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La charge mentale? C’est le fait de toujours devoir y penser!

La charge mentale a toujours existé mais on ne la nomme que depuis peu. Pourquoi ? Parce que les femmes s’affirment plus ?, Parce qu’elles ne sont plus exclusivement mère au foyer ?, Parce qu’aujourd’hui, nous ressentons le besoin de tout nommer, verbaliser, solutionner ?… Je n’ai pas la réponse à ces questions, ou du moins, pas la réponse qui conviendrait à tout le monde. Mais, la charge mentale est une réalité et elle influence, plus ou moins, le quotidien de nombreuses femmes (et d’hommes parfois). On mérite donc tous de savoir de quoi il s’agit.

Temps de lecture : 8 min

Dans les années ’80, une sociologue française, Monique Haicault parle de la double journée à laquelle sont confrontées les femmes qui travaillent à l’extérieur et répondent à leurs obligations professionnelles tout en assumant la gestion du foyer et les tâches ménagères. Un concept qu’elle nomme plus particulièrement la charge mentale « ménagère ».

Ces dernières années, le terme est de plus en plus employé. En 2017, la dessinatrice Emma illustre la charge mentale dans une bande dessinée intitulée « Fallait demander » (publié sur emmaclit.com et dans la BD « Un autre regard 2 », Emma). Son succès est viral et ses dessins sont fortement relayés dans la presse et la sphère féminine. Avec humour et à grand renfort d’exemples empruntés au quotidien des couples, elle sensibilise hommes et femmes au concept et les guide vers de pistes de réflexion.

Y penser constamment

« La charge mentale, c’est le fait de toujours devoir y penser », écrit-elle.

Penser aux vaccins du dernier alors qu’on est en pleine réunion de travail, penser au sac de piscine oublié par l’aîné alors qu’on essaie de finir sa comptabilité, penser au dîner de monsieur et de l’employé alors qu’on est au milieu de la traite, penser aux enfants à récupérer à l’école alors que le vétérinaire vient de débarquer pour une césarienne… Parce que oui, la charge mentale ça touche toutes les femmes, qu’elles soient employées, agricultrices ou femmes d’agriculteurs, à temps plein ou partiel, hors ou sur l’exploitation familiale…

La charge mentale est finalement plus qu’une double journée parce qu’on y réfléchit avant et qu’on pense simultanément à des choses appartenant à des univers différents. « C’est un travail permanent, épuisant, et c’est un travail invisible », dit Emma.

« Reposant en quasi-totalité sur les femmes »

On en parle énormément chez la femme, sans doute car nous évoluons au sein d’un modèle très patriarcal. C’est encore plus vrai dans le monde agricole, même si les mentalités tendent à s’ouvrir. Consciemment ou un inconsciemment, les femmes ont tendance à répéter le schéma inculqué par leurs mères et grands-mères : « Les hommes c’est dehors, les femmes c’est dans la maison ». Il est presque normal que la femme assume la charge totale du foyer, quelle que soit sa situation professionnelle, au vu de la pénibilité du travail que l’homme doit assumer à l’extérieur (bon, ça aussi ça change, faut l’avouer). Elle se doit de l’épauler et l’épargner.

La logique nous pousse à conclure qu’il s’agit de femmes soumises mais, il en faut pourtant du caractère pour pouvoir tout assumer. Et, en règle générale, on peut dire sans trop se tromper que l’agricultrice est indépendante et capable d’affirmer son autorité. Mais, peut-être pas dans ce domaine, car elle ne fait pas toujours confiance à l’homme, car elle a besoin de tout gérer… Charge mentale ne signifie pas forcément dépression ou burn-out. Certaines s’en portent très bien et arrivent parfaitement à être au four et au moulin. Mais, pour d’autres, ce trop-plein n’est pas toujours facile à assumer. Quelle que soit la situation, il n’est de toute façon pas inutile que le conjoint en ait conscience et tente, pourquoi pas, de s’améliorer.

« Fallait demander »

« Quand le partenaire attend de sa compagne qu’elle lui demande de faire les choses, c’est qu’il la voit comme la responsable en titre du travail domestique. C’est donc à elle de savoir ce qu’il faut faire et quand il faut le faire. », dit encore l’illustratrice.

De fait, le souci, ce n’est pas tellement les tâches à réaliser mais plutôt d’être la seule à savoir les réaliser, les planifier, les ordonner et surtout les anticiper (oui, oui, ça, ça nous prend la tête vraiment !). Là où l’homme va avoir son esprit tout entier centré sur la planification de ses travaux aux champs ou l’entretien de ses animaux (et on ne dit pas que c’est mal ou moins important, heureusement qu’il est à fond dans ce domaine), la femme va penser à sa réunion de présentation MAIS aussi au rendez-vous chez le dentiste de Marcel et SURTOUT à rappeler à monsieur d’aller chercher Hortense à la crèche.

Savoir le faire par vous-même

« Ce que nous disent nos partenaires en nous demandant de nous indiquer les taches à faire, c’est qu’ils refusent de prendre leur part de charge mentale. (…) Voilà comment on trouve des pères d’enfants âgés de plusieurs années, qui ne savent toujours pas où leur acheter des vêtements, quoi leur préparer à manger, la date du prochain vaccin, ou même le numéro de la nounou », commente la dessinatrice.

Dans une nouvelle planche intitulée « tu veux que j’le fasse » publiée en janvier 2019, elle va encore plus loin « Message pour les dudes (mecs) : prendre votre part de charge mentale, ce n’est pas demander ce que vous pouvez faire, mais c’est pas non plus finir notre tâche une fois qu’on est lancée ! C’est savoir PAR VOUS MÊME ce qu’il y a à faire. Prenez juste 10 secondes pour regarder autour de vous ».

En bref, ce que les femmes souhaitent, c’est de l’implication, de la vraie ! Pas du « Tu veux de l’aide pour finir la vaisselle ? », « Non, ça va (sur un ton sec en contemplant les milles autres tâches possibles à faire dans la maison) », « Ok (d’un ton très satisfait par sa superbe initiative), je vais sonner au garage (sous-entendu au pote Arnold) ».

Personne ne nous y oblige…

Certains diront que personne ne demande aux femmes d’être parfaites. C’est souvent elles qui veulent absolument que tout rentre parfaitement dans les cases. « C’est sûr que rien ne nous oblige à faire toutes ces choses, le problème c’est que quand on arrête, ça pénalise toute la famille. Du coup la plupart d’entre nous nous résignons à assumer seules la charge mentale, en grignotant sur notre temps de travail et notre temps de loisir pour pouvoir tout gérer ». On se dit que le souper chips-jambon improvisé, le rendez-vous chez le médecin reporté, ou les excuses pour le retard chez la gardienne, ça va une ou deux fois mais pas toutes les semaines. Pourtant, on doit sans doute aussi apprendre à lâcher prise, laisser notre enfant aller à l’école avec une chaussette de chaque couleur et une gaufre Suzy en guise de dîner, profiter de notre soirée télé même si les mannes de linges débordent et que la cuisine n’a plus rien d’une cuisine. « Revoir à la hausse notre degré de tolérance aux trucs qui traînent, et puis tout simplement aussi être parfois absentes, sans tout préparer et sans culpabiliser. L’inversion des rôles est souvent plus efficace que la confrontation ». conclut Emma.

#taspensea

Fin 2018, Madame sourire ou marie (maman, prof et féministe comme elle aime à se décrire) rebondit également sur le sujet et crée le compte Instagram tu as pensé à ou #taspensea. Chaque jour, des femmes de toutes parts lui envoient leur témoignage de ce que signifie pour elles la charge mentale. Elle les relaie ensuite sur son compte instagram. « C’est terrifiant de comprendre qu’on a toutes été socialisées de cette manière. (…) Cela nous a paru normal de tout organiser, de tout gérer. On s’est même dit que cela venait peut-être de notre caractère. » dit-elle.

Quelques exemples de définitions apportées par des femmes de tous horizons :

– « Pour moi la charge mentale, c’est quand j’ai des contractions toutes les dix minutes et qu’il me demande ce qu’on mange ce soir »

– Conversation du soir :

o Elle : Tu peux penser à sortir la poubelle demain soir ?

o Lui : tu peux m’envoyer un sms une heure avant que j’y pense ?

– « Pour moi la charge mentale c’est quand tu veux organiser un anniversaire surprise pour une amie et que son copain te répond : je ne sais pas quand on est dispo, ce n’est pas moi qui gère l’agenda »,

– « Pour moi la charge mentale, c’est quand mon mec doit amener un gâteau au boulot et que c’est moi qui le fais »,

– « Pour moi la charge mentale, c’est quand on me dit que je ne suis pas prête à l’heure alors que j’ai préparé nos deux enfants et les sacs de toute la famille »,

– « Pour moi la charge mentale, c’est quand mon père me demande de faire la valise de ma mère hospitalisée car il ne sait pas où se trouvent ses affaires »

– …

Halte à l’individualisme

Enfin, se plaindre de la charge mentale, ce n’est pas rejeter purement et simplement la faute sur les hommes, sous-entendre qu’ils sont bons à jeter et que les femmes confrontées à ce genre de profil n’ont qu’à quitter leur mari. C’est juste signaler un mal-être qui peut toutes nous affecter et pour lequel il n’est pas impossible de nous améliorer.

« En me lançant dans « T’as pensé à… ? », j’avais surtout peur des « masculinistes », de ces hommes qui remettent en cause chaque initiative féministe et qui ne veulent aucun changement dans une société où ils ont le pouvoir. (…) Et finalement, l’ennemi est arrivé par l’individualisme. Je ne m’y attendais pas spécialement, parce que ma manière de penser est très globale. Cela me paraît normal qu’un individu n’est pas libre de tous ces choix et que la structure de la société pèse forcément. Alors quand j’ai commencé à voir « mais quitte le ! », ou « mais c’est quoi ces nanas ? Elles le choisissent ! », Il a fallu que j’apprenne à être plus pédagogique. Et patiente », dit Marie.

La patience, un mot important en couple, comme en famille. Ainsi que les mots : écoute, remise en question… et puis aussi humour et autodérision. Avec tout ça, rien n’est perdu !

DJ

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