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Préserver la faune sauvage lors de la fauche de vos prairies

Pour de nombreuses espèces, les prairies constituent un habitat riche en nourriture ainsi qu’un site de protection et de reproduction. C’est notamment le cas pour le chevreuil et le lièvre, ainsi que pour certains oiseaux nicheurs au sol : perdrix, faisan, alouette des champs, caille des blés, râle des genêts, bruant proyer, bergeronnette printanière…

Temps de lecture : 9 min

L a fauche des fourrages cause des dégâts sur cette faune sauvage par destruction des nids, mortalité des couveuses et autres animaux dissimulés au sol. Au printemps, cette opération coïncide classiquement avec les phases de nidification et d’envol des jeunes oiseaux, ou de mise-bas des mammifères et d’élevage de leurs jeunes.

Devant la machine, les animaux peuvent adopter des comportements variables. Soit une absence de fuite face au danger, que ce soit par incapacité (œufs, poussins) ou par comportement (lièvres, faons ou oiseaux couveurs qui se tapissent dans les hautes herbes et restent immobiles par instinct). Soit une fuite, trop lente dans certains cas, en particulier chez les animaux piéteurs. Ces comportements peuvent aussi varier en fonction des possibilités de fuite vers d’autres abris à proximité. Enfin, les espèces diurnes (perdrix, faisans…) sont particulièrement vulnérables aux travaux réalisés durant la nuit.

Quel impact ?

Quantifier l’impact de la fauche des prairies sur la faune sauvage est difficile. En Allemagne, ce sont entre 90.000 à 100.000 faons de chevreuils qui périssent chaque année sous les faucheuses.

Faon de chevreuil victime d’une fauche.
Faon de chevreuil victime d’une fauche. - Mickaël Patault

Les répercussions ne se limitent pas uniquement à la faune sauvage, mais peuvent aussi concerner les animaux d’élevage car les cadavres contaminent le fourrage, ce qui peut mener à des intoxications graves, surtout des chevaux ou des vaches (botulisme).

Enfin, des bris de machines peuvent résulter du passage de la grande faune (sangliers adultes, faons de cerf) dans les barres de coupe.

Ces dernières années, l’évolution des machines de récolte des fourrages s’est traduite par une plus grande largeur de coupe et une puissance accrue, permettant des vitesses de travail élevées pouvant atteindre les 25, voire 28 km/h. L’intensification des pratiques agricoles a conduit à une augmentation de la fréquence des coupes. Ainsi, certaines prairies temporaires de fauche font l’objet de 6 coupes annuelles (3 à 4 en moyenne). Ces éléments de l’agriculture moderne tendent à augmenter la mortalité de la faune sauvage car ils réduisent les possibilités de fuite devant les machines ou multiplient les interventions.

Nid de faisan détruit lors d’une fauche.
Nid de faisan détruit lors d’une fauche. - Jérôme Widar

Mesures à prendre

Avant la fauche

Des mesures préventives se révéleront efficaces à condition de reposer sur une bonne collaboration entre les acteurs concernés. Ainsi, un avertissement de la date de fauche par l’agriculteur permettra aux chasseurs et aux protecteurs de la nature d’effaroucher les animaux la veille du jour de la fauche. Parmi les techniques de dissuasion figurent les effarouchements visuels (épouvantails, sacs en plastique, ballons gonflables, disques CD, ruban de signalisation, phares clignotants), acoustique (postes diffusant de la musique, canons à gaz) ainsi que l’application de produits répulsifs sur le pourtour de la prairie. Ces mesures incitent les mères et leur progéniture à quitter la prairie à faucher. Elles sont surtout efficaces chez le chevreuil.

Effarouchement visuel pour  le gibier.
Effarouchement visuel pour le gibier. - © Jérôme Widar

Outre ces méthodes d’effarouchement, la recherche préalable des levrauts, faons et nids d’oiseaux peut aussi se montrer une mesure très efficace. Elle s’effectue en « ratissant » la prairie par battue humaine, avec ou sans chien. Les jeunes animaux n’ayant généralement que peu d’odeur corporelle, de très bons chiens sont nécessaires pour les repérer.

Recherche à l’aide de chiens.
Recherche à l’aide de chiens. - © Sorka Eixmann

Détecteur de gibier ISA.
Détecteur de gibier ISA. - Schweizer Tierschutz STS

La recherche des animaux est également possible via des méthodes plus évoluées. Citons la détection par capteurs infrarouges ou par caméra thermique montée sur drone. Le premier système détecte les sources de chaleur et avertit l’opérateur par un signal sonore. Les capteurs peuvent être montés sur une tige télescopique portée à l’horizontale à un mètre du sol par un opérateur qui arpente la prairie (détecteur de gibier ISA – Allemagne). Le second système détecte les endroits présentant des différences thermiques sur une zone survolée par le drone. Les coordonnées GPS sont directement transmises sur l’écran. Les sources de chaleur localisées sont enregistrées et peuvent faire l’objet d’une recherche au sol. Ces systèmes « high-tech » sont relativement efficaces pour les animaux de taille moyenne (faons). Le signal émis dépend en effet de la taille de l’animal, de sa température de surface et de son émissivité, mais aussi de la végétation s’interposant entre l’animal et le capteur, des conditions atmosphériques…

Drone équipé d’une caméra  thermique.
Drone équipé d’une caméra thermique. - www.wildretter.de

Une fois les jeunes animaux ou les nids repérés, il faut mettre les premiers en sécurité ou marquer l’emplacement des seconds afin que les zones dans lesquelles ils se trouvent ne soient pas fauchées. Lors de la manipulation des faons et des levrauts, il faut éviter de les charger d’odeurs humaines, au risque qu’ils soient abandonnés par leur mère ou détectés par des prédateurs. Il est nécessaire de se frotter les mains avec de la terre et de l’herbe et de ramasser les animaux avec une couche de protection d’herbe. Ces derniers pourront alors être transportés à l’abri sous quelques buissons proches.

Calendrier des fauches

La date de fauche est l’élément qui influe le plus sur le nombre d’animaux tués. Plus la fauche est tardive, meilleures sont les chances de survie pour la progéniture. La première coupe ne devrait idéalement pas avoir lieu avant la mi-juin et chaque jour gagné sera providentiel. À noter toutefois pour le chevreuil qu’une première fauche précoce, vers fin avril, entraînera des pertes minimes vu que le pic des naissances a lieu vers le 20 mai.

Prévoir un plus grand intervalle de temps entre la première et la deuxième fauche est un autre levier qui diminue le taux de mortalité, en particulier des oiseaux nicheurs au sol.

Pendant la fauche

Durant la fauche, toute une série de mesures destinées à minimiser les pertes animales peuvent être envisagées :

– réduire la vitesse de travail, si possible à 5 km/h (maximum 10-12 km/h), afin de laisser le temps aux animaux de fuir ;

– adopter un circuit de récolte centrifuge, c’est-à-dire débuter l’intervention par le centre de la parcelle pour ne pas y « emprisonner » les animaux et permettre leur fuite vers l’extérieur. Environ 70 % des animaux se tiendraient en lisière côté forêt ;

– éviter ou limiter le plus possible le travail de nuit ;

– éviter l’intervention de plusieurs machines dans la même parcelle car cela désoriente les animaux ;

– faucher en mosaïque, c’est-à-dire partager les grandes parcelles en petites et les faucher à des périodes différentes afin de maintenir des zones refuges ;

– ne pas faucher les bordures des parcelles, du moins conserver une lisière de 6 mètres non détourée. Ou y relever les hauteurs de coupe au-dessus de 20 cm pour ne pas détruire les nids, les couveuses et autres animaux couchés au sol. Plus la hauteur de coupe est haute, moins les pertes sont importantes ;

– adapter la technique de fauche. Les faucheuses à barre de coupe font moins de victimes parmi les animaux sauvages que les faucheuses rotatives qui ont tendance à « aspirer » les animaux ;

– équiper les machines d’une barre d’effarouchement afin de contraindre les animaux à fuir plutôt que de rester cachés dans la végétation. Il s’agit d’un barre transversale supportant des chaînes balayant le couvert, des peignes rigides grattant le sol, des tubes sonores (bruit de clochettes) ou encore des objets éblouissants. La barre d’effarouchement comporte un système de repliage hydraulique ou manuel. Elle est décalée latéralement par rapport à l’axe de la faucheuse attelée à l’arrière. Elle doit être utilisée à faible vitesse (maximum 10-12 km/h). Selon les prototypes, son prix varie entre 1.500 et 2.500 €. Lorsque le chauffeur constate l’envol d’un oiseau, il doit stopper sa machine et s’assurer de l’absence de nid abritant des œufs ou des juvéniles ;

– utiliser un système de détection des animaux, directement monté sur un bras à l’avant du tracteur ou sur le châssis de la faucheuse. La détection peut être couplée à l’émission d’ultrasons qui doivent faire fuir les animaux.

Une barre d’effarouchement peut être placée à l’avant du tracteur.
Une barre d’effarouchement peut être placée à l’avant du tracteur. - J. Chauvigne

Des prototypes

Différents prototypes ont déjà pu être testés. Un premier (dispositif Agroguard – France) repose sur des capteurs infrarouges situés dans l’axe de la faucheuse, à une hauteur de 1,5 mètre et orientés légèrement vers le bas. Ils sont censés réagir à la détection de chaleur ou aux mouvements et signaler au conducteur la présence d’un « obstacle » dans la direction d’avancement.

Un second dispositif (ISA Wildretter – Allemagne) utilise une caméra infrarouge qui détecte les animaux devant la machine jusqu’à une distance maximale de 40 mètres et le signale sur un écran au chauffeur.

Un troisième prototype (dispositif Sensosafe – Autriche) repose sur un capteur optique à infrarouge. Une fois un animal détecté, le capteur envoie un signal et la faucheuse se relève instantanément.

Malgré toutes ces aides techniques, l’adaptation des pratiques de fauche reste un passage obligé pour préserver la faune sauvage.

Pendant la fauche, il est important pour le chauffeur d’être attentif à l’environnement. L’observation du comportement des animaux sur la prairie ou ses abords apporte de précieux renseignements sur la présence de jeunes ou de nids. C’est par exemple le cas d’une chevrette qui s’enfuit et s’arrête à une certaine distance pour regarder derrière elle ; il est fort probable qu’un faon soit dissimulé à proximité. Ou d’un oiseau qui manifeste une certaine agressivité à l’égard d’un intrus qui s’approche de son nid.

Détection par capteurs optiques à infrarouge.
Détection par capteurs optiques à infrarouge. - Pöttinger

Quelles mesures en Wallonie ?

En règle générale, une gestion des prairies visant à préserver la faune sauvage est moins rentable ou plus compliquée. Une fenaison tardive par exemple est loin d’être optimale pour le rendement et la qualité du fourrage. Une fauche effectuée à vitesse réduite requiert nécessairement plus de temps. Or, l’optimisation du temps de travail est une priorité bien compréhensible pour les agriculteurs et pour les entrepreneurs.

Terminer la fauche par le centre de la parcelle à tendance à « emprisonner » les animaux.
Terminer la fauche par le centre de la parcelle à tendance à « emprisonner » les animaux. - Jérôme Widar

En Wallonie, Les Méthodes Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC2) encouragent les agriculteurs à mettre en place des pratiques favorables à la protection de l’environnement (biodiversité, eau, sols, climat), à la conservation du patrimoine (animal ou végétal) et au maintien des paysages en zone agricole. Les agriculteurs s’engagent de manière volontaire (contrat de 5 ans) et bénéficient d’une aide financière (ou compensation) pour couvrir l’effort et les coûts relatifs à la mise en œuvre de ces méthodes qui vont au-delà des bonnes conditions agricoles et environnementales. Deux méthodes en particulier permettent de réduire les pertes de la faune sauvage lors de la fauche des prairies. Il s’agit de la méthode « Prairie naturelle » (200 €/ha) et de la méthode « Prairie de haute valeur biologique » (450 €/ha). Le cahier des charges de la première méthode prévoit une interdiction de faucher avant le 16 juin et le maintien de 5 % de zone refuge. La localisation de cette dernière peut changer chaque année. Le cahier des charges de la seconde méthode prévoit le maintien de 10 % de zone refuge. La localisation de cette dernière peut varier à chaque fauche. La date de la première intervention est fixée par un expert de Natagriwal.

Il est essentiel de sensibiliser tous les acteurs concernés au développement de pratiques de fauche favorables à la faune sauvage.

Davantage d’infos sur www.fourragesmieux.be/Docu - ments_telechargeables/Preserver- _faune_sauvage_lors_fauche-_prairies.pdf.

Jérôme Widar,

Subvention dégâts de gibier SPW, asbl Fourrages Mieux

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