Dans le cadre du programme de gestion durable de l’azote (PGDA d’application depuis le 15 juin 2014), tout agriculteur situé en zone vulnérable est contraint de couvrir avant le 15 septembre au minimum 90 % des superficies de l’exploitation destinées à recevoir une culture implantée après le 1er janvier. Le couvert peut contenir jusqu’à maximum 50 % de légumineuses en poids des semences.
Dans ce contexte, bon nombre d’agriculteurs peuvent se montrer intéressés par la valorisation de ce couvert comme fourrage pour alimenter le bétail de l’exploitation. En effet, après une première expérience positive menée par l’Ucl-ELIa durant 4 ans portant sur la valorisation de couverts fourragers récoltés à l’automne, d’autres essais (en 2014 et 2015 dans le cadre d’un partenariat UCL- ELIa, membre scientifique de Nitrawal, et le Cipf) ont été mis en place avec comme objectif de maintenir le sol couvert durant la période hivernale tout en profitant de la récolte d’un fourrage supplémentaire avant l’implantation du maïs.
Quel genre de mélange est intéressant ?
Le semis de différents mélanges composés de légumineuses et de graminées passant l’hiver fut testé en 2014 par l’Ucl-ELIa. Ces semis sont réalisés comme pour la plupart des cultures intermédiaires pièges à nitrate (Cipan) classiques, fin août – début septembre.
Les mélanges d’espèces implantées ainsi que leurs proportions respectives sont repris dans le tableau 1.
Le rendement affiché par certains couverts, récoltés début mai, est relativement élevé. C’est notamment le cas pour le ray-grass italien, particulièrement développé, et associé au trèfle incarnat (dominé) qui produit plus de 6 tonnes de matière sèche par hectare. Le mélange à base de seigle fourrager et de plusieurs espèces de légumineuses (mélange 7) est très productif également et proche des 5 tonnes de matière sèche par hectare. Ce mélange riche en légumineuses (41 % de la MS) est aussi mieux équilibré en protéines que le RGI qui, lui, est particulièrement pauvre en protéine, montrant qu’il a souffert d’un manque d’azote notamment lié à l’absence de légumineuse (1 % de la MS).
Les autres mélanges se limitent à une production de 2 à 3 tonnes de matière sèche par hectare, plus conforme à ce qui a été mesuré dans ce type de production d’interculture fourragère.
Des mesures de biomasse ont également été réalisées sur les couverts de moutardes et phacélies. Si les phacélies ont été préservées par les conditions hivernales clémentes, les moutardes étaient en complète sénescence.
Évolution du rendement cumulé du couvert fourrager et du maïs
Les rendements respectifs des récoltes des couverts fourragers et de la culture de maïs qui leur succède ont été traduits en production de KVEM/ha et de MAT/ha.
Dans le cadre de cet essai situé en région limoneuse (Malèves-Sainte-Marie), les couverts hivernaux à vocation fourragère ont eu un impact relativement intéressant pour une production de fourrage complémentaire récolté au printemps 2015 avant l’implantation du maïs.
La production énergétique la plus importante est obtenue pour le mélange ray-grass italien + trèfle incarnat avec plus de 6.000 KVEM/ha. Le mélange composé de seigle fourrager et de légumineuses se comporte très bien avec plus de 4.000 KVEM/ha. Les autres couverts se situent autour des 3.000 KVEM/ha. Le mélange avoine brésilienne associée à la vesce velue déçoit avec une production inférieure à 2.000 KVEM/ha.
Intérêt économique de la démarche ?
Si l’on estime la valeur d’un KVEM/ha à 0,15 euro, les meilleurs mélanges tels que l’association du seigle fourrager au pois d’hiver, à la vesce et à la féverole ou encore que le ray-grass italien associé au trèfle incarnat procureraient un boni de l’ordre de 825 €/ha soit l’équivalent de 5.500 KVEM/ha.
Si on estime que les frais d’implantation se chiffrent à 120 €/ha (semis + semences) ; que les frais de récolte s’élèvent selon le type de récolte à 220 €/ha (ensilage+silo), 250 €/ha (enrubannage), et que les frais de manutention ou de transport sont fixés à 50 €, le gain financier est de l’ordre de 200 €/ha. En cas d’obligation de couverture, ce gain est à mettre en balance avec un coût estimé à 50 à 70 €/ha pour implanter une moutarde.
Le gain financier n’est pas nécessairement l’argument premier. En effet, l’implantation de ce type de cipan assure un complément de fourrage en fin de saison intéressant lorsque la production a été déficitaire en début d’année (sécheresse…). De plus, cela permet le maintien d’APL conformes comme le démontre le paragraphe suivant.
Mesure des reliquats azotés avant et après maïs
Au printemps, les profils sont particulièrement bien épuisés (figure 2) par la valorisation et la production importante de la biomasse des couverts. En cas d’exportation des couverts, cette situation nécessite une fertilisation renforcée en azote et en potasse avant l’implantation du maïs.
Les teneurs en nitrates des profils post-culturaux mesurés fin octobre après récolte du maïs restent très modérées avec une teneur moyenne de 15-20 kg/ha N-NO3 – comparativement au seuil d’intervention fixé à pareille époque qui se situe à 90 kg/ha N-NO3 – en moyenne pour 2015.
Compromis entre récolte du couvert et rendement du maïs
Même si la récolte du couvert au printemps semble particulièrement intéressante économiquement, il faut néanmoins raisonner cette récolte de fourrage d’appoint dans un objectif de production optimale du maïs et donc veiller à ne pas épuiser trop tôt les réserves hydriques du sol au printemps. Pour ce faire, il faudra privilégier une récolte des mélanges fourragers suffisamment tôt (fin avril/début mai) parfois au détriment du rendement final de ceux-ci.
La récolte des couverts et les opérations de fumure et de travail de sol avant semis du maïs sont également à prendre en compte à une période où les travaux des champs se bousculent.
Enfin, le surcoût d’une fertilisation renforcée doit également être pris en compte dans le calcul final de rentabilité.
Informations complémentaires : www.uclouvain.be/460887.html ; www.cipf.be ; www.centrepilotemais.be
JFr. Oost, G. Foucart
, Cipf; ;
M. De Toffoli et O. Imbrecht
, Ucl-ELIa.