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Planteurs et raffinerie s’associent pour favoriser la biodiversité fonctionnelle

Une fois n’est pas coutume, la Raffinerie Tirlemontoise vient de lancer un projet dédié non pas à la betterave sucrière (ou, du moins, pas directement), mais bien à l’étude de la biodiversité fonctionnelle et aux moyens les plus adéquats de lui offrir le gîte et le couvert. À cet effet, pas moins de 25.000 m² de bandes fleuries ont été implantés en bordure de parcelles betteravières, en collaboration avec le Cra-w et une vingtaine de planteurs.

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La Raffinerie Tirlemontoise, de même que Südzucker, sa maison-mère allemande, s’attelle depuis plusieurs années à respecter divers engagements en matière de durabilité.

Ceux-ci s’articulent autour de quatre piliers : cultiver la betterave localement, réduire les émissions de gaz à effet de serre, sensibiliser les clients à une consommation réfléchie de sucre et renforcer la biodiversité. C’est dans le cadre de ce dernier pilier qu’est né, au printemps dernier, le projet pilote « bandes fleuries ».

Offrir le gîte et le couvert…

« En collaboration avec une vingtaine de planteurs wallons, nous avons aménagé 25.000 m² de bandes fleuries en bordure de parcelles betteravières », explique Sylvie Decaigny, Agro Manager & Sustainability Raw Materials Responsible. La Raffinerie entend ainsi participer à l’amélioration globale de la biodiversité, aux côtés des agriculteurs.

Dans le cadre de ce partenariat, les planteurs ont assuré les semis tandis que le coût des semences a été pris en charge par la sucrerie. Le mélange sélectionné se compose de cinq espèces – phacélie, tournesol, trèfle blanc, vesce et avoine brésilienne – offrant le gîte et le couvert aux insectes et à d’autres animaux sauvages, tels que les oiseaux des champs.

Les bandes fleuries se composent de cinq espèces: tournesol (actuellement visible), phacélie, trèfle blanc, vesce et avoine brésilienne.
Les bandes fleuries se composent de cinq espèces: tournesol (actuellement visible), phacélie, trèfle blanc, vesce et avoine brésilienne. - J.V.

Quant à l’impact de ces semis sur les rendements, aucune inquiétude ! « D’une part, la surface dédiée aux bandes fleuries ne représente qu’une très faible part de la surface betteravière. D’autre part, nous avons privilégié des zones moins productives, comme des coins de champs ou des tournières », rassure-t-elle. En outre, un dédommagement est octroyé aux participants, en compensation de la réduction de la surface cultivée.

… et lutter contre les pucerons

Le projet a également pour objectif de favoriser la biodiversité fonctionnelle. En effet, les moyens de lutte contre les pucerons, vecteur du virus de la jaunisse, s’amenuisent et de nouvelles solutions doivent voir le jour. « En combinaison avec différents autres leviers, la présence d’insectes utiles constitue une clé pour réduire la pression de ravageurs dans les parcelles. »

« Les bandes fleuries sont favorables à l’installation de pollinisateurs, tels des abeilles ou des bourdons, mais aussi de nombreux parasitoïdes et prédateurs de pucerons. Cela peut être des hyménoptères pondant directement dans le corps des pucerons, des coccinelles et leurs larves (dévorant entre 200 et 300 pucerons par jour), des syrphes et leurs larves (montrant le même appétit), des chrysopes… En bref, on y retrouve une multitude d’organismes à préserver », éclaire Louis Hautier, attaché auprès du Centre wallon de recherches agronomiques, partenaire scientifique du projet.

À préserver, mais également à favoriser. « Plus les insectes sont nombreux, meilleur est le contrôle biologique (ou la pollinisation, pour les cultures concernées). De même, plus les espèces sont diversifiées, plus le système est résilient en cas de disparition de l’une ou de l’autre. »

Toutefois, de nombreuses questions demeurent : quelles espèces privilégier et associer pour attirer les parasitoïdes et prédateurs, quand et selon quelle orientation semer les bandes fleuries, quelles sont les espèces composant l’entomofaune présentes, quel est l’impact sur les ravageurs de la betterave… Pour y répondre, le Cra-w effectue un suivi complet des aménagements sur neuf sites. Un échantillonnage de l’entomofaune y est réalisé en vue de procéder à un recensement des insectes présents et d’évaluer les bénéfices pour les betteraves et autres cultures environnantes, ce qui permettra de faire évoluer le projet.

Louis Hautier et son équipe du Cra-w effectuent un suivi complet des bandes fleuries,  notamment en réalisant un échantillonnage de l’entomofaune présente  (ici : par prélèvement actif au filet fauchoir).
Louis Hautier et son équipe du Cra-w effectuent un suivi complet des bandes fleuries, notamment en réalisant un échantillonnage de l’entomofaune présente (ici : par prélèvement actif au filet fauchoir). - J.V.

Un soupçon de communication

La couleur jaune des fleurs de tournesol, actuellement visible, contraste nettement avec le feuillage vert des betteraves sucrières. Sans conteste, l’œil est attiré, et c’est aussi un des objectifs poursuivis par la sucrerie, qui ne s’en cache pas.

« L’image de notre agriculture est souvent malmenée car nos activités sont méconnues du grand public. Ces bandes constituent un outil de communication concret, montrant aux consommateurs que les agriculteurs mettent en œuvre des mesures favorables à la biodiversité », détaille Sylvie Decaigny. Et Guy Paternoster, CEO de la Raffinerie Tirlemontoise, d’ajouter : « Des panneaux explicatifs ont été installés en vue d’expliquer notre démarche commune. Une édition limitée de notre paquet de sucre fin de 1 kg est également commercialisée afin d’attirer l’attention de tout un chacun sur ce projet ».

Des panneaux ont été installés en bordure des bandes fleuries  en vue d’expliquer leurs rôles au grand public.
Des panneaux ont été installés en bordure des bandes fleuries en vue d’expliquer leurs rôles au grand public. - J.V.

De nombreux volontaires

Ce projet pilote est basé sur une expérience similaire menée en Allemagne depuis 2014, par Südzucker. Là, les observations ont montré la présence de 400 à 500 % de biomasse d’insectes en plus par rapport aux champs de betteraves. La population d’oiseaux des champs a aussi fortement augmenté. Sur base de ces constats, la Raffinerie Tirlemontoise entend poursuivre ce programme dans les années à venir.

Un doublement de la surface dédiée aux bandes fleuries est d’ores et déjà annoncé pour la saison prochaine, de même qu’une intensification de la collaboration scientifique. Cela devrait se faire sans difficulté vu la motivation de tous les partenaires. « Les agriculteurs étaient déjà au rendez-vous au printemps dernier, à un point tel que nous n’avons pas pu intégrer tous les volontaires dans le programme », se souvient Mme Decaigny. Voilà qui semble de bon augure pour les semis 2023 !

J. Vandegoor

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