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Gilets jaunes sur salopettes vertes

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Bonne, ou mauvaise nouvelle ? Nous ne payerons pas de contributions sur les revenus déclarés de 2017, ceux-ci sont trop bas, deux fois inférieurs aux années précédentes. Faut-il se réjouir de se voir rembourser les versements anticipés, ainsi qu’un crédit d’impôt ? Certainement pas ! Ce résultat est tout simplement affligeant, consternant, désastreux ! Il signifie que, aux yeux du ministère des finances, nous avons travaillé en 2017 pour des cacahuètes ! Et 2018 s’annonce bien pire encore, sans que personne ne sonne le tocsin. Est-il temps de descendre nous-mêmes dans les rues et d’enfiler des gilets jaunes par-dessus nos salopettes vertes ?

Pour notre petite ferme, nos résultats de comptabilité de gestion n’étaient pourtant pas exécrables, pas très glorieux s’entend, décourageants certes, mais tout de même positifs. Pas de perte dans le bétail, ni de frais très élevés à déduire du revenu. Pourquoi nos revenus 2017, déclarés en décembre, sont-ils alors aussi faibles ? Les barèmes à l’hectare repris par le fisc étaient tout simplement très bas ! Ils sont calculés selon des critères objectifs : prix de vente des produits agricoles en forte baisse, rendements des cultures altérés par la sécheresse du printemps, coûts de production en hausse constante… De plus, les aides et indemnités PAC (celui qui me parle encore de « primes », je le…) se réduisent chaque année comme peau de chagrin. Les revenus calculés pour 2017 culminent dès lors au ras des pâquerettes, voire sous les racines chez les agriculteurs éleveurs de bovins.

Théoriquement, maints agriculteurs font partie de la frange pauvre de la population (15 % des Belges), avec des revenus annuels inférieurs à 13.377 €/personne. Le constat est interpellant, scandaleux, quand on compare ces chiffres aux salaires de tous ces gens qui nous suivent et nous « conseillent », aux revenus plantureux des entreprises qui nous vendent leurs services, aux bénéfices éhontés des commerçants qui nous achètent nos produits et de ceux qui nous vendent les intrants. Quand on voit les plus-values engrangées par les autres maillons de la chaîne agro-alimentaire, les transformateurs industriels, les grandes surfaces commerciales… Pourtant, tout le monde semble trouver normale toute cette injustice, allant de soi ce partage inéquitable de la richesse créée grâce à notre travail de base, inévitable le faible revenu dont il faut nous accommoder. C’est notre faute, pensent les gens : nous sommes trop naïfs, trop candides, trop dindons de la farce, résignés, désenchantés. Nous sommes coupables d’être victimes consentantes du système !

Les gilets jaunes descendent dans la rue pour infiniment moins que ça. Ce mouvement spontané de citoyens s’est créé pour pallier la paresse des syndicats, leur inféodation aux partis politiques, aux oligarchies technocrates et bureaucrates. Nos syndicats agricoles sont-ils mous du genou, semblables à leurs homologues du monde ouvrier ? Poser la question, c’est déjà y répondre. Un agriculteur fâché me disait dernièrement : « Si nos syndicats agricoles étaient des inséminateurs, on n’aurait aucune vache pleine en Wallonie, car ils arrivent toujours trop tard ! ». Deux fermes disparaissent chaque semaine dans notre région. Comment vont vivre nos syndicats, quand il n’y aura plus d’agriculteurs en Wallonie ? Les pauvres ! Il est grand temps qu’ils se bougent, qu’ils remplissent leur mission première : nous défendre ! C’est bien beau de nous encadrer, de nous analyser, de nous conseiller, de nous vendre des services administratifs ou des cours d’agriculture, de gesticuler avec leurs beaux drapeaux colorés de temps à autre à la télé, de se faire photographier tout sourires avec les ministres à la Foire de Libramont…, mais par ailleurs, où sont-ils pendant que nous végétons dans nos exploitations ? Leurs discours sont ronronnants, convenus, lénifiants, affligeants, pires encore que ceux des grands syndicats ouvriers.

Alors, que faire, si même nos « ardents » défenseurs restent pétrifiés dans leurs postures de braves gardiens de la paix ? Faut-il descendre dans la rue, enfiler nos gilets jaunes sur nos salopettes vertes ? Prendre nos destins en main ? Laisser les tracteurs au garage, se croiser les bras pendant un an, sans rien semer ni récolter, sans traire ni vendre des animaux, au finish ? De toute façon, nous ne gagnons rien en travaillant comme des dingues. Si on ne fait plus rien, les gens n’auront plus rien à manger, tous ceux qui vivent de nos peines n’auront plus de sang à nous sucer. Peut-être comprendront-ils, la faim au ventre, si tous les paysans du monde se donnent un jour la main, sans plus rien produire, sans violence et sans rien dire ?

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