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A Charneux: la génomique pour élever un cheptel qui vieillit mieux

Nous sommes allés à la rencontre de Pascal Jennes et de son épouse Christel Levaux, tous deux éleveurs laitiers à Charneux, dans le Pays de Herve. Amateur de bonne génétique, le couple s’est tourné il y a trois ans vers le génotypage de toutes leurs femelles. L’objectif ? N’élever que les bonnes laitières pour avoir un cheptel de meilleure qualité. Le pari à peine lancé et peut-être déjà en passe d’être gagné !

Temps de lecture : 7 min

C’est à Faweux, dans l’entité de Charneux que Pascal et Christel exploitent la ferme familiale qui compte aujourd’hui quelque 85ha, une centaine de laitières pour près d’1million de litres produit. Une belle évolution pour l’exploitation en une dizaine d’années. En effet, C’est en 2010, que Pascal reprend la moitié de l’exploitation de son beau-père. Le menuisier de formation a toujours aidé à la ferme, que ce soit chez son oncle étant jeune ou chez son beau-père… La menuiserie ne l’intéressant plus, il propose une association à sa belle-famille. « Mon père n’a pas dit non ! », sourit Christel qui travaillait aussi à l’époque à l’extérieur. « J’ai toujours eu dans l’idée de reprendre la ferme… mais en tant que femme, je n’arrivais pas à me projeter à la tête de la structure. Ça ne me semblait alors pas possible ! À ce moment-là mes parents ne me poussaient pas non plus à la reprise… Ils étaient encore trop jeunes pour arrêter », admet-elle.

Deux visions différentes pour un objectif commun : la rentabilité

« J’ai dû suivre deux ans de cours pour pouvoir reprendre, et Christel m’a suivi », se souvient Pascal. « Pour elle, la formation avait aussi du sens, ne fût-ce que pour l’obtention des aides… »

« Mes beaux-parents avaient une soixantaine d’hectares pour une soixantaine de laitières de bonne génétique ». Ils ont commencé à augmenter le troupeau avec mon arrivée prochaine, toujours par insémination. Aucun taureau de rattrapage ! En termes de sélection, beau-père et beau-fils n’ont pas la même vision. Pascal se souvient : « Il voulait des petits veaux pour des vêlages faciles, je voulais des beaux grands veaux, issus de taureaux améliorateurs que ce soit en production laitière mais aussi en taux… On n’était pas du même chemin, mais on cherchait le même port ! »

Une étable pour jeunes bêtes et une salle de traite

Une fois sur l’exploitation, Pascal construit une étable pour jeunes bêtes pour libérer les anciens bâtiments et y construire leur foyer. Le cheptel augmente et la famille arrive à traire rapidement une centaine de vaches.

C’est en 2013 qu’ils investissent dans une nouvelle salle de traite, passant d’une 2x4 à une 2x8 en épi. S’ensuit la modification de l’étable des laitières pour accueillir 120 individus. « Nous avons de la place pour 120 vaches, nous n’en voulons pas plus. Pour la rentabilité, comme la place est relativement limitée, l’idée n’était pas de pousser les murs mais bien d’augmenter le potentiel laitier des animaux. La sélection génétique suit donc son cours, bien aidée par le conseiller d’exploitation.

Pour le couple, rien ne vaut la simplicité des équipements et le contact avec leurs animaux. « Nous sommes partis sur une transformation de l’existant et à la recherche d’autres terrains pour atteindre aujourd’hui quelque 85 ha, dont 9 dédiés à la culture du maïs. »

L’exploitation a la chance de pouvoir compter ses terres autour de la ferme. « Au total, près de 30 ha sont dédiés au pâturage. Les 8 prairies qui jouxtent les bâtiments sont toutes subdivisées en trois-quatre parcelles. À la belle saison, les vaches pâturent au fil, soit une nouvelle parcelle tous les jours. Le pâturage tournant fonctionne plutôt bien », explique Pascal.

En 2016, Christel rejoint son mari sur la ferme en reprenant les parts de son père. À cette époque, la production moyenne par vache avoisine les 7.200 l.

Ce n’est que deux ans plus tard que Pascal entend parler de la génomique. Une discipline qui lui permet d’entrevoir différemment tout le potentiel de leur cheptel. Lui et son épouse pourraient ainsi élever de meilleures vaches tout en réduisant leur cheptel de renouvellement. « Il faut dire qu’il n’y a pas encore si longtemps, l’étable à génisses était tout le temps pleine, soit 60 jeunes bêtes en permanence. »

Avec la génomique, tous les individus reçoivent une prédiction, une cote globale, avant leur 4e mois de vie sur base d’une analyse d’un échantillon ADN. Celle-ci sera réévaluée lors d’une classification deux mois après vêlage (avant une nouvelle insémination).
Avec la génomique, tous les individus reçoivent une prédiction, une cote globale, avant leur 4e mois de vie sur base d’une analyse d’un échantillon ADN. Celle-ci sera réévaluée lors d’une classification deux mois après vêlage (avant une nouvelle insémination). - P-Y L.

La génomique pour réduire le taux de renouvellement

Et s’il y a un poste sur lequel de nombreuses exploitations laitières peuvent améliorer leur rentabilité, c’est bien sûr celui du taux de renouvellement.

Son raisonnement : élever une jeune bête coûte assez cher ! Qu’elle soit bonne ou mauvaise, c’est le même prix… Autant n’élever que des bonnes ! Et d’enchérir : « Nous partions déjà sur de bonnes bases. La génétique était là. L’arrivée de la génomique nous a permis de prendre la balle au bond et d’accélérer cette démarche d’amélioration du cheptel. C’est un investissement limité qui nous assure une meilleure rentabilité. »

En 2020, suite à une cessation d’activité d’un voisin, le couple achète une vingtaine de laitières ainsi qu’une dizaine de génisses de haute valeur génétique pour améliorer encore le potentiel du troupeau. « Cela nous permettait d’avancer encore plus vite dans la génétique ! » L’éleveur peut se permettre de réformer plus rapidement les vaches à problèmes : les mammiteuses, les boiteuses, celles qui ne sont pas facilement gestantes… « Nous avons fait un gros tri et nous continuons à le faire à allure plus modérée. » Le nombre d’animaux pour le renouvellement a déjà été réduit. « Nous élevons encore une quarantaine de génisses mais l’objectif à terme serait de parvenir à ne pas dépasser les 30-35 individus. Nous pourrions ainsi produire plus de veaux croisés à vendre à un meilleur prix ! »

Et en termes de reproduction, l’exploitation tourne bien. Pascal a l’œil et ne désire d’ailleurs aucune autre aide, quelle qu’elle soit. « En termes de suivi repro, je n’ai pas à me plaindre. Je suis entre 380 et 390 jours d’Intervalle vêlages en moyenne par vache ; l’âge au premier vêlage moyen se situe entre 24 et 25 mois, ce qui signifie une insémination des génisses à 16 mois… Notre base de travail est solide. »

Christel : « Nous inséminons les moins bonnes bêtes avec du bleu, nous gardons les doses sexées pour nos meilleures bêtes et leur suite. Avec la génomique, en sélectionnant sur des critères liés à la fertilité, nous pouvons encore améliorer encore notre intervalle vêlage. » Son mari : « Au plus j’avance dans la sélection, au plus je peux trier quelles vaches garder. Quand j’aurai du mal à trier mes bêtes, le pari sera gagné ! »

Le couple élève encore une quarantaine de génisses pour le renouvellement  mais l’objectif à terme serait de parvenir à ne pas dépasser les 30 individus.
Le couple élève encore une quarantaine de génisses pour le renouvellement mais l’objectif à terme serait de parvenir à ne pas dépasser les 30 individus. - P-Y L.

Le génotypage de toutes les femelles

Quand on fait de la génétique, on améliore certains critères de nos animaux mais se doit de gommer également certaines faiblesses. Avec la génomique, tous les individus reçoivent une prédiction, une cote globale, avant leur 4e mois de vie sur base d’une analyse d’un échantillon ADN. Celle-ci sera réévaluée lors d’une classification deux mois après vêlage (avant une nouvelle insémination). C’est là que le binôme inséminateur – conseiller joue un rôle prépondérant. « En fonction des objectifs que nous nous sommes fixés, on nous propose toujours le taureau qui serait le plus adapté pour chaque bête de sorte de pouvoir rectifier leurs défauts », insiste Pascal.

« Celles qui ont une cote globale un peu trop basse ? Soit je leur mets une dose blanc-bleu, soit elles quittent l’exploitation. »

Pour trouver un optimum économique, l’idée est aussi de pouvoir faire vieillir nos vaches… En trois ans, Pascal voit clairement une amélioration nette de son troupeau. Et depuis que le couple travaille ensemble sur la ferme, il a vu sa production moyenne par vache augmenter de quelque 2.300 l. « Notre objectif ? Maintenir ce niveau de production. Si nos pratiques nous permettent de traire davantage, pourquoi pas… Mais nous sommes plutôt dans une logique de stabilisation. » En 2020, c’était la première fois que le couple dépassait le seuil du million de litres produit. À voir ce que l’avenir leur réserve…

Propos recueillis par P-Y L.

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