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Valentine Courtain: «Les femmes sont un peu le moteur d’une exploitation familiale»

À Loupoigne sous le ciel calme tellement clair que les nuages viendraient à son secours, l’automne y rayonne plus fortement dans l’invisible qu’un soleil à son apogée. Lovée au cœur du village, la Ferme de la Goyette, sur les pavés dans la cour, la vie s’y précipite et se maintient, immense. Valentine Courtain nous en a ouvert le chemin, du temps passé et futur.

Temps de lecture : 6 min

Cette jeune femme dynamique et volontaire est le fer de lance de la quatrième génération sur la ferme où ses grands-parents, qui faisaient déjà du beurre, étaient passés d’une exploitation mixte à une spéculation laitière avec des Hosltein et des Jersiaises, une race qui constituera une sorte de fil rouge dans l’histoire de l’exploitation brabançonne.

C’était avant que ses parents n’accroissent encore le cheptel laitier composé de Holstein, Montbéliardes, de Brunes Suisses, bien évidemment de Jersiaises, et développent un troupeau de Blanc-Bleu-Belge pour un total d’environ 300 bêtes.

La Ferme de la Goyette compte également des prairies et des cultures (luzerne, maïs, escourgeon, épeautre, froment, betterave sucrière, chicorée).

Du beurre, de la tarte aux matons, une affaire de femmes

Une exploitation moyenne en Brabant wallon particulièrement bien intégrée dans le village. La preuve en est que les voisins de la famille Courtain viennent chaque année, depuis 2002, leur prêter main-forte à l’occasion des « Journées Fermes Ouvertes » qui constituent « notre plus belle publicité » indique Valentine en précisant que sa famille participe également très régulièrement au concours « Coqs de Cristal » organisé par l’Apaq-w.

Le magasin à la ferme propose des yaourts déclinés en une dizaine de saveurs différentes,  du riz au lait, des crèmes-desserts vanille et chocolat, des quiches  et des tartes al’djote également faites à la ferme.
Le magasin à la ferme propose des yaourts déclinés en une dizaine de saveurs différentes, du riz au lait, des crèmes-desserts vanille et chocolat, des quiches et des tartes al’djote également faites à la ferme. - M-F V.

La Ferme de la Goyette en a d’ailleurs remporté cinq, un pour le beurre, un pour les matons, deux pour la crème glacée aux fraises et un pour la crème glacée au chocolat. Autant de produits qui sont proposés depuis 2002 dans le magasin situé dans l’exploitation.

À ce propos, tout a débuté à la fermeture de la Sucrerie de Genappe où le père de Valentine travaillait comme saisonnier, quand il a fallu trouver une nouvelle source de revenu sur la ferme.

« Ma grand-mère faisait déjà du beurre et ma mère s’est lancée dans la tarte aux matons, l’une des spécialités de Grammont mais aussi de la région toute proche de Soignies dont elle est originaire, et nous avons remporté notre premier Coq de Cristal juste un mois après l’ouverture de notre magasin à la ferme, en juin 2002 » indique Valentine Courtain en précisant que cette récompense a poussé les trois femmes à poursuivre sur leur lancée.

Quelques notes d’Italie dans le comptoir à glaces

Outre ces deux produits phares, la petite boutique propose désormais des yaourts déclinés en une dizaine de saveurs différentes, du riz au lait, des crèmes-desserts vanille et chocolat, des quiches et des tartes al’djote également faites à la ferme, une spécialité de la petite ville voisine de Nivelles.

La Ferme de la Goyette, c’est aussi et surtout les fameuses glaces et leurs 20 parfums différents qui font la fierté de Valentine Courtain dont c’est un peu la chasse gardée.

D’ailleurs, précise-t-elle, « avec le beurre, elles constituent le produit le plus vendu à la ferme ».

Les glaces, chasse-gardée de Valentine Courtain !
Les glaces, chasse-gardée de Valentine Courtain ! - M-F V.

Pour mettre toutes les chances de son côté, elle a non seulement suivi une formation au Cefor à Namur mais aussi en Italie (Bologne et Vicenza), pays de la glace par excellence.

La notoriété des glaces estampillées Ferme de la Goyette a franchi les frontières de Loupoigne puisqu’elles sont vendues dans plusieurs restaurants à Villers-la-Ville, Céroux-Mousty.

« On travaille aussi avec la Ferme du Vallon qui revend surtout les bâtonnets glacés » indique Valentine qui travaille à plein-temps sur la ferme. À côté de la gestion du magasin, elle s’occupe, matin et soir, de la traite.

« Les Jersiaises, si belles et câlines malgré leur gros caractère… »

La famille a traditionnellement toujours été dans l’élevage et très proche de ses bêtes qu’il est « extrêmement important de bien soigner et de bien nourrir si l’on veut faire de bon produits ».

« Pour nous, ce ne sont pas des numéros » déroule Valentine dont le visage s’illumine quand on évoque ses vaches. D’ailleurs, « certaines ont des surnoms » glisse-t-elle en précisant qu’il n’était pas rare que son père « monte sur le dos de quelques-unes d’entre elles juste pour les caresser ».

« La femme dans l’agriculture, ça ne représente rien, tout est toujours au nom du mari,  de l’homme » regrettent en chœur Valentine et sa mère Lucienne qui travaillent  en toute complicité dans le point de vente à la ferme.
« La femme dans l’agriculture, ça ne représente rien, tout est toujours au nom du mari, de l’homme » regrettent en chœur Valentine et sa mère Lucienne qui travaillent en toute complicité dans le point de vente à la ferme. - M-F V.

Les Jersiaises recueillent ses faveurs depuis toujours, elles qui sont « si belles, très amitieuses voire câlines malgré leur gros caractère, car elles sont particulièrement têtues » poursuit-elle en souriant.

Cette race anglo-normande, développe-t-elle, possède en outre l’avantage de produire « un lait crémeux, plutôt sucré, avec un délicat goût de noisette, autant de caractéristiques qui augmentent non seulement son attrait mais aussi son taux de matière grasse et de protéines entrant en ligne de compte pour la fabrication du beurre ».

« Rien n’attire les femmes à Agribex »

Comme de nombreuses agricultrices wallonnes, Valentine se serait rendue à Agribex si le salon était maintenu, un événement qu’elle qualifie d’« un peu trop masculin, surtout pour moi qui suis complètement féministe ».

La remarque fait aussitôt réagir sa mère, Lucienne qui travaille tout en complicité la diversification en produits laitiers avec sa fille.

« La femme dans l’agriculture, ça ne représente rien, tout est toujours au nom du mari, de l’homme » s’exclament-elles en chœur, « alors que c’est la femme qui apporte une plus-value à l’exploitation » ponctue Valentine.

Contrairement à la Foire de Libramont, le Salon Agribex ne met pas en valeur les produits et producteurs locaux. C’est ce que regrettent les deux femmes dont l’exploitation n’est située qu’à quelques kilomètres de Bruxelles.

La famille Courtain a traditionnellement toujours été dans l’élevage  et très proche de ses bêtes qu’il est « extrêmement important de bien soigner  et de bien nourrir si l’on veut faire de bon produits ».
La famille Courtain a traditionnellement toujours été dans l’élevage et très proche de ses bêtes qu’il est « extrêmement important de bien soigner et de bien nourrir si l’on veut faire de bon produits ». - M-F V.

« Pourtant, de plus en plus de fermes se lancent dans la diversification, et c’est réellement dommageable que l’on ne puisse leur offrir un espace suffisant » souffle Valentine.

Si elle ne participe pas à la « Ladie’s Day », Valentine se verrait bien un jour y jouer activement un rôle, elle qui est sensible à « toutes ces femmes qui viennent parler de leur métier… dans un salon où rien n’est fait pour elles ».

Pour elle, ce sont pourtant les femmes qui regardent ce qui se passe autour de leur ferme dont elles sont un peu le moteur.

« Les citadins se nourrissent mieux que les agriculteurs »

Et il est important que les épouses d’agriculteurs aillent se fournir chez leurs collègues et montrent ainsi l’exemple à leurs enfants et famille.

« Nous faisons des produits laitiers, et je vais depuis toujours chercher mes légumes et ma viande chez d’autres producteurs car la qualité est bien meilleure qu’ailleurs, sans compter qu’il est important de s’entraider » avance Lucienne, la mère de Valentine, en déplorant que les agriculteurs ne se nourrissent pas bien.

Une tendance qui est pourtant une étonnante réalité décrite par les deux femmes.

« Ceux qui ne sont pas issus du milieu agricole mangent mieux que certains agriculteurs » avancent-elles d’ailleurs de concert en précisant que ces derniers sont très peu nombreux à franchir les portes de leur magasin à la ferme. Contrairement aux villageois et aux citadins.

Cette situation, elles la regrettent mais entendent bien la faire mentir par leur énergie, vigilance et sens de l’initiative.

Marie-France Vienne

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