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Deux générations pour atteindre

le top de la génétique

Les 12 et 13 avril prochains, la Confrontation Holstein 2019 fédérera le gratin laitier européen, 19 équipes nationales dans les installations de la Foire de Libramont. C’est dans cette perspective que quatre de nos représentants ouvriront leurs portes le 11 avril. Urbain Moureaux, de l’Herbagère à Flavion, est déjà dans les préparatifs pour ne rien laisser au hasard.

Temps de lecture : 7 min

À l’herbagère, l’élevage laitier est une histoire de famille et Urbain Moureaux en est la 4e génération. D’une ferme plutôt mixte à ses débuts (1939), la deuxième génération développe la surface agricole, tandis que la troisième représentée par Maurice et Edith, se spécialise dans la spéculation laitière. « À l’époque, mon père n’avait pas les moyens d’acheter un troupeau de qualité », avoue Urbain. Tout s’est développé petit à petit grâce à l’insémination artificielle. « Pour l’époque, la technique représente une avancée assez exceptionnelle, comme a pu l’être le transfert d’embryon par la suite », poursuit-il. Son père trait alors dans une étable à 60 logettes avec une salle de traite 2x5.

Le concours, un gage d’évolution

Parti d’une partie de troupeau avec des pie rouge de wesphalie, le cheptel s’étoffe et voit la pie noire prendre tout doucement l’ascendant. Si quelques vaches ont été achetées pour des objectifs d’évolution de la génétique, la majorité est venue par le renouvellement naturel, les doses sexées. Il aura fallu une génération pour obtenir un troupeau de bonne génétique. L’éleveur se souvient : « A ses débuts, lors des concours, mon père était habitué aux fins de série. Mais il a persévéré et quand j’ai repris l’outil, il a terminé par un championnat national, c’est une belle concrétisation pour l’énergie apportée pour l’évolution du troupeau. »

C’est en voyant son père aux concours qu’il se prend au jeu. « À mes 13 ans j’ai commencé à faire des stages en Italie pour apprendre à préparer les animaux. En est née une bonne complicité avec le meilleur élevage italien : Beltramino. Et jusqu’à ses 18 ans il s’y rendra 3 à 4 fois par an. C’est à partir de là que s’opère un grand virage à l’Herbagère. « Nous avions une bonne qualité d’animaux, mais leur bonne préparation a une grosse influence sur leur présentation lors des shows ! »

À ses 18 ans, en 2004, son homologue italien lui propose une association. Une demande qui le taraude mais qui anéanti ses parents. Car l’outil a été développé pour qu’il puisse le reprendre. Si le prestige de l’élevage transalpin l’attire, il pourrait appliquer ce qu’il y a appris chez lui et profiter du travail de sélection de son père. « Sans lui, je serais loin derrière ! Il faut deux générations pour arriver au top de la génétique ! Aujourd’hui, toutes les génisses sont génotypées »

Il reprend donc l’exploitation dans la foulée. À ce moment, quelque 550.000 l de lait sont produits annuellement avec 55 vaches laitières. Un an plus tard, un incendie ravage l’étable, ce qui pousse la famille Moureaux à construire des bâtiments plus fonctionnels.

La sélection avançant, les concours permettent à l’éleveur de voir les points d’amélioration dans son élevage « Nos animaux étaient d’un bon niveau mais toujours de petit gabarit. Nous nous sommes donc lancés dans une série de réflexions que ce soit autour de l’alimentation, des installations de traite, de ventilation et de logement. C’est un long cheminement. »

2014, un autre virage s’amorce

Après 10 ans, Urbain et son paternel investissent dans les bâtiments. Isolation du toit, faîtière ouverte, robots de traite… Les bâtiments sont étendus pour accueillir 300 animaux, dont 150 en logettes, dans les meilleures conditions.

Pour garantir le confort des laitières, il a d’abord opté pour des tapis caoutchouc, pensant que la bonne longévité du matelas irait de pair avec le confort des productrices. Ce ne fut pas un bon choix. « On avait bel et bien la durabilité du tapis, mais nous abîmions nos animaux. Le compromis durabilité du tapis et durabilité des vaches n’existe pas. » Début 2018, l’éleveur les remplace donc par des matelas d’eau. « Cela a apporté un changement énorme au niveau de la santé et du confort des vaches. Un choix qui satisfait entièrement l’éleveur.

L’arrivée des robots a permis un développement de la production sans augmenter la charge de travail. « Nous avons d’abord privilégié la circulation libre, mais nous sommes finalement passés en « dirigé ». A partir de 120 vaches, les couloirs devenaient trop exigus, la concurrence et la dominance de certains animaux étaient exacerbées dans le troupeau. Ici, les vaches peuvent boire et manger à volonté mais c’est la porte de tri qui décide si elles peuvent accéder au robot. Avec une telle technologie, il faut être davantage pointilleux sur la gestion du troupeau mais c’est une stimulation pour l’éleveur à être toujours plus performant.

Parallèlement à ces investissements, l’alimentation des animaux évolue. « Il y a 15 ans, nous avions commencé par donner un concentré paille jusqu’à six mois, le foin n’étant donné qu’après. Si nous avons observé une très grosse avancée de par le changement d’aliments, nous sentions qu’il manquait toujours quelque chose. Car voir nos génisses en concours nous permet de voir si leur ration leur convient. Raison pour laquelle on a poussé davantage l’alimentation lactée chez les jeunes, passant de 4 à 8 l de lait/jour, soit 4 l de bon lait et 4 l de poudre pour diminuer et homogénéiser la matière grasse de la buvée. Cela a clairement permis d’améliorer leurs performances ! Les veaux jeunes sont plus solides, ont plus de gabarit et ça nous permet également de diminuer petit à petit l’âge au premier vêlage.

« Depuis lors, on est passé d’une production de 850.000 à 1.200.000 l. Certes le cheptel a grandi mais la production par vache également. À ce stade, avec près de 300 animaux, nous, ne voulons plus agrandir le cheptel mais bien la production individuelle », indique l’éleveur.

Bien qu’il ne juge pas son volume de lait produit très élevé, les taux sont assez remarquables. Avec 37,6 % de protéines et 46,3 % de matière grasse, il obtient un taux de matières utiles équivalent à 2,433 kg par jour et par vache. « Mon objectif ? Travailler au kilo de matière utile, c’est ce qui rémunère au final l’éleveur ! Dernièrement celui-ci me coûtait 5,20 €/vache/jour. »

Au-delà de la production, le facteur le plus observé pour les animaux : la longévité. « J’ai toujours cru à l’augmentation de la production par la longévité des animaux. Car tout éleveur sait qu’une vache en 3e lactation donne plus qu’un individu en 1ère lactation. Et augmenter les jours de vie, c’est augmenter l’économie au nombre de litres de lait produits. »

« L’herbe ne pousse pas, elle se cultive ! »

Sur les 110 ha que la famille exploite, trente sont destinées aux cultures commerciales, le reste l’est pour la production fourragère (30 ha de maïs, 50 de prairies). « Nous sommes en autonomie fourragère pour nourrir nos bovins. La ration reste donc identique toute l’année.

« Nous avons arrêté le pâturage dans les années 2000. Depuis, nous sommes arrivés à produire 500.0000 litres de lait supplémentaires sans augmentation de surface. » Il enchérit : « L’herbe ne pousse pas, elle se cultive ! Quand on l’a compris, notre production fourragère a augmenté et on a intensifié la culture de la terre. Une suite logique à l’évolution du prix des terrains », note-t-il.

La culture d’herbe est d’ailleurs devenue une de ses passions. Nous nous sommes équipés pour produire le meilleur fourrage possible, ce qui nous donne un sérieux avantage économique. Il y a près de 15 ans que nous avons créé une entreprise d’ensilage à deux agriculteurs père-fils. Ils ont d’ailleurs fait l’acquisition d’une ensileuse l’année dernière afin de récolter les fourrages en temps et en heure.

Compenser le surcoût de leur élevage

À l’Herbagère, un récent audit a montré que leur comptabilité est beaucoup plus élevée par rapport la moyenne en élevage laitier. Un surcoût qu’ils doivent compenser par une bonne valorisation de leur production. Au vu du potentiel génétique présent sur l’exploitation, ils vendent des taureaux reproducteurs et des vaches de haute valeur génétique. Et pour les épauler sur l’exploitation, un ouvrier agricole bien connu au nord du pays, Thomas de Brabander, les a rejoints pour exercer un mi-temps. « Comme moi avec les Beltramino, il a commencé son stage ici il y a dix ans. Nos relations ont toujours été au top, d’où la proposition d’un contrat. Passionné de concours, il nous accompagne partout où nous allons et nous permet de véhiculer le nom de notre élevage parmi ses contacts… »

En outre, si leur production est trop importante pour se lancer dans un atelier fromager, ils écoulent près d’1 % de leur lait auprès du glacier «Les Lutins», à Anthée. « C’est une fierté de voir notre travail ainsi mis en avant par un artisan qui fait d’ailleurs partie des meilleurs glaciers de Belgique. »

Enfin, le poulailler, construit en 2000, dans lequel ils élèvent annuellement 13.000 poules reproductrices, constitue un bel outil de diversification.

P-Y L.

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