voisins qui doivent emblaver une partie de leur surface avec de l’herbe dans le cadre des mesures de verdissement. Annuellement nous avons besoin d’environ 80 à 100 ha d’herbe. Avec 3 à 4 coupes par an ça, correspond à 25 ha. Nous nous occupons du fauchage et du fanage mais l’ensilage est fait par entreprise. Une grande attention est portée à la qualité de l’ensilage. En effet, si celui-ci est contaminé par la terre, il présente des risques de listériose (une maladie qui peut causer des avortements, la méningite ou encore un empoisonnement du sang) », explique Adriaan.

Stabulation libre, lumière et isolation

Au commencement du projet, les agneaux ont été achetés auprès de deux élevages. C’est en février 2016, que les 30 premiers chevreaux – âgés de 3 à 5 jours – ont pris leurs quartiers dans l’exploitation des Bohez. Les autres ont rapidement suivi les semaines suivantes, pour atteindre un nombre total de 650 animaux. Il s’agit en majorité d’animaux de la race Saanen (ou Blanche de Gessenay), connue par sa production laitière importante, mais l’élevage comprend aussi quelques croisements avec des chèvres du Toggenbourg.

Dans le même temps, la seconde phase du projet s’est mise en place, avec la construction, au printemps 2016, d’un second bâtiment pouvant accueillir les chèvres adultes et les installations de traite. « Avant la construction de notre étable, nous avons rendu visite à plusieurs collègues. Grâce aux idées que nous avons pu collecter chez eux, nous avons élaboré un plan que nous avons ensuite remis à l’architecte. Nous voulions des infrastructures nous permettant de travailler le plus efficacement possible. Nous avons aussi accordé beaucoup d’attention à l’isolation du toit. C’est un point important, surtout en été, car la différence entre la température du jour et de la nuit ne peut pas être trop élevée. Enfin, un puits de lumière a été créé dans le toit afin que les animaux bénéficient d’une bonne lumière, tout en s’assurant que l’isolation reste plus ou moins correcte à ce niveau », dit l’éleveur.

Le bâtiment fait 68 mètres de long sur 24 mètres de large. Il est prévu pour l’hébergement de 800 chèvres laitières alors que la maternité ne peut accueillir que 250 chevreaux. Il compte également un bureau, une buanderie et un sas d’hygiène.

L’étable des chèvres adulte est faite de 4 longs boxes séparés par deux couloirs d’alimentation. Les côtés extérieurs du couloir sont plus bas de sorte que la nourriture se trouve à la hauteur des animaux. Les boxes sont paillés chaque jour. Ainsi, les animaux restent propres et leurs trayons ne doivent pas être nettoyés au préalable de la traite. Le fumier est enlevé tous les trois mois.

Sélectionnées pour la production

Les chèvres restent toute l’année à l’intérieur et reçoivent une ration de préfané, pulpes surpressées, paille et concentré. Le tout est distribué par une mélangeuse. « Tout doit être bien mélangé, sinon les chèvres ont tendance à trier leur nourriture », dit Adriaan. Cette ration est à disposition des animaux à volonté. « Nous souhaitons obtenir une production de 1.100 litres de lait par chèvre et par an, ce qui équivaut à une consommation d’environ 45-50 kg de concentré par animal pour 100 litres de lait. Au début, ça ne sera pas possible car il s’agit d’animaux achetés que nous n’avons pas encore sélectionné pour la production. Nous commencerons à sélectionner les chevreaux dès l’année prochaine ».

Décrochage automatique

« Pour la salle de traite, nous avons opté pour une 2 x 36 places et sortie rapide. Notre élevage n’est pas assez grand pour qu’un carrousel soit rentable. Et cela prend aussi beaucoup de place. La salle de traite est placée perpendiculairement à l’étable. Lors de la traite, les animaux sont amenés dans une salle d’attente munie d’un système de conduite. Il peut être utilisé à la fois dans l’étable et dans la salle de traite. La salle de traite possède un décrochage automatique, la traite peut donc être réalisée par une seule personne. Le lait est stocké dans un refroidisseur de 10.000 litres. Avant d’arriver dans cette espace, le lait passe dans un échangeur de chaleur qui permet de réchauffer l’eau potable distribuée aux chèvres », explique l’éleveur.

La lait est livré à Capra, la seule grande laiterie du pays spécialisée dans le lait de chèvre. Sa transformation en fromage ou autres produits n’est pas envisagée pour l’instant : « Ça représente beaucoup de travail, surtout pour le lait de 800 chèvres. De plus, nous devrions satisfaire aux exigences très strictes de l’agence alimentaire », dit Wauter.

En cycle fermé

Normalement, la saison de reproduction des chèvres court de septembre à décembre. Les premiers chevreaux naissent en février. « Nos premiers chevreaux, qui sont arrivés en février l’année passée, sont sortis de la maternité en septembre. Lorsque les chèvres sont prêtes, on place avec elles (par groupe de 30 chèvres) un mâle. 8 semaines après, tous les animaux du groupe subissent une échographie. Les femelles gestantes sont placées dans un autre groupe et les autres subissent une nouvelle échographie, 4 semaines plus tard. À l’avenir, je souhaite également faire de l’insémination artificielle afin de sélectionner le troupeau pour la production. Nous espérons ainsi pouvoir travailler en cycle fermer et ne plus acheter aucun animal à l’extérieur afin de réduire au maximum les risques d’introduction de maladies », dit Adriaan. Les jeunes seront élevés sur l’exploitation et deviendront les futures mères. Environ 1/4 des chèvres doit être remplacé chaque année. Les petits mâles resteront, quant à eux, 4 à 5 jours sur l’exploitation et sont ensuite vendus », finit-il. Qui a dit que les jeunes n’osaient plus s’investir en agriculture…

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