Le désherbage mécanique du froment, à l’étude

En culture de froment, la lutte mécanique contre les mauvaises herbes est expérimentée par les équipes du Centre wallon de recherches agronomiques et de Gembloux Agro-Bio Tech – ULg. Cet article dresse la synthèse de leurs recommandations adaptées au contexte de la Wallonie.

Dans le cadre de cette céréale, la réduction des besoins en herbicides passe d’abord par l’adoption d’actions préventives sur la parcelle : rotation, travail du sol, décalage de la date de semis, déchaumage à effet « faux semis » si le précédent cultural le permet, etc.

Ces techniques visent à perturber le développement des adventices en brisant la « routine agronomique » de la parcelle.

Mais ces leviers agronomiques sont généralement insuffisants. Pour éviter le recours aux herbicides ou du moins réduire leur usage, il est donc nécessaire de mettre en œuvre des interventions mécaniques, dont l’efficacité dépendra fortement de l’état du sol, de la météo, du matériel choisi et des réglages.

Quand intervenir ? Une question de sol, de météo et de développement racinaire

Afin de faciliter la pénétration des outils et éviter tout lissage, le sol doit être suffisamment ressuyé au moment de l’intervention mécanique.

Si l’état du sol est important, la météo conditionne également la réussite du désherbage. Il doit faire sec le jour du passage et les deux jours suivants pour limiter le repiquage des adventices. Certaines années, ces conditions ne sont jamais rencontrées.

Les plages d’intervention doivent, de plus, coïncider avec les stades de développement des adventices, de la culture et des outils disponibles. En effet, pour être efficace, il faut intervenir dès que possible, sur des adventices jeunes aux racines peu développées. En fonction du matériel disponible, les plages d’intervention peuvent néanmoins différer (lire ci-après).

Quels outils et pour quelles plages d’intervention ?

Différents outils sont testés : la bineuse, la herse étrille, la houe rotative et la roto-étrille, nouvelle venue dans le domaine du désherbage mécanique. Chacun de ces outils possède des propriétés bien particulières.

L’outil le plus agressif est la bineuse. Celle-ci permet d’intervenir uniquement dans l’interligne sur une flore plus développée, jusqu’au stade 6 feuilles des adventices. La bineuse est le seul équipement capable d’offrir une certaine efficacité contre les vivaces et les graminées, grâce à son action de déchaussement et surtout de découpage.

Le binage du froment implique un écartement entre les lignes de semis d’au moins 20 cm afin de pouvoir réaliser des passages au-delà du stade de début montaison des plantes sans risque de porter atteinte à celles-ci et en particulier à leur enracinement.

L’outil le moins agressif est la houe rotative. Elle travaille en plein et est efficace sur les adventices dès le stade filament blanc jusqu’au stade cotylédons (maximum 1-2 feuilles pour certaines dicotylées). Elle est utile pour un premier passage lorsque le sol a été battu par les pluies. Son action permet de casser la « croûte dure » qui a pu se former.

La herse étrille et la roto-étrille travaillent en plein également. Elles sont efficaces jusqu’au stade deux feuilles des adventices. La herse étrille peut, en outre, être utilisée en prélevée.

Outils et nombre de passages : quelques recommandations

La gestion de ce désherbage mécanique dépend du contexte pédoclimatique et de l’année.

Le principe consiste à réaliser un passage de désherbage en plein, dès que possible et sur des adventices peu développées, suivi d’un ou deux passages plus agressifs à 10-15 jours d’intervalle. Plusieurs passages sont nécessaires car le travail du sol lors de l’intervention favorise la germination de nouvelles adventices qu’il faudra également détruire. Les passages successifs ciblent donc les levées en cours de saison et les adventices qui auraient réchappé au premier passage.

Idéalement – mais ce n’est pas toujours possible –, au moins un des passages devrait pouvoir être effectué perpendiculairement aux lignes de semis avec la herse étrille pour tenter d’éliminer les adventices présentes entre les plantules de froment.

En céréales d’hiver, la date de la première intervention dépend largement de la date de semis. Pour un semis d’escourgeon ou de froment très précoce, elle pourrait se positionner à l’automne, dès que la céréale a atteint le stade 3 feuilles, mais il faut que les conditions climatiques soient réunies.

Pour les semis réalisés à partir de la mi-octobre, il faut attendre le ressuyage complet des terres au printemps. Dans la situation de sols gorgés, le risque est que ceux-ci mettent du temps à se ressuyer et que les adventices soient trop développées suite à l’absence d’hiver pour pouvoir être déracinées par les dents de la herse. Les semis tardifs se prêtent mieux au désherbage mécanique, les adventices étant pour la plupart à des stades très jeunes ou en cours de levée à ce moment.

En matière d’efficacité, on observe qu’avec trois passages, la herse étrille permet de maintenir, à tout le moins, les adventices à leur population initiale, voire à réduire significativement leur nombre, sur des parcelles peu infestées. Les résultats varient en fonction de la flore présente. Ils sont très nets sur les populations de matricaires, jusqu’à 95 % cumulés de réduction du nombre d’individus par m², mais moins marqués pour le vulpin (17 % cumulés de réduction). On observe toutefois une diminution de près de la moitié du nombre d’épis au m² pour ce dernier.

Les résultats du Centre wallon de recherches agronomiques en culture biologique pointent en outre l’intérêt de passer successivement avec des outils différents. La herse étrille est l’outil le plus efficace lors du premier passage. Lors des passages suivants, c’est la bineuse qui présente une efficacité plus élevée, celle-ci constitue cependant un investissement plus onéreux en matériel et en main-d’œuvre, en lien avec son plus faible rendement chantier.

Impacts sur les plantes cultivées

Les résultats en termes de rendement divergent selon les essais. Pour trois passages à la herse étrille, le rendement du froment n’a pas souffert comparativement au désherbage chimique, dans les essais mis en œuvre par GxABT-ULg. Les équipes du Cra-w ont, quant à elles, observé une réduction de rendement aux alentours des 5-7 % pour les parcelles gérées à la herse par rapport à la bineuse (4 passages).

Faut-il choisir une parcelle en particulier pour tester la technique ?

Au cours des essais, le désherbage mécanique s’est montré particulièrement efficace sur des parcelles peu infestées. Il pourrait dès lors être plutôt considéré comme un levier agronomique supplémentaire pour la gestion des adventices, au même titre que les rotations, les faux-semis, etc. C’est la combinaison de ces leviers qui assure la réussite de la stratégie de gestion des adventices.

Par ailleurs, l’écartement entre les lignes de semis conditionne aussi les possibilités techniques. Les herses sont utilisables avec tous les écartements possibles. À l’inverse, un trop faible écartement (moins de 20 cm) rend les binages difficiles surtout lorsque les passages doivent être répétés.

Quelques dernières précautions pour le réglage

Les céréales d’hiver, à partir du stade trois feuilles, résistent bien au passage d’outils mécaniques. L’agressivité du matériel doit être réglée en fonction de la dureté du sol, du stade de développement des adventices et de la vulnérabilité de la céréale. Les dents d’une herse ne sont pas efficaces si elles ne font que « griffer » le sol. À l’inverse, si elles interviennent trop profondément, les dents à l’avant du support peuvent creuser des sillons dans lesquels les dents des rangées suivantes s’engouffrent, réduisant par conséquent, la surface de travail de l’outil.

Les hersages, même soignés, arrachent toujours quelques pieds de la culture mais, la plupart du temps, cette destruction est négligeable car inférieure à 10 %. Les réglages sont réalisés en observant les dégâts sur la culture et surtout, l’efficacité sur les adventices.

En fin d’hiver, le hersage peut briser la croûte superficielle sur certaines terres, ce qui améliore l’aération du sol et favorise le redémarrage de la culture.

Des précautions doivent cependant être prises sur certains types de sol. Sur limons battants par exemple, certains techniciens recommandent l’usage de la houe rotative, qui permet d’arracher les plantules en surface et de rasseoir le sol en dessous. Une attention particulière doit également être portée sur les terres soufflées, sur lesquelles le risque de déchaussement des plants de céréales est plus important.

D’après Protect’eau,

en collaboration avec GxABT-ULg

et le Cra-w

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