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Anticiper le travail constitue la clé de la réussite pour cultiver sans pesticide chimique de synthèse

Durant l’été, Nature & Progrès a organisé diverses rencontres en ferme bio dans le cadre de sa campagne « Vers une Wallonie sans pesticides : nous y croyons ! ». À l’issue des six matinées de rencontre, qui ont rassemblé plus de cent consommateurs, experts et producteurs, l’asbl dresse un premier bilan.

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Des cultures plus traditionnelles comme la pomme de terre, la carotte, l’oignon, le haricot, le petit pois… aux cultures « oubliées » et moins communes sur nos sols telles que le yakon, le choudou, la patate douce et le persil tubéreux : chaque rencontre a permis de découvrir les coulisses de leur production. Les agriculteurs et les experts sont unanimes : la clé de la réussite des cultures est le travail anticipatoire en amont des cultures pour prévenir les menaces. Un défi de taille mais largement relevé par les producteurs visités et dans des cultures classiquement fortement dépendantes en herbicides, fongicides et insecticides en agriculture conventionnelle.

Mieux vaut prévenir que guérir

Plusieurs méthodes à mettre en œuvre en amont de la culture ont été recensées durant les rencontres. Citons les rotations longues et diversifiées pour casser le cycle des ravageurs et des adventices, la technique du faux-semis pour réduire le stock de graines d’adventices du sol juste avant le semis, ou encore la couverture du sol en interculture pour empêcher le développement des adventices entre deux cultures.

Choisir des variétés résistantes

En prévention, le choix des variétés est également crucial : les variétés résistantes aux maladies étaient privilégiées par la majorité des agriculteurs accueillants. La priorité est également donnée aux variétés les plus couvrantes possibles, qui étouffent les adventices avant que celles-ci ne prennent le dessus.

Daniel Ryckmans, responsable des cultures de pommes de terre bio à la Fiwap et les agriculteurs accueillants ont révélé l’importance de choisir des variétés de pommes de terre résistantes au mildiou. Une pomme de terre robuste est considérée comme telle quand elle peut garantir rendement et qualité suffisante dans des conditions peu favorables.

Les traits portés par ces variétés sont donc la résistance aux maladies (et particulièrement le mildiou), la résistance à la sécheresse et à la chaleur, une adaptation à une faible fertilisation, un bon rendement et une qualité au rendez-vous. Grâce aux variétés robustes, plus besoin de fongicides et le recours au cuivre, produit agréé en agriculture bio mais à effet phytotoxique non négligeable sur la faune du sol, est fortement réduit.

Aujourd’hui, une trentaine de variétés robustes de pommes de terre ont été sélectionnées par le Centre wallon de recherches agronomiques qui réalise chaque année depuis 2018, et en collaboration avec la Fiwap et le Carah, des essais MilVar (pour Mildiou-Variétés). Variétés à chair ferme ou à chair tendre pour le marché du frais, variétés à chair farineuse fritable ou à chair farineuse chipsable pour le marché de la transformation : le choix est large et peut être réalisé à l’aide la liste disponible sur le site web de la Fiwap (https ://fiwap.be/wp-content/uploads/2020/12/Liste-varietes-robustes-2021-1.pdf).

Le désherbage manuel, une pratique courante

En second recours, les agriculteurs passent par des moyens curatifs tels que le désherbage mécanique et le désherbage manuel. À ces fins, il existe trois outils principaux : la houe rotative, la herse étrille ainsi que la bineuse. Alors que les deux premiers sont utilisés pour arracher les adventices au stade cotylédon dans l’interligne et dans la ligne, le troisième outil sert dans l’interligne uniquement et cible les indésirables à un stade plus avancé.

Lorsque le désherbage mécanique n’est plus possible au risque de briser les plants en croissance, de longues heures consacrées au désherbage manuel sont indispensables. « À titre d’exemple, on met 20 minutes pour désherber un hectare d’oignons avec un pulvérisateur en agriculture conventionnelle tandis qu’on va mettre 100 heures avec le désherbage manuel en bio », illustre Gilles de Moffarts, un des agriculteurs accueillant et producteur en région namuroise. Des chiffres qui soutiennent l’idée qu’une culture bio nécessite de travailler au plus proche du vivant, au sens propre comme au figuré.

Interventions au cœur et au rythme de la nature

Les visites Commes celle organisées par Nature & Progrès révèlent à quel point une production agricole en phase avec les équilibres naturels exige de la patience, de la flexibilité et la bonne connaissance des cycles de vie des plantes cultivées. La compréhension des cycles de vie des maladies, ravageurs et adventices est également nécessaire pour empêcher efficacement leur installation.

Produire bio, c’est aussi produire au rythme de la nature, comme tout agriculteur l’expérimente chaque année.

Le consommateur a le pouvoir ultime

Tout au long des rencontres, les agriculteurs ont souligné le pouvoir ultime du consommateur au travers de ses actes d’achat dans la voie vers une Wallonie sans pesticides. La part de l’agriculture biologique augmente chaque année en Wallonie et représente aujourd’hui 11,5 % de la surface agricole utile. Pour que le système soit pérenne, la demande doit évoluer au même rythme que l’offre (inutile de rappeler les milliers de tonnes de pommes de terre bio wallonnes non écoulées ce printemps 2021).

« Si l’attrait pour le bio est grandissant au sein de la société, ça ne se traduit pas tellement dans les achats » note Gilles de Moffarts. D’après Biowallonie, la part de consommateurs réguliers de produits bio représente 20 % des ménages ; un pourcentage qui ne garantit pas que les produits bios choisis soient cultivés sur notre territoire.

« Du bio, oui, mais local ! Sans quoi la vision d’une Wallonie sans pesticides ne resterait qu’un mirage », rappelle en guise de conclusion l’asbl.

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