Planter des cerisiers au jardin ? Oui, mais lesquels ?

Après avoir connu une régression continue dans notre pays depuis les années 1960, la culture de ces fruits traditionnels a quelque peu repris, grâce à différentes nouveautés. Mais elle reste néanmoins coûteuse et la production est toujours sujette à différents aléas. Dans une exploitation fruitière, elle peut avoir certaines années une bonne rentabilité, mais elle peut aussi être parfois déficitaire.

S’il veut planter un ou des cerisiers dans son jardin, l’amateur pourra, lui aussi, bénéficier des progrès et des nouveautés en la matière : par exemple les sujets porte-greffe nanisants, les variétés auto-fertiles, la conduite des arbres et la prévention de quelques ravageurs importants.

Comme nous entrerons bientôt dans la période idéale pour la plantation des arbres et arbustes fruitiers, cet article peut, tout comme les contacts avec les pépiniéristes, alimenter la réflexion sur les choix à faire à propos des variétés et des types d’arbres, afin de diversifier la production fruitière familiale.

Plusieurs groupes

Les cerisiers font partie de la famille des Amygdacées, dans laquelle le genre Prunus compte plus de 300 espèces. Il existe deux groupes de cerises douces : les « bigarreaux » à chair croquante, et les « guignes » à chair molle. Chaque groupe se subdivise en deux sous-groupes : l’un à épiderme foncé et à jus très coloré, l’autre à épiderme clair et jus non coloré. Ces arbres ont une cime élancée et une forte vigueur. Elles appartiennent à l’espèce Prunus avium.

Les cerises acides, ou « griottes », ont une chair molle. Elles se subdivisent également en deux sous-groupes : l’un à fruits et à jus rouge foncé, les « morelles » l’autre à fruits et jus rouge clair, les « amarelles ». Les arbres sont plus petits, avec une cime globuleuse. Elles appartiennent à l’espèce Prunus cerasus.

Il existe aussi un groupe à caractères intermédiaires de cerises dénommées « anglaises » à fruits foncés et jus coloré, ou « royales » à fruits clairs et jus incolore. Elles appartiennent à l’espèce Prunus X acida.

Plusieurs autres Prunus sont utilisés comme sujets porte-greffe.

Des bourgeons et rameaux bien différents

Les bourgeons des cerisiers sont de deux types : les yeux qui contiennent uniquement des ébauches de feuilles, et qui évolueront en une pousse feuillée de longueur variable, ou qui s’annuleront définitivement s’ils n’évoluent pas, alors que chez les fruits à pépins, ils peuvent rester latents plusieurs années. Les boutons contiennent uniquement des ébauches d’une ou plusieurs fleurs ; après floraison et fructification, ils s’annulent. Ceci explique la tendance au dégarnissement des rameaux que l’on peut observer chez certains cerisiers. La distinction entre les yeux et les boutons est généralement difficile.

Les pousses issues d’un œil portent des noms différents selon leur vigueur. Les plus courtes sont appelées « bouquets de mai ». Ceux-ci ont 1 à 2 cm de long ; ils portent en été une rosette de 5 à 6 feuilles dont le bourgeon axillaire évolue en un bouton. En hiver, un bouquet de mai comporte un œil terminal et une couronne 5 à 6 boutons. Chaque année, tant que l’œil terminal reste vivant, le bouquet de mai s’allonge de 1 à 2 cm. C’est l’organe fructifère principal des cerisiers à fruits doux.

Une pousse annuelle grèle longue de 10 à 20 cm est appelée « rameau-chiffon » ; ceux-ci comportent généralement un œil à la base, puis une série de boutons et un œil terminal. L’année suivante, l’œil terminal donne naissance à un nouveau rameau-chiffon, tandis que l’œil basal s’annule dans la plupart des cas, ou forme rarement un nouveau rameau-chiffon. Et ainsi de suite pendant plusieurs années. C’est l’organe fructifère caractéristique des griottiers. S’ils sont non ou mal taillés, on peut trouver de longues pousses grèles de plusieurs années dont seule l’extrémité est productive.

Un rameau annuel de 30 à 40 cm peut être appelé « rameau à bois » s’il ne porte que des yeux, ou « rameau mixte » s’il comporte à la fois des yeux (à la base et au sommet) et des boutons (en position intermédiaire).

Un rameau très vigoureux s’appelle un « gourmand ». Il ne porte que des yeux.

De la floraison à la fécondation

Les boutons des cerisiers à fruits doux contiennent de 1 à 6 fleurs, le plus souvent 2 ou 3 ; ceci explique les « boucles d’oreilles » que les enfants se mettent lorsqu’ils mangent des cerises ! Chez les griottiers, les fleurs sont solitaires, ou rarement par deux.

La floraison des cerisiers se situe généralement vers la mi-avril, ce qui explique leur sensibilité aux gelées printanières encore fréquentes à cette période. Les dégâts de gel sur les fleurs sont l’un des principaux facteurs limitant la productivité de nos cerisiers.

Les variétés traditionnelles de cerises douces sont généralement autostériles : pour la fécondation des fleurs, il faut l’apport du pollen d’une variété compatible et qui fleurit au même moment. Souvent, la fécondation n’est pas réciproque, et il faudra associer trois ou même quatre variétés. Quelques variétés nouvelles sont totalement ou partiellement auto-fertiles : un arbre isolé se suffira à lui-même. Les griottiers sont également auto-fertiles.

Outre l’absence de gel, la fécondation des fleurs suppose une période sèche, sans pluies, et une température supérieure à 6ºC. Dès la fécondation, on peut observer un grossissement de l’ovaire des fleurs ; le calice se déchire puis tombe en emportant les vestiges des étamines. Une forte chute de jeunes cerises douces lors de la formation du noyau est le signe d’une fécondation déficiente.

La fructification intervient, en Moyenne Belgique, du 20 juin à la fin juillet. Le calibre des fruits dépend principalement de la variété : il est en moyenne de 6 g chez Pollux et Merton Premier et de 11 g chez Sunburst et Summit. Les fruits sont plus gros sur le jeune bois.

S’il pleut abondamment pendant la maturation des cerises, on observe souvent leur éclatement par absorption massive d’eau.

Quels sujets porte-greffe ?

Pour former des arbres de grandes dimensions, basse-tige ou haute-tige, on utilise en Belgique un merisier, par exemple le sujet anglais F 12/1 ou Limburgse Boskriek. L’entrée en production des arbres est lente.

Il existe plusieurs SPG de vigueur moyenne non utilisés en Belgique : Prunus mahaleb SL 64 pour les sols secs et calcaires, Colt pour les sols profonds humides non calcaires, Ma X Ma 14 pour les sols humides et calcaires, Camil (= GM 79) pour les sols limoneux bien drainés.

Plusieurs SG nouveaux permettent de conduire des cerisiers en petites formes : la sélection gembloutoise Damil (=GM 61) pour les sols limoneux bien drainés, la sélection française Edabriz, ou la sélection allemande GiSelA 5 qui semble actuellement avoir la faveur des arboriculteurs professionnels.

Choisir ses variétés : le moment des compromis

Le choix des variétés à planter est malaisé parce qu’aucune d’elles ne présente une somme de qualités sans avoir de défauts. Il faut donc faire un compromis en se fixant des priorités : la grosseur des fruits, l’époque de floraison et de récolte, la qualité des fruits, leur résistance à l’éclatement, l’auto-fertilité si on ne plante qu’un seul arbre…

À côté des nombreuses variétés traditionnelles dont les caractéristiques sont connues de longue date, nos pépiniéristes proposent plusieurs variétés nouvelles qui ont déjà fait leurs preuves. La liste qui suit est un choix personnel qui est loin d’être exhaustif. Le signe (*) indique une variété auto-fertile.

Bigarreaux clairs : Bigarreau Napoléon, Bigarreau blanc ;

Bigarreaux foncés : Bigarreau Burlat, Géant d’Hedelfingen, Tardif de Schneider, Kordia, Regina, Bigarreau noir, Bigarreau Van, Lapins (*), Sunburst (*), Sylvia (*) ;

Guignes rouges : Early Rivers (*)

Griottes à jus clair : Griotte de Visé (*)

Griottes à jus coloré : Griotte du Nord (*), Griotte de Montmorency (*), Griotte de Schaerbeek (*) ;

Anglaises : May Duke.

Planter des arbres de qualité

De manière générale, les cerisiers redoutent les sols humides, même si ce phénomène n’est que passager : l’arbre deviendra gommeux et le SPG risque de dépérir par asphyxie. Ils préfèrent un sol profond, homogène, de texture limoneuse, à structure grumeleuse. Les griottiers sont un peu moins exigeants que les cerisiers à fruits doux.

Cerisiers à fruits doux : que ce soit en basse-tige ou en haute-tige, les arbres greffés sur un SPG vigoureux seront conduits en buisson à axe central. On plantera à 10-12 m minimum : chaque arbre adulte devra disposer au minimum de 100 à 120 m². Un tuteur est nécessaire les premières années.

En basse-tige sur un SPG faible, on conduira les arbres en fuseau (un axe central portant des étages de branches horizontales espacés de 50 cm) ou en buisson et on plantera à 5 x 4 ou 5 x 5 m (20 à 25 m² par arbre). Ces arbres demandent un tuteur permanent.

Griottiers : ils sont généralement conduits en buisson. Greffés sur merisier F 12/1, on les plantera à 8 x 8 m minimum. Une plantation plus dense amène un risque de dégarnissement du bas de la couronne, faute d’un éclairage suffisant.

Lors de l’achat d’un cerisier, le nombre des ramifications et leur implantation à angle ouvert sur le tronc sont des critères de qualité ; de même, il faut examiner avec soin l’aspect du point de greffe et refuser un arbre où la cicatrisation n’est pas parfaite.

Conduite et taille

Chez les cerisiers à fruits doux, la taille de formation vise à obtenir un nombre suffisant de branches qui doivent faire avec l’axe un angle aussi ouvert que possible. Il faut pour cela incliner les rameaux dès leur apparition, par exemple avec des cure-dents, sans attendre la lignification des tissus. En hiver, on éliminera tout le bois trop érigé : en tentant de l’incliner, il s’arrachera généralement.

Chez les griottiers, la tendance naturelle à former de nombreuses ramifications risque de provoquer un manque de lumière dans la couronne. Il faudra éliminer chaque année un certain nombre de rameaux, ce qui permettra d’éviter le dégarnissement des rameaux restants.

La cicatrisation des plaies de taille des cerisiers sera la meilleure si la taille est pratiquée en été, juste après la récolte, ou en fin d’hiver, juste avant la floraison.

À entretenir avec soin

Pour toutes les jeunes plantations et les arbres greffés sur un SPG faible, le désherbage du sol et l’épandage d’un mulch de matière organique sur 1 à 2 m² est indispensable pendant 3 ou 4 ans. Pour les formes plus volumineuses, on peut laisser le sol enherbé sur toute la surface à partir de la 4è ou 5è année.

La fumure à apporter annuellement, en mars, aux cerisiers se composera de 30 à 50 unités d’azote les premières années, puis 100 unités à partir de la 5è année, ainsi que 70 à 120 unités d’acide phosphorique et 80 unités de potasse.

Chez tous les cerisiers la vigilance s’impose en ce qui concerne le puceron noir (Myzus cerasi) qui endommage le feuillage, nuit à la croissance, et dont le miellat salit les fruits. Ses pullulations peuvent être très rapides, et il convient d’intervenir sans tarder, dès que l’on détecte les premiers adultes.

Les griottiers redoutent la moniliose des fleurs et des rameaux (Monilia laxa) qui détruit les gfleurs et les jeunes rameaux si le début de saison est très humide. Il faut traiter préventivement juste avant la floraison, et répéter le traitement 10 jours plus tard.

La mouche de la cerise (Rhagoletis cerasi) est revenue en force dans nos vergers, probablement favorisée par plusieurs étés chauds successifs. Les œufs sont pondus fin mai dans les cerises encore vertes, et les larves (= asticots) se nourrissent de la chair du fruit. Les pupes s’installent dans la couche superficielle du sol en attendant l’année prochaine ; elles peuvent être éliminées en grand nombre par des poules. Pendant le vol des adultes, en mai, la pose de pièges englués munis d’une capsule de phéromone permet de capturer les mâles et d’empêcher les accouplements et les pontes.

Le chancre bactérien (Pseudomonas morsprunorum) pose des problèmes sous notre climat doux et humide. L’infection principale se produit pendant la chute des feuilles, via les cicatrices foliaires, puis la bactérie se développe pendant tout l’hiver dans les rameaux qui dépérissent progressivement. La lutte consiste à traiter préventivement au cuivre une (ou deux) fois pendant la chute des feuilles, puis une fois juste avant la floraison.

Dès que les cerises prennent une coloration rouge, différents oiseaux frugivores (merles, étourneaux…) peuvent occasionner des dégâts importants. Sur des arbres de petite taille, le placement d’un filet peut être envisagé.

Ir. André Sansdrap

Wépion

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