Au cours du XXème siècle, le développement de la pétrochimie a permis l’émergence des fibres synthétiques et leur utilisation dans de nombreux domaines.
À tel point que les fibres végétales ont quasiment disparu de certaines applications, remplacées par leurs équivalents synthétiques, souvent moins chers, et plus facilement « industrialisables ».
Au niveau du textile, les fibres synthétiques (difficilement recyclables) représentent environ 65 % du marché contre 28 % pour les naturelles, les fibres cellulosiques comme la viscose tournent autour de 7 %.
Le lin, une culture adaptée à la Belgique
Le lin ne représente quant à lui que 0,4 %, ce qui signifie tout de même 400.000 tonnes de fibres. Il faut savoir que le marché mondial du textile pèse quelque 105 millions de tonnes.
Cela fait quelques années que l’engouement pour cette plante s’accélère. Sa culture est particulièrement adaptée aux conditions pédoclimatiques du nord-ouest de la France, de la Belgique et des Pays-Bas. Entre 2010 et 2021, le nombre d’hectares qui lui sont dédiés a tout simplement doublé sous ces latitudes.
En 2020, les superficies cultivées en lin dans ces trois bassins de production représentaient environ 150.000 hectares, soit 80 % de la production mondiale.
Si en l’espace de dix ans le nombre d’hectares dédiés à cette culture s’est envolé, encore faut-il avoir suffisamment de machines pour les récolter, sachant que les montants pour ce faire grimpent à trois millions € pour chaque hectare supplémentaire. Sans compter qu’il faut également être à même de transformer la matière.
Pour rencontrer ce nouvel engouement, la coopérative de lin du Neubourg vient par exemple d’inaugurer à Crosville-la-Vieille (Normandie) une nouvelle unité de teillage. Un investissement de treize millions €.
Cela s’ajoute aux quatre lignes existantes, ce qui leur permettra de transformer jusqu’à 65.000 tonnes de pailles de lin au lieu de 35.000 à 40.000 tonnes aujourd’hui.
Les fibres courtes, elles aussi, sont valorisées
Le lin fibre, nous apprend Valbiom, est la plante à fibres la plus cultivée en Belgique. Elle s’épanouit sur des terres limoneuses, profondes et bien structurées.
Comme son nom l’indique, le lin fibre est uniquement cultivé pour sa fibre tandis que le lin oléagineux est sélectionné pour la production de graines.
Cette plante peut atteindre 0,8 à 1,2 m de haut et a un diamètre de 1 à 2 millimètres. Afin d’éviter tout risque d’épuisement des sols et de prolifération des maladies, le lin fibre est implanté tous les 6 à 7 ans. Historiquement, il est cultivé pour la production de fibres longues pour des applications textiles.
La fibre de lin peut également être utilisée dans d’autres secteurs, notamment la production de non-tissés ou de fibres continues pour le marché des composites.
ll faut savoir qu’un hectare de lin donne 20.000 kilomètres de fil, soit 22.000 chemises.
Les fibres longues partent à l’export, à destination de l’industrie textile, à 72 % en Chine.
Dans le lin, comme dans le cochon, tout est bon. Les fibres courtes sont valorisées vers les marchés de l’automobile, de la papeterie et de la fabrication de billets, entre autres. Les anas de lin trouvent leur utilisation dans la fabrication de panneaux d’agglomérés ou les litières.
La matière a bien évolué ces dernières années. On parle de « lin lavé », un tissu qui a subi plusieurs étapes de lavage avec l’ajout de différents adoucissants écologiques. Ce processus de lavages maîtrisés, appelé « décatissage du lin » lui confère un aspect beaucoup moins rugueux qu’à l’initial.
Le chanvre, une culture ancestrale
S’il constitue encore un débouché très minoritaire en Europe, le chanvre est quant à lui très présent en Chine où il est cultivé sur 65.400ha dont 30 % de cette superficie sont utilisés pour le textile.
Cette plante a été déclinée sous de nombreuses formes dès les premières civilisations en Asie, au Moyen-Orient et en Chine. On y a découvert des matériaux fabriqués à partir de chanvre dans des tombes datant de 8000 ans avant notre ère.
Le chanvre est une plante dont la taille varie de 90cm à 5m de haut selon la variété, le climat et le type de sol. Elle possède une racine pivotante et un système radiculaire très développé.
Le chanvre industriel est cultivé pour ses graines ou sa paille en vue d’extraire les fibres. Celles-ci sont utilisées pour la confection de textile, comme fibres de renfort dans des matériaux composites, pour la production de papier ou pour la fabrication d’isolants.
Les variétés légales ont une faible teneur en THC, inférieur à 0,2 %.
Comme toutes les cultures de printemps, le chanvre permet une rupture dans les assolements à base de cultures d’automne et limite la reproduction des adventices.
En bio comme en conventionnel, le chanvre est peu sensible aux maladies et aux insectes. Il n’a besoin d’aucun fongicide ou insecticide. Si la levée se passe dans de bonnes conditions, c’est une plante étouffante qui ne nécessite aucun désherbage (ni chimique, ni mécanique).
Cette culture a également l’avantage de résister à des extrêmes climatiques au niveau de l’eau.
Le « béton de chanvre », une application originale
C’est encore assez méconnu et confidentiel, mais l’on peut en outre intégrer du chanvre dans des bâtiments allant jusqu’à huit étages. On parle de « béton de chanvre », issu de la chènevotte, sorte de gaine qui entoure la fibre et qui représente 44 % du poids de la plante.
Chez nos voisins français, un important programme de construction d’immeubles de quatre à cinq étages à Nantes intégrant du chanvre est prévu, même si l’absence de publication des nouvelles règles rend sa réalisation compliquée pour l’instant.
Le marché potentiel serait de 20.000 maisons en France. Le béton de chanvre a encore quelques tests de résistance au feu à passer, après bien d’autres franchis ces dernières années.
Le lin et le chanvre, deux fibres complémentaires et vertueuses
En Wallonie, c’est Valbiom qui est chargé de concrétiser et d’opérationnaliser la production et la mise sur le marché de produits textiles en fibres végétales locales.
Concernant le chanvre, le but est de faire émerger durablement une filière textile wallonne, locale et biosourcée.
Et ça bouge chez nous où des teilleurs de lin se sont ouverts au
Un liniculteur wallon séduit par le chanvre
M. Marchandisse est déjà un acteur incontournable dans le secteur du lin en Belgique. C’est l’un des fondateurs du groupe « Linen Partners », actif sur tout le territoire des Hauts de France, de la Normandie et de la Wallonie. Il met en relation les producteurs, les négociants et les transformateurs de lin sur tout le territoire.
Outre la société « Teillage Marchandisse & Fils », « Linen Partners » regroupe trois autres teillages : la coopérative de teillage du Vert Galant à Saint-André-sur-Cailly (Rouen), la Sca Lin 2000 à Grandvilliers (Amiens) et la Société Coopérative Agricole Linière du Nord de Caen.
Les partenaires traitent environ 1.500ha et travaillent également à façon pour ceux qui mettent du lin sans posséder l’outil de transformation. L’usine tourne cinq jours sur sept et de 10 mois à 10 mois et demi par an, et ce sont environ 13.000 tonnes de fibres longues qui sont produites par an.
Partenariat avec Valbiom
Concernant sa nouvelle activité au niveau de la culture de chanvre, Gilles Marchandisse a noué un partenariat avec Valbiom qui mène depuis 2020 des essais pour produire des fibres longues de chanvre afin d’alimenter le secteur textile. Trois hectares de chanvre textile ont ainsi été semés chez lui en 2022 tandis qu’un essai variétal était mené à Bousval.
En tout, ce sont environ 18 tonnes de paille qui sortiront de ces essais et seront traitées sur des installations industrielles. Outre son partenariat avec Gilles Marchandisse, ValBiom s’est associé à la société Agrimat et la Filature Safilin pour transformer les pailles en fibres.
Un hectare de chanvre produit en 2022 attend d’être filé, ce qui devrait donner quelques milliers de mètres carrés de tissu en 100 % chanvre wallon. Une première.
Avancée au niveau de la mécanisation de la récolte