La prairie de haute valeur biologique (MC4), une mesure cibléepour la préservation des prés les plus riches en biodiversité

L a prairie de haute valeur biologique est l’une des plus anciennes méthodes proposées par le programme agroenvironnemental. Cela fait maintenant 15 ans qu’elle est proposée aux agriculteurs, pour conserver les prairies les plus riches en biodiversité. Il s’agit d’une méthode ciblée (MC) et nécessite donc l’intervention d’un conseiller qui établit, sur base d’un diagnostic, si la prairie peut être engagée ou pas.

L’objectif principal de la méthode est de préserver les prairies les plus intéressantes sur le plan biologique, en conservant une exploitation peu intensive ou en l’adaptant. Les conditions fixées pour l’exploitation permettent à la prairie de « s’exprimer pleinement » en faveur de la flore et de la faune sauvages. L’exploitation extensive de ces prairies est indispensable pour conserver leur biodiversité, qui disparaîtrait si elles étaient abandonnées, boisées, fertilisées et pâturées ou encore fauchées comme les autres.

Les prairies visées

Il y a tout d’abord les prairies riches en espèces, souvent très fleuries, parfois humides, voire marécageuses. La plupart du temps, elles sont déjà exploitées de manière peu intensive, sinon ces espèces ne s’y trouveraient plus.

Les prés qui abritent des espèces animales peu communes comme le triton crêté, la pie-grièche écorcheur ou encore le damier de la succise (un petit papillon) sont également ciblées.

Enfin, il y a les prairies qui appartiennent à notre patrimoine agricole paysager, comme les prés-vergers, peuplés d’au moins trente arbres fruitiers haute tige par hectare.

Notons que la méthode n’a pas pour vocation de mettre en exploitation extensive l’ensemble des prairies de Wallonie. Des études internationales montrent qu’il faut atteindre un objectif de 12 % des prairies permanentes exploitées dans des conditions peu intensives pour sauvegarder la nature.

La MAEC prairie de haute valeur biologique est un bon moyen d’assurer cette gestion peu intensive, tout en étant rémunéré pour ce service. Ce n’est pas la seule : la méthode « prairie naturelle » (MB2, une méthode de base), un peu moins extensive, y contribue également.

L’engagement des agriculteurs pour ces deux méthodes est en augmentation continue, ce qui est à souligner !

Quelle prairie est éligible ?

Le plus simple est de prendre un contact téléphonique avec son conseiller. À la suite de cet échange, le conseiller ira seul réaliser son expertise de terrain. En fonction du diagnostic, il déterminera les conditions les plus adaptées pour l’exploitation de la prairie, et discutera avec l’éleveur des possibilités. Cette expertise est sans engagement.

À noter que, si le pré est repris en Natura 2000 (UG2 ou UG3), il est probable qu’elle puisse également être engagée comme prairie de haute valeur biologique.

Toute personne intéressée peut facilement le conseiller de sa région sur www.natagriwal.be, en tapant le nom de sa commune, ou tout simplement en appelant le secrétariat au 010/47.37.71. Et c’est le bon moment pour téléphoner, les mois de mai et juin étant le meilleur moment pour établir un diagnostic, en tout cas avant la fauche…

Cette méthode est un bon moyen pour atteindre des performances environnementales élevées sur l’exploitation, tout en étant financièrement intéressante (450 euros par hectare et par an, cumulables en partie avec les indemnités Natura 2000 éventuelles).

Pour conclure, en Belgique, c’est dans les prairies de haute valeur biologique que l’on observe la diversité de plantes la plus grande, avec jusqu’à 65 espèces différentes, dont certaines très rares. C’est parce qu’il y a des éleveurs qu’il y a des prairies et donc aussi ces milieux riches en biodiversité

Trois questions au sujet du cahier de charge de cette MAEC?

Nous répondons aux 3 questions qui nous parviennent.

Comment interpréter la notion d’interdiction d’affouragement ?

Le principe : le bétail ne peut pas recevoir de concentrés ou de fourrages, que ce soit de manière directe (dans la prairie), ou indirecte (s’il a accès à une zone d’affouragement située en dehors de la prairie, ou à des concentrés mis à disposition en étable).

Le picotin tenu au seau par l’éleveur, destiné à garder le contact avec les animaux et permettre leur recapture, n’est pas concerné par cette interdiction. À noter que l’affouragement peut être autorisé s’il est dûment motivé dans l’avis d’expert. Cette autorisation d’affouragement se jugera au cas par cas, y compris en cas de sécheresse. La bonne pratique pour la gestion d’une prairie à haute valeur biologique reste de retirer le bétail de la prairie une fois que celle-ci ne présente plus assez de nourriture.

Peut-on chauler une prairie engagée en MC4 ?

Le chaulage est soumis à l’autorisation du conseiller, ce qui n’est, en pratique, jamais accordé. Le chaulage permet d’uniformiser les sols, et donc d’uniformiser le type de végétation qui s’y retrouve ; ce n’est pas le but des MAEC, ayant pour objectif de favoriser la biodiversité locale, donc en adéquation avec le type de sol. Le programme agroenvironnemental soutient les modes de production extensifs.

Peut-on réparer les dégâts de sanglier en MC4 ?

La première action à mener en cas de dégâts importants de sanglier est de contacter son conseiller. En effet, une intervention peut être faite en MC4, quelle que soit la date, à condition que l’intervention soit notifiée dans un rapport rédigé par le conseiller, validant le travail de réparation. Ce rapport reprendra également les indications techniques afin de remettre correctement la prairie en état, dans le respect des objectifs biologiques. Sans ce contact préalable, toute intervention dans la prairie sera sanctionnée en cas de contrôle.

«Je m’engage avant tout pour la nature»

Lothar Vilz élève un cheptel de 130 limousines dans le respect de la biodiversité.
Lothar Vilz élève un cheptel de 130 limousines dans le respect de la biodiversité. - © DR

Située à Mürringen, dans les cantons de l’Est, la ferme de Lothar Vilz culmine à 650 mètres, là où les terres sont pauvres et le climat rustique, des conditions semblables, pour certains aspects, à la Suisse et à l’Autriche.

Un événement tragique survenu au sein de sa famille le conduit à revoir son modèle agricole et la manière dont il traite la terre. Aujourd’hui, il élève un cheptel de 120 à 130 bêtes, des limousines, dont 60 mères, dans le respect de la biodiversité. Il produit une viande de qualité très appréciée des chefs de renom qui partagent et soutiennent sa philosophie. Ce changement d’approche, plus à l’écoute de la nature, l’amène à s’engager en 2015 dans le programme agroenvironnemental.

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans le programme agroenvironnemental ?

Avant tout, je m’engage pour la nature. C’est ma manière de travailler sur la biodiversité qui a permis l’engagement en MC4. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons des prairies de haute valeur biologique.

Ma vision globale de l’agriculture est la culture extensive avec plus de biodiversité, qui protège et soutient l’écosystème, à la place de le détruire. Je suis convaincu de la possibilité de l’existence d’une agriculture saine et autonome qui induit moins de problèmes économiques, écologiques, sociaux et de dépendance aux lobbyistes agro-industriels et pharmaceutiques. La crise que nous vivons nous montre qu’il est temps de changer pour un modèle plus éthique et généralisé qui pourrait faire vivre tout le monde.

Que diriez-vous à vos confrères pour les inciter à s’engager en MAEC ?

La MC 4 constitue un compromis équitable entre un rendement un peu plus bas et une rémunération qui couvre les frais liés à la récolte de fourrage. En effet, les frais d’entretien sont supérieurs mais la prime compense de manière correcte. Ça, c’est pour l’aspect purement financier.

Mais je dirais également à mes confrères qu’il est important de « faire » de la biodiversité, de l’inclure dans le système qui vous le rendra. Pour moi, chaque agriculteur devrait y consacrer 5 à 10 % de sa surface. Tous les agriculteurs pourraient se le permettre, les primes sont là pour les y aider.

La gestion est assez simple : il suffit de ne pas traiter et de laisser venir en fleurs. Et puis, les fleurs dans les champs, les abeilles, les insectes, quel bonheur !

Mettez-vous en place d’autres pratiques favorisant la biodiversité ?

Nous avons placé la biodiversité au centre de nos pratiques. Pour moi, tout agriculteur doit travailler de manière écologique et faire perpétuer la nature. Nous avons planté des arbres et des haies, notamment de l’aubépine qui est favorable aux insectes et aux oiseaux. Nous n’épandons pas de nitrates dans les champs mais plutôt des micro-organismes. Nous récoltons des semences que nous essayons de réintroduire. Nous réalisons encore beaucoup de travail manuellement, comme par exemple la taille des haies. Je ne veux pas trop tasser les sols avec des machines lourdes. La terre me t de nombreuses années à se régénérer, autant lui éviter trop d’efforts supplémentaires !

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