Accueil Ovins, caprins

Bergerie d’Acremont: travailler son autonomie pour gagner en qualité de vie et en indépendance financière

Pour leur deuxième participation aux Coqs de cristal, Peter et Barbara (Bergerie d’Acremont) se voient récompensés pour leur yaourt nature au lait de brebis entier. Un prix qui conforte ces deux artisans paysans à pousser les fermiers à valoriser leur or blanc.

Temps de lecture : 7 min

P our Peter De Cock, les produits laitiers, c’est bien plus qu’une passion, c’est une véritable histoire d’amour et un militantisme quotidien. Expert fromager de formation, il quittera sa Flandre natale pour s’installer dans le coin de Bertrix en 1999. De quelques moutons laitiers belges – une race en voie de disparition –, il se lance dans la transformation fromagère pour agrandir son cheptel et pratiquer le circuit court ! Et c’est en 2006, sur un marché qu’il rencontre Barbara venue lui acheter ses yaourts (justement primés). Elle le rejoindra ensuite sur son exploitation avant de devenir son épouse. À ce souvenir, Peter sourit : « Je dis souvent à mes collègues célibataires : faites de la vente directe ! À travers vos produits, vous vendez votre âme, votre passion. Certains clients sont clairement réceptifs. À travers la vente directe, vous attirez des clients sensibles à vos valeurs ! »

Privilégier

l’autonomie alimentaire

Et si la réputation des fromages de Peter et Barbara n’est plus à faire, le couple n’a eu de cesse de développer des projets et leur exploitation. « Depuis quelques années, on est passé à la double traite. On a travaillé la sélection de nos brebis sur les pis. Cette année, on a trait 62.000 litres de lait, c’est le double d’il y a cinq ans. Sur cette période, la production annuelle par brebis est passée de 220 l à 300 l de lait. » Une évolution qui s’explique notamment par l’acquisition de terrain. S’ils exploitaient une douzaine d’hectares en 2013, Terre-en-vue leur a déjà permis d’en disposer de 4 autres. Une nouvelle acquisition de 5 autres hectares devrait permettre aux exploitants de travailler sur près de vingt hectares.

« Nous n’avons pas voulu agrandir davantage notre cheptel mais bien travailler sur la production de l’alimentation du bétail. Si on a davantage d’autonomie en foin, on travaille celle en céréales petit à petit. On en a produit une vingtaine de tonnes pour les brebis, soit un quart de ce dont on a besoin en céréales. On ne sera jamais complètement autonome, mais cela nous permet de diminuer les achats extérieurs ! D’autant qu’en bio, les coûts sont relativement élevés. »

Peter estime toutefois que pour compléter le cycle de l’alimentation de ces moutons, il aurait besoin de 5 ha supplémentaires.

Avec ces locations à Terre-en-vue, le couple doit respecter un bail agroécologique. L’objectif de cette association ? Que la terre agricole redevienne un bien commun et permettre à des porteurs de projet d’y accéder. Et cela reste pour eux une réelle liberté financière.

Une qualité de vie améliorée

Pour Peter et Barbara, disposer de davantage de terres pour l’alimentation du bétail leur fait gagner en qualité de vie. Avec l’augmentation de la production, ils ont pu engager un ouvrier agricole. « Nous n’avons pas voulu investir massivement dans du matériel… ce qui nous permet de nous octroyer 4 semaines de congé par an. Comme tous les agriculteurs, nous bossons 7jours sur 7. Sortir de la ferme, c’est essentiel pour souffler en famille ! »

La faucheuse-autochargeuse, cet investissement gagnant

Il y a trois ans, Peter et Barbara ont investi dans une faucheuse autochargeuse qui permet de donner aux brebis un mélange frais de luzerne – ray-grass – trèfle blanc. « Comme nous n’avons pas de tracteur, c’est notre entrepreneur qui fauche quotidiennement 20 m³ de mélange fourrager sur nos prairies durant la bonne saison… Nous achetons donc moins d’intrants – la luzerne remplace le lin – et l’herbe fraîche permet de produire davantage de lait… Ne réalisant pas d’ensilage, on ne rencontre aucun problème lié aux butyriques, listeria. »

« Autre avantage, je ne paie que les jours où l’entrepreneur vient avec son tracteur, le reste l’année, je n’ai pas de machine à rembourser. »

« En outre, durant le pic de production, nous pouvons consacrer le plus de temps possible aux activités qui amènent une vraie valeur ajoutée à notre travail », explique Peter.

Et pour s’outiller d’une telle machine, des recherches furent nécessaires! «  Nous sommes les premiers à avoir importé une telle machine chez nous. Et cela nous a sauvé pendant la sécheresse. Grâce à l’enracinement profond de la luzerne, on a pu affourager quotidiennement nos 230 brebis avec un seul hectare de cette culture ! Comme l’herbe est propre – ni piétinement, ni salissement –, l’entièreté de la parcelle a été fauchée. La rentabilité du terrain est alors maximisée, d’autant que donnée fraîchement coupée, la luzerne est entièrement consommée.

Barbara : « En 2017, nous avons nourri un troupeau de 200 brebis pendant six mois avec seulement trois hectares de prairie. » « C’est complètement fou, cela va au-delà de nos espérances », s’exclame Peter.

Un rendement tel qu’il n 'a fallu que quelques mois pour rembourser l’investissement. « On a sous-estimé l’augmentation de la production et de la qualité laitière… À cela s’ajoute la diminution des intrants… »

A la bonne saison, la faucheuse autochargeuse récolte quotidiennement 20 m³ de fourrages frais.
A la bonne saison, la faucheuse autochargeuse récolte quotidiennement 20 m³ de fourrages frais.

Les fourrages fraîchement coupés sont totalement appétés par les brebis.
Les fourrages fraîchement coupés sont totalement appétés par les brebis.

Le yaourt après le Bleu

Pour sa deuxième participation aux Coqs de Cristal, le couple remporte cette année un trophée avec son yaourt nature au lait de brebis. Un prix régional qui donne écho à un précédent prix international. En effet, dans la catégorie des fromages à pâte persillée du Farm Cheese Awards 2018 qui se tenait à Lyon, Peter a vu son Bleu de Scailton enlever le bronze. « On a détrôné le roquefort », aime-t-il répéter. C’est pour lui sa plus belle reconnaissance après le titre de Pascal Fauville, 2e au concours mondial du meilleur fromager de 2013. Parmi les épreuves figurait la présentation d’un fromage coup de cœur, qui n’était autre que ce même Bleu ! « Mais cela n’a que très peu d’impact en Belgique », déplore-t-il.

Pour Peter, ces concours ont le mérite de donner envie aux autres à faire toujours mieux. « Remporter une médaille à la coupe du monde, cela nous conforte dans notre crédibilité à former des gens, à transmettre leur savoir-faire… Raison pour laquelle Peter prend à sa charge un cours de fromagerie. Une formation qui a son succès puis qu’il y a encore quelques semaines, la Bergerie fêtait son 250e diplômé.

Donner une âme aux projets

Le parcours atypique de Peter en inspire des projets toujours plus atypiques emprunts d’authenticité.

Il y a près de cinq ans, Thierry Props, directeur du Château de Bouillon, est allé à la rencontre du couple pour leur proposer de travailler ensemble à la confection d’un fromage à pâte dure réalisé dans un chaudron en cuivre.

Le projet a d’autant plus de sens que le Mouton laitier belge est apparu à la même période de la construction du Château de Bouillon (8e siècle), ce qui lie finalement une race menacée à un bâtiment historique.

« La volonté de la direction du Château était clairement de travailler avec un artisan qui amène un savoir-faire, une âme au produit ! La qualité était privilégiée à la quantité », confie le berger.

Deux ans plus tard, une cave du château est aménagée pour l’affinage des fromages. Notons que ceux-ci sont élaborés par la Bergerie d’Acremont à partir d’une recette médiévale (13e siècle). Ils sont ensuite affinés au château de Bouillon.

Une fête est d’ailleurs dédiée à cette production le dernier week-end du mois de septembre. Les moutons laitiers belges paissent alors sur les terres du château. Sous des airs médiévaux, une fête du fromage est également organisée au sein de l’édifice.

Pour Peter, l’expérience pourrait essaimer. En effet, fort de l’initiative, Peter l’utilise pour développer des productions atypiques dans des endroits insolites.

Un premier magasin coopératif d’artisans paysans

Toujours sur plusieurs fronts, le couple est aussi fier d’annoncer l’ouverture du premier magasin coopératif, géré par des paysans artisans, en Belgique. Barbara : « On travaille avec le réseau Solidairement qui œuvre à la promotion et à la vente de produits saisonniers et locaux en circuit court dans le Luxembourg. On avait besoin d’un local pour la logistique du réseau. Il s’est avéré qu’il était idéalement situé et était assez grand que pour accueillir un espace magasin, d’où l’idée de créer la coopérative. La structure devrait ouvrir en début d’année 2019, à Libramont.

P-Y L.

A lire aussi en Ovins, caprins

Le Collège des producteurs lance une nouvelle filière de viande de chevreau local

Ovins, caprins Une nouvelle filière de viande de chevreau sera lancée dans l’optique de créer «une chaîne de valeur équitable où chaque acteur est rémunéré», a annoncé mercredi le Collège des producteurs. Les objectifs sont également la valorisation des chevreaux issus de la production laitière et le soutien des éleveurs locaux. Une première action de commercialisation mettra la viande de chevreau en vente dès le 22 mars et jusqu’au 1er avril dans les magasins Cora.
Voir plus d'articles