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Holstein: un vêlage précoce pour accroître le nombre de lactations et la longévité productive

L’âge moyen au premier vêlage en Wallonie est de 29 mois alors que la race Holstein pourrait permettre un vêlage à 24 mois. Dès lors, pourquoi attendre ? Y a-t-il un intérêt à retarder la mise bas pour favoriser la production laitière de l’animal ou pour sa longévité ? Afin de répondre à ces questions, le Cra-w a mis en relation les données de production de plus de 400.000 Holstein, inscrites au contrôle laitier, et ayant réalisé leur 1ier vêlage entre 1990 et 2010.

Temps de lecture : 11 min

A fin de réduire les coûts d’élevage, il est possible de faire vêler ses primipares entre 22 et 24 mois sans effet négatif, que ce soit sur la production laitière ou sur la santé animale. Et ce, même lorsque les vêlages tardifs sont parfois conseillés pour certaines races ou systèmes de management.

Sans un bon développement de l’animal, vêler trop tôt peut être synonyme de moindre performance laitière et d’une plus grande sensibilité à la dystocie, une mise bas pénible.

Toutefois, dans les troupeaux intensifs, un vêlage tardif comporte un risque d’engraissement excessif et restreint le développement de la glande mammaire. Autre considération : une phase d’élevage plus longue augmente indubitablement les coûts (alimentation, logement) et l’empreinte carbone.

Afin d’optimiser la rentabilité des exploitations laitières, mieux vaut donc viser un vêlage précoce en veillant à ce que les animaux soient suffisamment développés.

Vêler à 24 mois, un objectif réalisable

Selon le modèle de remplacement de troupeau laitier, développé par Tozer & Heinrichs en 2001, la réduction de l’âge moyen au premier vêlage d’un mois dans un troupeau laitier de 100 vaches a permis de réduire le coût du programme de remplacement de $1.400, soit une diminution de 4,3 %.

Ce modèle a été appliqué pour un âge au premier vêlage de 21 à 29 mois et supposait que toutes les génisses aient la même capacité de production laitière et un développement physique suffisant au vêlage. D’après le développement physique évalué en fonction du périmètre thoracique des génisses, le premier vêlage à 24 mois semble parfaitement réalisable dans la plupart des exploitations agricoles en Wallonie, où cette moyenne se situe entre 29 et 30 mois. La majorité des éleveurs auraient donc tendance à ne pas faire inséminer leurs génisses à l’âge de 15 mois.

La saison des vêlages est également susceptible d’affecter la production laitière. Toutefois, cela n’est pas seulement dû au type d’alimentation mais peut aussi provenir d’autres facteurs comme le stress thermique et le photopériodisme. En Israël, des chercheurs ont constaté que la production laitière était stimulée par le vêlage d’automne et était réduite par le vêlage de printemps.

Les critères d’élevage en production laitière ont porté à la fois sur l’amélioration de la qualité et de la quantité et sur les caractères fonctionnels (résistance aux mammites, facilité de vêlage…). Cependant, la sélection en vue d’une augmentation de la production laitière a été associée à une diminution de l’efficacité de la reproduction, ce qui est une raison majeure à la réforme.

Peu de données sont toutefois disponibles sur la réduction de la longévité des vaches laitières en Europe sur une période de 15 à 20 ans. En Wallonie, les plus vieilles données enregistrées en production laitière ont 40 ans. Entre 17 % (1990) et 22 % (2010) des éleveurs utilisaient les analyses des données d’élevage, soit respectivement entre 23 et 31 % des vaches laitières wallonnes. Les chiffres recueillis représentent actuellement la plus grande base de données disponible pour notre secteur laitier.

À partir de celles-ci, des chercheurs wallons ont voulu déterminer le lien entre l’âge au premier vêlage et la campagne de production laitière en première, en deuxième lactation et la longévité des animaux. L’objectif : évaluer les tendances des performances depuis 1990 !

Des réticences à faire vêler tôt

La plupart des premiers vêlages se sont déroulés en fin d’année, de septembre à décembre. En Wallonie, il y a quelques années, le lait produit en hiver était mieux payé. Les agriculteurs avaient donc tendance à concentrer les vêlages à l’automne.

Près de 76 % des vaches Holstein avaient un âge au premier vêlage supérieur à 26 mois, soit bien plus que l’âge recommandé de 24 mois. Seulement 24 % des animaux ont vêlé avant 26 mois, alors que 29 % avaient un âge au premier vêlage supérieur à 32 mois. La gestion des génisses est donc loin d’être optimale en Wallonie.

Les agriculteurs semblent souvent réticents à changer leurs pratiques. Deux raisons principales : divers facteurs techniques tels que l’insémination tardive due à la FCO, la gestion de cheptel et les génisses au pâturage ; des facteurs psychologiques comme la crainte qu’un vêlage précoce n’entraîne une réduction de la longévité de l’animal ou la production laitière de sa première lactation. Les auteurs de la présente étude pensent donc que l’agriculture familiale, avec ses petites unités de production, pourrait être un facteur majeur à cette réticence au changement. En effet, en 2011, une ferme laitière wallonne comptait en moyenne 46 vaches laitières pour une production moyenne annuelle de 318.747 l de lait, toutes races confondues.

En première lactation

L’âge au premier vêlage (APV), la saison et l’année durant laquelle il arrive ont significativement affecté les paramètres de la première lactation. La durée de la première lactation est en effet plus courte avec un APV de plus de 34 mois.

INCIDENCE

La production laitière pendant la première lactation a été maximisée avec un APV situé entre 22 e 26 mois. Comparé à cet optimum, le vêlage avant 22 mois, a provoqué une baisse de la production laitière de 11 % lors de la première lactation. C’est conforme à d’autres résultats de recherche qui ont signalé qu’une mise bas avant 23 mois pouvait compromettre la production laitière, la qualité du lait durant la première lactation et altérer également les performances reproductives. Notons toutefois que certains éleveurs réussissent à abaisser l’APV à 21 mois, mais cela leur demande une haute technicité au niveau de la gestion de l’alimentation de leurs animaux pour leur permettre d’être en état lors de la mise bas.

La production de lait standardisé en première lactation a diminué progressivement chez les animaux qui vêlent une première fois après 30 mois. La teneur en matière grasse et en protéines du lait varie peu selon l’APV, tandis que les quantités produites suivent une tendance similaire à celle de la production laitière.

La première lactation était plus longue lorsque le vêlage se faisait en été, puis raccourcie au fil des saisons pour atteindre une période minime pour les vêlages d’hiver et de printemps. Le décalage dans le temps pour concentrer le deuxième vêlage à la fin de l’année n’explique que partiellement les différences dans la durée de la première lactation. La production de lait de première lactation s’est avérée plus faible lorsque la mise bas était en hiver (-8 %) ou au printemps (-10 %) comparativement à un vêlage survenu en été. La durée de la lactation et le pâturage pendant la phase initiale de lactation pourraient expliquer ces différences saisonnières. Ces résultats sont spécifiques aux conditions climatiques de l’Europe occidentale. La composition du lait, cependant, différait peu en termes absolus d’une saison à l’autre.

L’APV a peu varié au fil du temps, alors qu’il a diminué régulièrement aux États-Unis, passant en dessous de 26 mois en 2004. Selon l’USDA (2002), cet âge moyen était inversement lié à la taille des troupeaux aux États-Unis.

La différence pourrait être due à l’existence d’exploitations de plus petite taille en Belgique. La durée de la première lactation a augmenté de 25 jours entre 1990 à 1994 et 2005 à 2010. Au cours de la même période, les niveaux de première lactation ont augmenté d’environ 30 %. En ce qui concerne la composition du lait, la teneur en matière grasse du lait de première lactation, a baissé de 4 % sur la période, mais la teneur en protéines est restée stable.

Les effets de l’année du premier vêlage seraient un facteur important affectant les performances de production laitière pendant la première lactation. Cette évolution dans le temps reflète probablement les progrès de la sélection génétique observés entre 1992 et 2007 autant que les compétences de gestion des éleveurs laitiers.

En seconde lactation

Durant la seconde lactation, ce sont l’APV et l’année de cette mise bas qui ont un effet dominant sur la production laitière.

Le vêlage précoce, dès l’âge de 22 mois, ne semble pas avoir d’effet négatif sur le taux de réforme en première lactation. En effet, quel que soit l’APV, le taux de réforme en première lactation varie de 60 % à 70 %.

Cette même classe a eu peu d’effet sur l’intervalle vêlage-vêlage. Ainsi, plus la mise bas est précoce, plus la seconde est précoce. Comme pour la première lactation, la deuxième lactation a été plus courte chez les animaux présentant un APV tardif.

La production de lait de deuxième lactation a été maximisée avec un APV situé entre 22 et 26 mois. L’avantage d’un premier vêlage à cet âge n’est donc pas limité à la première lactation, mais persiste par la suite.

L’effet agriculteur ne doit toutefois pas être exclu, étant donné que ceux qui obtiennent les meilleurs résultats en termes de productivité obtiennent également la meilleure gestion de la fertilité du troupeau. Il est donc possible d’avoir de très bons résultats zootechniques avec un vêlage précoce. Plus la première mise bas est précoce, plus l’amélioration de la production de lait standard en deuxième lactation est grande par rapport à la première. Notons que l’effet négatif d’un vêlage trop précoce sur la production laitière au cours de la première lactation s’atténue au fil des lactations.

Un premier vêlage d’été ou d’automne a amélioré la production laitière en première et en deuxième lactation. L’effet saisonnier est dû en partie à une alimentation hivernale plus riche pendant une période plus représentative de la lactation que le vêlage d’hiver ou de printemps. L’augmentation de la photopériode a également contribué à améliorer la qualité du lait, mais ne semblait pas contrecarrer l’effet alimentaire du vêlage printanier.

L’âge au second vêlage a augmenté entre les classes d’âge de 1990 à 1994 et de 2000 à 2004, ce qui indique des lactations plus longues et des intervalles vêlage plus longs. La production de lait de deuxième lactation a augmenté de plus de 20 % en 2000-2004 par rapport à 1990-1994, mais il n’y a pas eu d’autre amélioration en 2005-2010. La teneur en matière grasse du lait a diminué régulièrement au cours des dernières années, mais la teneur en protéines a légèrement augmenté. Ces développements reflètent un changement dans les pratiques d’alimentation, en particulier l’utilisation croissante de la complémentation en concentrés pour les vaches laitières. Cela pourrait également être le cas en Belgique, où le nombre de vaches laitières est passé de 593.788 à 503.796 entre 2000 et 2009, tandis que la consommation de concentrés par les bovins laitiers est passée de 421.224 à 504.832 t sur la même période.

AGE DE LA GENISSE

Une longévité accrue

L’APV a eu peu d’effet sur l’intervalle moyen entre vêlages. Une mise bas entre 22 et 26 mois maximisait le nombre de lactations et le nombre de jours de lactation dans la vie d’un animal. En outre, la durée de vie de l’animal était en corrélation positive avec l’APV. En augmentant la longévité et en réduisant le nombre total de jours de lactation, une mise bas tardive a donc eu un impact considérable sur la proportion de jours en production au cours de la vie de l’animal. Comme l’ont montré d’autres chercheurs, la production laitière exprimée par jour de lactation, par jour de vie ou sur toute la durée de vie d’un animal est maximisée lorsque la mise bas a lieu entre 22 et 26 mois, pour autant que l’animal soit assez développé à ce moment.

La saison de cette mise bas n’a pas affecté la longévité des animaux et, en général, a eu peu d’effet sur l’intervalle de vêlage, le nombre de lactations ou la durée moyenne des lactations. L’effet sur la production laitière au cours de la vie d’un animal a été plus marqué, étant plus important chez les animaux dont le premier vêlage était en été, puis diminuant progressivement à 5 % pour les animaux dont celui-ci au printemps. Cette différence est essentiellement due à la baisse de la production quotidienne de lait, qui est probablement liée à des différences dans l’alimentation moyenne d’une lactation à l’autre. Les animaux qui vêlent en été ou en automne sont en fait en production tout au long de la période hivernale et reçoivent donc une alimentation énergétique plus élevée en moyenne pendant leur lactation que les vaches qui vêlent en hiver ou au printemps. Étant donné que l’intervalle moyen de vêlage est d’un peu plus d’un an, ces animaux seront en production pendant la période hivernale dans leurs lactations successives.

Plusieurs études ont fait état d’un intervalle vêlage plus long au cours des dernières années ; l’augmentation serait d’environ 1 jour par an pour les Holstein. Cela s’explique par des lactations plus longues au fil du temps. Autre raison : le nombre de lactations, le nombre de jours de lactation et la longévité ont tous diminué considérablement au cours de cette période, ce qui reflète un taux de réforme plus élevé au fil du temps. Par conséquent, la production moyenne d’une vache au cours de la durée de vie a été plus faible entre 2000 et 2004 qu’elle ne l’avait été auparavant. Ceci s’explique principalement par la diminution du nombre de jours de lactation, la production par jour de vie ou par jour de lactation augmentant régulièrement au fil du temps, reflétant une sélection génétique intensive. Le nombre de lactations était toutefois supérieur à la moyenne de 2,94 observée aux États-Unis entre 1980 et 1994.

VELAGE (3)

Cette étude indiquait également que le nombre de jours de production n’était que de 994 jours en moyenne sur la période, soit beaucoup moins qu’en Wallonie. Entre 1990-1994 et 2000-2004, la production laitière est passée de 6.617 à 7.734 kg de lait standard par lactation, soit une augmentation annuelle de 112 kg. La teneur en protéines était relativement stable en valeur absolue, alors que la teneur en matières grasses du lait diminuait légèrement à mesure que la production quotidienne augmentait, probablement parce que les vaches recevaient plus de concentrés.

D’après Eric Froidmont,

Amélie Turlot, Viviane Planchon,

Pascale Picron et Didier Stilmant ; sur base des données de l’Awé

Cra-w

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