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La résistance aux maladies

devient un critère de choix primordial !

La mise en valeur des tolérances et résistances variétales est absolument impérative dans le contexte actuel de forte pression sur les produits de protection des plantes, de changement climatique avec un risque parasitaire accru. Et cela représente aussi un intérêt économique.

Temps de lecture : 9 min

Le message tenu par André Wauters, spécialiste des questions variétales à l’Irbab, était très clair lors des grandes conférences tenues ces derniers jours par l’Institut de la betterave. « Aujourd’hui, le choix des variétés doit s’orienter vers une vraie recherche d’adaptation aux maladies susceptibles de nuire à la culture pendant la saison. »

Quelles sont les résistances actuellement disponibles sur le marché ? Comment ces résistances sont-elles en mesure de répondre aux besoins des planteurs ?

Plusieurs maladies et ravageurs sont plus particulièrement à considérer à l’heure du choix variétal et pour lesquelles la génétique apporte une résistance supplémentaire ou totale : la rhizomanie, le rhizoctone brun, les nématodes et les maladies foliaires.

La rhizomanie refait surface…

Apparue dans notre pays en 1984, cette maladie virale est une « vieille connaissance ». Aujourd’hui, plus personne ne la craint ; toutes les variétés actuellement commercialisées sont tolérantes à celle-ci, circulez, y a rien à voir ! « Et bien, non, malheureusement, le chapitre de la rhizomanie pourrait bien se rouvrir en raison de la capacité que possède le virus incriminé à contourner les « barrières » dressées par la sélection variétale, alerte l’expert de l’institut.

Il y a 15-20 ans, la rhizomanie constituait la préoccupation majeure de l’Irbab et des planteurs ; ces derniers étaient invités à bien prendre connaissance des symptômes de la maladie et, le cas échéant, à immédiatement se tourner vers des variétés tolérantes.

Les symptômes sont visibles sur des plantes individuelles dont le feuillage pâlit à partir de l’été, avec un feuillage dressé. Ils se manifestent dans certaines zones des champs concernés.

Lorsque l’on déterre une betterave infectée, on observe un étrangement de la racine et la formation d’un chevelu racinaire – « barbe » – très intense. En tranchant la betterave en deux, l’étranglement est bien visible au niveau du pivot, et en dessous un brunissement de la racine (photos). Ces symptômes sont caractéristiques de la maladie.

… après contournement de la résistance

André Wauters rappelle que la rhizomanie est une maladie virale transmise par un champignon du sol Polymyxa betae présent dans les terres depuis les années ’80 en Belgique et dans le nord de l’Europe.

Il existe trois variantes de ce virus : A, B et P. En, Belgique, on trouve principalement la variante B, mais aussi le virus A. Le virus P est observé, hors de nos frontières, au sud de Paris.

Toutes les variétés actuelles possèdent le même gène de résistance baptisé rz1 qui les « protège » contre les virus A et B. Ou plutôt… qui les protégeait ! En effet, depuis quelques années, le virus A a muté dans certaines parcelles sous la forme d’une souche baptisée « AYPR » qui contourne ladite résistance rz1. En conséquence, dans les parcelles concernées, en complément au gène rz1, un deuxième gène de résistance (rz2) est nécessaire pour continuer à cultiver de la betterave.

Cette nouvelle souche AYPR du virus A se manifeste aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en France et, depuis 2014, également en Belgique, dans deux petites régions bien distinctes : Binche et les Polders anversois.

Très préjudiciable, mais le remède existe

La possible résurgence de la rhizomanie est à prendre très au sérieux parce qu’elle peut, dans les parcelles concernées, devenir très rapidement très préjudiciable au rendement de la betterave. Pour preuve, des essais entrepris à Mazy, près de Gembloux, sur une variété non tolérante à la maladie ont vu les rendements de celle-ci s’écrouler en quelques années, passant de 75 t/ha à 18º en 1999 à seulement 13 t/ha à 9,5º en 2006.

Si le virus B est très stable, le virus A l’est nettement moins. Dès 2005, ce dernier montrait une variabilité importante, qui s’est encore accentuée durant ces dernières années. Comme il est présent un peu partout dans le pays, s’il y a mutation, celle-ci aussi peut se produire à n’importe quel endroit sur notre territoire. Il faut donc continuer à prospecter de manière à pouvoir les sites où cela pourrait survenir.

Et c’est comme cela qu’on a pu, en 2014, observer la mutation du virus A dans la région de Binche et dans les Polders anversois, avec une série de parcelles comportant quelques plantules manifestant des symptômes rappelant la rhizomanie, des fourrières nettement plus attaquées que d’autres avec des plantes typiquement « rhizomaniées ». Tout cela sur des variétés tolérantes à la rhizomanie (rz1) et donc devenues sur ces parcelles malgré tout sensibles à la maladie.

Une solution a été trouvée par les semenciers sous la forme d’une double résistance (rz1 + rz2) ; l’essentiel est évidemment de bien diagnostiquer la présence de la mutation de la maladie dans les parcelles.

Le rhizoctone brun

Cette maladie n’est pas une nouvelle venue. Il existe quelques solutions pour la contrer, et si elles ne sont pas parfaites, elles ont au moins un intérêt pour les agriculteurs concernés.

Rhizoctonia solani provoque une pourriture brune de la betterave. Elle apparaît plus facilement dans les parcelles présentant un pH trop faible, comprenant du maïs ou du ray-grass dans la rotation et comme précédents culturaux fréquents à la betterave, et certainement sur les sites où s’ajoutent encore aux conditions ci-avant des dégâts de structure occasionnés au cours des années antérieures et des problèmes de drainage.

L’ensemble de ces paramètres favorise la maladie et stimule l’installation du pathogène au cours du temps.

Lorsque des betteraves sont affectées par ce pourrissement dans une parcelle, il est peine perdue de vouloir les conserver en silo. Leur conservation n’est pas possible ! Le conseil d’André Wauters : « Essayez de programmer en début de campagne la livraison des parcelles concernées, n’attendez certainement pas la fin de saison ».

La résistance variétale existe, mais elle est partielle. Les essais réalisés durant ces dernières années permettent à l’Institut de recommander à cette fin : Isabella Kws, BTS605, Tolemax, Voltaire, UrselinaKws, Tiaris et Bts 4190RHC. Attention toutefois, cette résistance n’est pas totale. « On trouvera toujours dans les parcelles concernées des betteraves affectées par des pourritures ; en nombre variable (quelques %) selon les conditions d’humidité et de température de l’année. Mais cela vaut la peine d’en disposer car elles apportent une vraie solution en termes de rendement.

Le potentiel de rendement des variétés recommandées n’est pas toujours optimal, mais c’est le prix à payer. Un autre souci : les montées à graines demeurent une faiblesse de ces variétés doublement résistantes (rhizomanie + rhizoctone).

Les nématodes à kyste…

Ce ravageur, Heterodera schachtii, cause des pertes de rendement et requiert une gestion à moyen ou long terme. La problématique n’est pas nouvelle mais il est bon de rafraîchir les connaissances en la matière.

Outre la betterave sucrière et la betterave fourragère, Heterodera schachtii s’attaque à d’autres espèces (plantes hôtes) comme l’épinard, les choux, le colza, et certaines adventices telles que l’arroche, le chénopode, les renouées, la capselle, le sené. Sans oublier les plantes d’interculture comme le radis fourrager et la moutarde sensibles.

Les nématodes de la betterave survivent sous la forme de kystes (petits sacs renfermant les œufs et larves) ; cette survie peut durer 10-15 ans dans les parcelles. Au printemps, dès que la température du sol atteint 8ºC, les larves migrent vers les jeunes radicelles de la betterave, pénètrent dans celles-ci, et s’y nourrissent et les rendent largement inopérantes au détriment de la croissance de la betterave. Après quelques semaines, les femelles vont développer des kystes, se remplir d’œufs et larves pour recommencer un nouveau cycle et accroître ainsi le potentiel d’infection par ce ravageur.

L’accomplissement d’un cycle requiert 465 degrés jours (>8ºC). Pour un semis du 1er avril, le cycle complet est réalisé vers le 20 juin. De sorte qu’en général, pour un arrachage de novembre, la parcelle peut avoir abrité 2 à 3 générations successives de nématodes. A chaque génération, il y a multiplication des effectifs. Le potentiel en nématodes des sols peut ainsi croître très rapidement.

… nuisibles, même en petit nombre

« Les conclusions de très nombreux essais réalisés sur ce thème mettent clairement en évidence la nuisibilité du ravageur », poursuit André Wauters. Les pertes de rendement en racines sont effectivement estimées à 3 kg sucre/ha par larve présente dans 100 g de sol. De fait, la perte peut sembler négligeable lorsque l’on dénombre une seule petite larve, mais à raison de quelques centaines d’œufs et larves par 100 g de sol, la dépréciation grimpe rapidement à plusieurs pourcents du rendement potentiel !

Une analyse du sol peut s’avérer très utile pour mesurer ce risque de dépréciation du rendement en racines. L’impact sur la teneur en sucre et la qualité est nettement moindre, sauf en cas d’infection extrême entraînant une perte de feuillage et le développement de repousses foliaires.

Outre une baisse de rendement, la présence de ce nuisible perturbe l’alimentation de la betterave en eau et en tous les éléments minéraux du sol, en particulier le magnésium. « L’apparition d’une carence en magnésie dans une parcelle traduit dans 99 % des cas la présence de nématodes à kyste de la betterave dans la parcelle. »

La nuisibilité du nématode s’exprime aussi sous la forme d’une tare terre un peu plus élevée à la suite de la formation de racines latérales, en réaction aux attaques du parasite.

La réponse par la tolérance variétale

Le recours aux variétés tolérantes a un effet immédiat de préservation du potentiel de rendement dans les parcelles et se justifie économiquement :

– dès le dénombrement de 150 œufs + larves par 100 g sol ;

– dès la présence de symptômes, d’indicateurs tels que des rendements en racines faibles, une croissance ralentie, un flétrissement, un jaunissement avec une carence en magnésie.

Le semis d’une variété tolérante a un effet à plus long terme via une réduction de la multiplication des nématodes. D’où moins de souci pour la betterave qui suivra dans la rotation.

Trois types

Le semis d’une variété tolérante permet de maintenir une situation de rotation « saine » de 3 – 4 ans, également dans les terres pourtant peu infestées. On distingue 3 types de variétés selon leur comportement vis-à-vis du ravageur :

– classique et donc sensible : souffre d’un moindre rendement et multiplie fortement le nématode ;

– tolérante (Nématode Tolérante) et partiellement résistante : procure un rendement potentiellement élevé et multiplie modérement le nématode ;

– résistante : pas de multiplication des nématodes, mais il n’en existe pas à ce jour sur le marché.

(À suivre)

Propos recueillis par

M. de N.

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