Aux portes de Niamey, capitale du Niger, la filière du lait local entend aussi se faire une place au soleil


Certes, ce n’était pas son premier séjour dans notre pays, mais le coordinateur de l’ONG nigérienne Karkara – soutien aux petits producteurs laitiers de la communauté urbaine de Niamey – est toujours aussi impressionné par l’abondance alimentaire dont bénéficie le bétail dans nos fermes ! « En Afrique, les animaux manquent cruellement de réserves fourragères, alors qu’ici c’est l’opulence. Quel bonheur pour les éleveurs ! Et que dire de la dimension des pis des vaches laitières et de leur production quotidienne ! C’est extraordinaire ! Au Niger, il faut 10 vaches pour obtenir la production d’une seule vache d’ici », ne peut s’empêcher de clamer Ousseini Ganda Ide.
Le lait, vital pour les familles au Niger
La très faible production laitière par vache, l’aridité du climat, le manque d’aliments pour le bétail… sont de fortes contraintes à la production. Or, pour les familles des très nombreux petits producteurs qui peuplent le Niger – vaste pays enclavé de l’Afrique de l’Ouest –, ce lait est une source précieuse de revenu à condition de lui trouver un débouché.
« Concrètement, de la production laitière de 1 à 3 l par vache et par jour, une partie est consommée par la famille, et seul le solde, valorisé en lait caillé par les femmes qui le vendent au marché, permet de dégager un petit revenu. Celui-ci représente environ 25 % des ressources financières des ménages, avec lesquelles il faut acheter à manger, payer les soins de santé et assurer la scolarité des enfants», explique Ousseini.
Au Niger, les femmes assurent la traite et la transformation du lait, tandis que les hommes mènent et surveillent les troupeaux.
Hygiène, de la traite jusqu’à la laiterie…
« Dans notre zone d’action, la ville de Niamey – capitale située à l’êxtrême ouest du pays, au bord du fleuve Niger – et sa périphérie, les producteurs sont aujourd’hui organisés en coopératives qui veillent à la collecte du lait et à sa livraison vers les centres de réception, d’où le précieux liquide prend la direction des laiteries », poursuit le coordinateur de Karkara, partenaire de l’ONG Vétérinaires sans frontières Belgique. Grâce à l’appui de ces deux organisations et la participation active des éleveurs, la collecte est désormais assurée dans un délai de 2h qui permet la préservation de la qualité du lait malgré les fortes chaleurs de la région et la carence en infrastructures. Cette forme de commercialisation contribue à l’amélioration du niveau de vie des familles concernées. »
Les éleveurs s’étaient déjà mobilisés auparavant pour livrer leur lait aux laiteries, mais celels-ci le refusaient systématiquement, sans plus de précision. « C’est dans ce contexte que les petits producteurs ont sollicité notre aide. La première action des deux ONG a consisté à conscientiser la population aux mesures d’hygiène indispensables pour assurer et préserver au maximum la bonne qualité du lait. Des ateliers ont été animés pour échanger avec les éleveurs sur les contaminants de cet or blanc, et les moyens de prévenir ceux-ci.
… et la santé des animaux
Pour améliorer la qualité et la quantité du lait produit et commercialisé par les petits producteurs de la ville de Niamey, un autre levier a été actionné, toujours en concertation avec ceux-ci : la santé animale, à travers la mise en place de services vétérinaires privés de proximité. VSF est particulièrement expert dans ce domaine. À la tête de chaque service de ce type, l’ONG facilite l’installation d’un vétérinaire privé entouré d’assistants aptes à réaliser des tâches simples au contact direct et immédiat des éleveurs ; en cas de problème sévère, le vétérinaire est prévenu et assure le suivi. C’est très positif pour les éleveurs et la santé du bétail, dont l’existence et la production sont d’une importance tout simplement vitales pour les familles. Il y a en effet une vraie carence en vétérinaires de brousse où la clientèle n’est composée que de petits éleveurs. Les diplômés préfèrent travailler dans les villes.
Une filière pour le lait local
« Forts de l’expérience réussie de collecte et livraison de lait sur deux bassins de production, les deux ONG ont obtenu un financement pour accompagner la concrétisation d’un petit projet de livraison d’au moins 3.000 litres de lait par jour à une laiterie qui se dit prête à s’engager vers un projet 100% de lait local », poursuit Ousseini ganda Ide. Aujourd’hui, l’industriel concerné utilise de la poudre pour 95% de sa production, et il ajoute 5% de lait local pour donner ce goût local à ses produits. Il est prêt à tenter l’aventure du lait 100% local s’il a la garantie d’approvisionnement et de qualité.
Dans cette même optique de sensibilisation aux enjeux de la petite production laitière en Afrique, VSF invite les laiteries européennes implantées en Afrique à s’investir davantage dans la collecte du lait local et à incorporer davantage celui-ci dans leurs productions, ne fut-ce que dans une démarche de responsabilité sociétale d’entreprise.
Cette poudre importée