Union européenne et Mercosur :

les produits sensibles au cœur de la bataille

Un tir de barrage a accompagné dans l’Union européenne le 4e cycle de pourparlers de libre-échange avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), du 2 au 6 octobre à Brasilia. Les négociateurs de la Commission européenne ont en effet rajouté, dans leur offre révisée d’accès au marché, deux produits sensibles, sous la forme de contingents tarifaires d’importation pour 70.000 tonnes de viande bovine et 600.000 t d’éthanol. Une proposition au demeurant jugée tout à fait insuffisante par leurs interlocuteurs. Onze États membres de l’UE – Autriche, Belgique, France, Hongrie, Irlande, Lituanie, Luxembourg, Pologne, Roumanie, Slovénie, Slovaquie – avaient fait savoir, dans une note commune, qu’ils jugeaient prématuré » d inclure des quotas (d’importation) pour les produits agricoles les plus sensibles, estimant que deux conditions préalables doivent être remplies avant de présenter une offre dans ces secteurs aux partenaires sud-américains.

À l’inverse, huit autres – Allemagne, République tchèque, Danemark, Italie, Portugal, Espagne, Suède, Royaume-Uni – ont affirmé, dans une note commune également, que reporter l’inclusion de quotas pour certains produits sensibles (bœuf et éthanol) dans l’offre enverrait un message très négatif en ce qui concerne l’importance que l’UE attache à ces négociations.

La filière bovine à l’abattoir

Professionnels et députés européens sont montés au créneau contre la proposition de la Commission. C’est le cas notamment du président du groupe de travail viande bovine du Copa-Cogeca (organisations et coopératives agricoles de l’UE), Jean-Pierre Fleury, qui juge incompréhensible que la Commission inclut le bœuf dans l’offre au Mercosur alors que les enquêtes dans le scandale de la viande brésilienne n’ont pas été conclues. Selon lui, le contingent de 70.000 t équivaut à 1,7 million de vaches allaitantes dans l’UE.

Au Parlement européen, des députés français déplorent que la Commission ait « perdu tout sens des réalités dans son obsession de sécuriser un accord avec le Mercosur », tandis qu’un de leurs compatriotes assure que l’exécutif de l’UE « envoie la filière bovine à l’abattoir ».

En France, les organisations agricoles nationales ont alerté le président de la République. « Les pays du Mercosur ont déjà trop d’accès au marché européen, et représentent les trois quarts de toutes les importations de bovins de l’UE avec 246.000 t (équivalent poids-carcasse) chaque année, alors que la production européenne diminue », ont-elles rappelé.

Préoccupations pour l’éthanol et la volaille

Les producteurs européens d’éthanol renouvelable, représentés par l’association ePURE, soulignent, pour leur part, qu’ouvrir les marchés aux importations en provenance du Brésil aurait non seulement un impact très négatif sur les agriculteurs de l’UE, mais irait aussi « à l’encontre de sa politique climatique et énergétique ».

Quant aux industriels européens de la transformation de la volaille, ils font valoir que la filière « ne peut accepter des quotas supplémentaires d’importations, alors que près de 25 % des filets de poulet consommés en Europe proviennent déjà de pays tiers ». Ils rappellent également « le scandale sanitaire » qui a touché l’industrie brésilienne de la viande en mars dernier.

Viande bovine et éthanol

Les nouveaux contingents tarifaires d’importation proposés par la Commission européenne au profit du Mercosur, qui seraient mis en œuvre graduellement sur six ans, s’élèvent pour la viande bovine à 70.000 tonnes (équivalent poids-carcasse) au droit de 7,5 %, dont 35.000 t de viande fraîche (partagées entre le Hilton beef et la viande de jeunes bœufs élevés en pâturage) et 35.000 t de viande congelée (partagées entre utilisations industrielles et autres fins), et, pour l’éthanol, à 600.000 t, dont 400.000 t pour l’industrie chimique au droit de 3,40 €/hl et 200.000 t pour les biocarburants au droit de 6,40 €/hl.

Les contingents pour les autres produits sensibles sont ceux déjà offerts au Mercosur en avril 2016 : volaille 78.000 t (au droit de 7,5 %) ; porc 12.250 t (83 €/t) ; viande ovine 2.000 t (6,4 %+1.559 €/t) ; ail 10.000 t (4,8 %) ; maïs/sorgho 700.000 t (6 €/t) ; blé : 200.000 t (6 €/t) ; riz 40.000 t (15 €/t) ; poudre de lait 13.000 t (251 €/t) ; beurre 4.000 t (284 €/t) ; fromage 20.000 t (226 €/t).

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