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Suite à la réforme du droit des biens: tout le monde peut-il entrer dans ma prairie?

J’ai appris que le droit des biens a été réformé depuis le 1er septembre. Il semble que tout le monde ait désormais le droit d’accéder à la propriété d’un autre afin de récupérer quelque chose, un ballon par exemple. Cela signifie-t-il qu’on peut désormais entrer dans ma prairie où se trouve mon troupeau ?

Temps de lecture : 4 min

L a loi a en effet été modifiée et ce depuis le 1er septembre. Comme nous l’avons déjà expliqué dans l’édition du 19 août, le nouvel article 3.67 du nouveau Code civil prévoit maintenant trois exceptions au droit de propriété absolu, bien connu jusqu’ici.

Le troisième paragraphe de cet article précise que lorsqu’un fonds n’est ni bâti, ni cultivé, ni clôturé, toute personne a le droit de s’y rendre – pour « y passer, y flâner ou y jouer quelques heures » indiquent, par exemple, les travaux préparatoires ; sauf « si cela engendre un dommage ou nuit au propriétaire » ou « si ce dernier a fait savoir de manière claire que l’accès au fonds est interdit aux tiers sans son autorisation ».

C’est sans doute ce troisième paragraphe qui est l’objet de votre question. Selon nous, il n’y a aucun doute sur le fait que cette nouvelle disposition ne change rien au niveau de l’accès à une prairie. Une prairie étant clôturée, il est clair que la nouvelle possibilité n’est pas d’application.

Pour récupérer quelque chose dans votre prairie, on est a priori obligé de vous demander une autorisation d’accès.

Réaction officielle

Vous n’étiez le seul à vous poser la question. Étant donné l’afflux de questions, le SPF Justice s’est joint à la fédération des notaires et aux experts chargés de la rédaction du nouveau Code civil afin de rectifier certains points. Voici leur point de vue intégral, publié dans les revues juridiques :

« Le texte de l’art. 3.67 du nouveau Code civil est formulé comme suit :

1) Si une chose ou un animal se trouve involontairement sur un immeuble voisin, le propriétaire de cet immeuble doit les restituer ou permettre que le propriétaire de cette chose ou de cet animal vienne les récupérer.

Il est toujours nécessaire d’avoir l’autorisation du propriétaire avant de se rendre sur son terrain pour récupérer un objet ou un animal. Ni des voisins, ni d’autres personnes ne peuvent entrer dans le jardin de quelqu’un sans autorisation.

La nouveauté de cette disposition par rapport à l’ancienne est que désormais, une personne est obligée de restituer une chose ou un animal qui est tombé par inadvertance sur sa propriété. L’ancien Code civil ne précisait pas cette obligation.

2) Le propriétaire d’un immeuble doit, après notification préalable, tolérer que son voisin ait accès à ce bien immeuble si cela est nécessaire pour l’exécution de travaux de construction ou de réparation ou pour réparer ou entretenir la clôture non mitoyenne, sauf si le propriétaire fait valoir des motifs légitimes pour refuser cet accès. Si ce droit est autorisé, il doit être exercé de la manière la moins dommageable pour le voisin. Le propriétaire a droit à une compensation s’il a subi un dommage.

Il s’agit du droit dit « d’échelle ». Toute personne effectuant des travaux de construction ou de réparation qui nécessitent de pénétrer sur le terrain du voisin peut le faire. Il doit en informer son voisin au préalable. Ce dernier peut refuser cet accès s’il a des motifs légitimes. Il appartiendra alors au juge de paix d’évaluer la nécessité et les arguments du voisin qui refuse l’accès.

3) Lorsqu’un immeuble non bâti et non cultivé n’est pas clôturé, quiconque peut s’y rendre, sauf si cela engendre un dommage ou nuit au propriétaire de cette parcelle ou si ce dernier a fait savoir de manière claire que l’accès au fonds est interdit aux tiers sans son autorisation. Celui qui fait usage de cette tolérance ne peut invoquer ni l’article 3.26 ni l’article 3.59.

Cette disposition traite de la tolérance de fait de l’accès lorsqu’un bien immeuble non clôturé est non bâti et non cultivé. Est exclue toute forme de terrain agricole, prairie ou champ (même si le champ n’est pas utilisé cette année-là). Même s’il y a des dommages à la parcelle ou des nuisances, l’accès ne peut être invoqué. Le propriétaire d’une parcelle de terrain non bâti peut en interdire l’accès en installant simplement un panneau ou une clôture.

Les paragraphes modifiés visent à éliminer certaines ambiguïtés et lacunes de l’ancienne législation. Il s’agit de cas exceptionnels dans lesquels le propriétaire a toujours la possibilité de faire valoir son droit de propriété. Il est donc faux de dire que des exceptions extrêmes seront introduites au droit de propriété. »

En bref

Pour une prairie clôturée, il n’y a pas matière à discussion. Les conditions pour s’y rendre n’étant pas remplies, le nouvel article 3.67 du nouveau Code civil ne s’applique pas. La question se pose quand même encore pour le cas des champs en assolement, même après l’explication donnée par le SPF Justice…

Jan Opsommer

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