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Les virus des arbres et arbustes fruitiers: prévenir, puisqu’on ne peut guérir!

Les virus figurent parmi les bioagresseurs contre lesquels l’arboriculteur est le plus démuni. En effet, une fois qu’une plante est infectée, il n’est pas possible de l’assainir. La prévention est donc essentielle si l’on veut conserver un verger productif.

Temps de lecture : 8 min

Parmi la nombreuse armée des bioagresseurs de nos arbres et arbustes fruitiers, les virus et les organismes apparentés n’ont été décrits et caractérisés que dans le courant du 20è  siècle, après la mise au point des premiers microscopes électroniques en 1933.

Les viroses peuvent être graves ou bénignes, mais elles sont toujours préjudiciables. Les symptômes de différentes infections virales sur des plantes fruitières étaient bien connus. Par exemple, la mosaïque du pommier, le jaunissement des nervures du poirier ou le court-noué des vignes.

Si l’arboriculteur dispose d’un arsenal bien fourni de moyens de lutte contre les différents insectes, acariens, mycètes et autres bioagresseurs, ce n’est pas le cas en ce qui concerne les virus. Une fois qu’une plante est infectée par un ou plusieurs virus, il n’est pas possible dans la pratique de l’assainir. Il faudra agir préventivement en plantant du matériel végétal sain, puis en évitant les infections au verger.

Dans ce qui suit, nous envisagerons aussi bien des virus proprement dits que d’autres organismes qui leur sont apparentés : phytoplasmes (= mycoplasmes), virus like organisms (V.L.O) ou viroïdes.

Une nomenclature particulière

La nomenclature relative aux virus diffère de celle qui est en usage pour les plantes et les animaux. En effet, on n’utilise pas la dénomination latine binomiale comme pour les autres espèces vivantes.

Les familles sont basées sur la structure même de la particule virale. Chaque virus est désigné, en anglais, par une plante-hôte importante, et des symptômes qu’il provoque. Ensuite on donne à chaque virus un sigle composé des initiales du nom complet. On utilise aussi une traduction française du nom complet : par exemple, « Virus des taches chlorotiques du pommier » = « Apple Chlorotic Leaf Spot Virus » = « ACLSDV ».

Un peu de biologie

La principale particularité des virus est leur incapacité à mener une vie autonome : les cellules vivantes d’une plante-hôte leur sont indispensables pour assurer leur reproduction. Ceci s’explique par leur structure très simple : un ou plusieurs acides ribo-nucléiques (ou acides désoxy-ribo-nucléiques), des enzymes et parfois une enveloppe (appelée la capside).

Dans une cellule-hôte, l’acide nucléique induit la production de protéines infectieuses spécifiques au lieu des protéines de la cellule-hôte.

La transmission des virus

Il existe plusieurs modes de transmission des virus. L’infection d’une plante saine à partir d’une plante infectée suppose généralement qu’il y ait eu une blessure récente de cellules épidermiques par l’action d’un organisme piqueur (insecte ou nématode qui injecte sa salive infectée), par frottement de feuilles, par greffes spontanée ou provoquée de racines ou de tiges.

Dans un article précédent consacré aux pucerons des arbres fruitiers (Le Sillon Belge du 24 mai 2019), nous avons expliqué leur rôle dans la transmission de certains virus. Selon le virus, on distingue trois situations : virus non persistants, dont le vecteur n’est porteur au niveau de ses stylets que pendant un temps très court ; virus semi-persistants, dont le vecteur est porteur pendant 2 à 3 jours ; virus circulants qui se multiplient dans l’organisme du vecteur. Après une douzaine à une vingtaine d’heures, celui-ci peut transmettre le virus lors de piqûres pendant plusieurs jours ou jusqu’à sa mort.

La multiplication des plantes fruitières par greffage provoque la transmission des viroses du porte-greffe à la couronne, ou du greffon vers le porte-greffe. Produire un plant sain suppose donc d’associer un greffon sain à un porte-greffe sain.

Quelques virus peuvent se transmettre par la graine ou par le pollen. Dans ce cas, les téguments et/ou l’embryon sont porteurs du virus. C’est le cas chez plusieurs fabacées (haricot, soja, vigna…), chez la tomate et la laitue. En ce qui concerne les arbres fruitiers, il est dit qu’il n’y a pas de transmission de virus par la graine chez les espèces à pépins, mais bien chez les espèces à noyau en ce qui concerne le NRSV (Necrotic Ring Spot Virus) et le PDV (Prune Dwarf Virus).

D’où proviennent les virus ?

L’origine des virus a fait l’objet de plusieurs hypothèses :

– ils seraient apparus en même temps que les cellules dans le milieu originel, et auraient évolué parallèlement ;

– ils seraient des éléments échappés de cellules ;

– ils seraient des cellules qui n’ont conservé qu’une partie de leur contenu.

Des organismes apparentés aux virus

Parmi les organismes apparentés aux virus, citons les mycoplasmes ou phytoplasmes, qui se localisent dans les tissus vasculaires. Ils sont transmis par des insectes piqueurs (psylles et cicadelles). Ce sont par exemple la Prolifération du pommier (AP) et le Bois souple du pommier (RW), ainsi que le Dépérissement du poirier.

Les viroïdes sont des organismes infectieux dont la structure est encore plus réduite que celle des virus. Plusieurs d’entre eux sont responsables de graves maladies des végétaux, par exemple l’Exocortis des agrumes. Ils ont les mêmes modes de transmission que les virus.

Après l’infection…

Une fois qu’un virus a été transmis à une plante saine, il va s’y multiplier (= se répliquer) rapidement, avec une intensité qui peut être très grande ; en 15 heures, à 24ºC, le taux de multiplication se situe entre cinquante mille fois et cinquante millions de fois !

Pendant ce processus, des mutations, c’est-à-dire des erreurs de copie peuvent se produire. Elles permettent aux virus de s’adapter à des conditions de milieu particulières ou à évoluer vers des formes de mieux en mieux adaptées aux circonstances. C’est une condition de leur maintien en vie. Pour les virus, la notion d’espèce est de ce fait moins nette que pour les autres êtres vivants.

Selon le type de virus, la réplication peut avoir lieu dans différents constituants d’une cellule végétale : par exemple dans le noyau, dans les chloroplastes ou les mitochondries. La transmission de cellules infectées vers les cellules saines voisines se produit via les plasmodesmes, lieux de connexion au travers des parois cellulaires. La transmission de virus à grande distance peut se faire par le courant de sève élaborée.

Quels symptômes chez les plantes-hôtes fruitières ?

Ches les plantes-hôtes fruitières, les symptômes peuvent être très variés. Par exemple : nanisme, rabougrissement, prolifération et balais de sorcière, raccourcissement des entre-nœuds, faible développement du système radiculaire, nécroses, striures et rayures du bois. On observe aussi sur feuilles : déformation, décoloration générale ou en mosaïque, taches ou anneaux chlorotiques, jaunissement des nervures ou du bord des feuilles. Et aussi sur fleurs : nécroses, panachures, déformations ; et sur fruits : déformations, calibre faible, taches ou anneaux chlorotiques, rugosité, verrues, taches liégeuses.

Les symptômes d’une même virose peuvent différer selon les variétés.

Un certain nombre de viroses ne manifesteront pas nécessairement de symptômes évidents sur certaines variétés. Toutefois, ces virus dits « latents » peuvent se révéler dommageables sur d’autres variétés plus sensibles. Des variétés anciennes, non contrôlées à cet égard, peuvent se révéler être un réservoir de virus latents. La présence simultanée de plusieurs virus peut rendre encore plus complexe l’interprétation des symptômes observés.

D’autres causes peuvent induire des symptômes similaires : herbicides, carences en éléments minéraux, dégâts d’insectes ou d’acariens.

En résumé, pour le producteur de fruits, l’infection des arbres et arbustes par un ou plusieurs virus aura des répercussions graves sur leur productivité :

– un retard d’entrée en production, suite à une vigueur plus faible ;

– une perte de production suite à un nombre de fruits plus faible et à un moindre calibre ;

– une diminution de la qualité des fruits : moindre coloration, rugosité épidermique, crevasses…

Il en va de même pour les sujets porte-greffe en ce qui concerne le nombre de marcottes produites.

Identifier les virus

L’identification des viroses ne peut se faire avec certitude sur la seule base de symptômes. Elle ne peut se faire que dans un laboratoire de virologie, soit par des méthodes sérologiques (réaction antigène/anticorps ou test « Elisa »), par recours à des sondes moléculaires, ou par amplification des acides nucléiques.

Pour les espèces fruitières, on peut utiliser aussi l’indexage. Des plantes herbacées ou ligneuses ont été choisies pour leur aptitude à exprimer les symptômes typiques d’un ou de plusieurs virus. Les plantes herbacées, cultivées en serre, sont inoculées par frottis d’un broyat de tissus de la plante à tester. La réponse s’obtient rapidement. Les plantes ligneuses sont cultivées soit en serre, soit en plein air.

Pour les indexages en plein air, au mois d’août, sur des sujets porte-greffe sains, on place d’abord un écusson de la variété indicatrice, et une semaine plus tard, un écusson ou un lambeau d’écorce de la variété à tester. L’expression de symptômes peut prendre plusieurs années.

Pour les indexages en serre, on utilise la plante indicatrice comme porte-greffe et on écussonne avec la variété à tester. Cette méthode donne une réponse plus rapide : en 2 à 4 mois, par des symptômes typiques ou la mort de la plante.

Assainir le matériel végétal

La production d’arbres fruitiers exempts de viroses suppose de disposer de sujets porte-greffe sains, sur lesquels on greffera des greffons sains. Le matériel de base est conservé en écartant tout risque de contamination, et il est transmis aux pépiniéristes afin de produire les arbres destinés à la vente.

L’assainissement est réalisé par des laboratoires spécialisés en virologie selon plusieurs techniques.

La thermothérapie consiste à faire croître des jeunes plants (porte-greffes et variétés) pendant 4 à 6 semaines à une température de 36 à 38ºC. Dans ces conditions, la croissance des virus est plus lente que celle des tissus de la plante, et l’on peut espérer que l’apex sera exempt de virus. Celui-ci est prélevé, et multiplié in vitro ou par greffage.

Éviter les recontaminations au verger

Un grand nombre de viroses des arbres fruitiers sont transmises par des vecteurs : pucerons et cicadelles pour la partie aérienne, nématodes pour le système radiculaire. La lutte préventive ciblera ces vecteurs : traitements insecticides dans le premier cas, désinfection du sol dans le second.

Pour les rares virus transmis par le pollen ou par la graine, il faut éviter d’utiliser des plants issus de semis comme sujets porte-greffe ou comme arbres francs de pied.

Ir. André Sansdrap

Wépion

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