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Les ateliers Transformation «Famenne & Terroir»: un outil de transformation innovant pour les producteurs de viande et de légumes

Fin mai s’est ouvert à Marloie le premier atelier partagé en viande et en légumes/fruits à destination des agriculteurs. Cet atelier a pu voir le jour grâce aux subsides Hall Relais Agricole octroyés par la Région Wallonne et de la Province de Luxembourg. Un concept innovant, basé sur le principe de pépinières d’entreprises où le producteur pourra s’exercer à transformer sa production sans risque financier. Alain De Bruyn, président de l’asbl nous propose une visite des installations.

Temps de lecture : 6 min

Les circuits courts ont le vent en poupe, la demande pour des produits de proximité explose et le nombre de points de vente se multiplie. Par ailleurs, la transformation devient une nécessité pour les producteurs qui veulent donner davantage de valeur à leur production. Pourtant ils sont encore nombreux à hésiter à se lancer au vu de l’investissement qu’une telle diversification représente. L’idée est donc venue au département Agri-développement du Cer Groupe de lancer l’asbl Agrinew en 2011, lors du 1er appel à projet « Hall relais agricole ».

Via la création de deux ateliers de transformation, l’asbl veut encourager les producteurs (agriculteurs et maraîchers) et les acteurs ruraux à développer de nouvelles activités créatrices de valeur pour leurs productions. Pour ce faire, l’asbl travaille en étroite collaboration avec l’Horeca et un Centre de Formation Professionnelle, tous deux présents au sein du conseil d’administration. L’investissement représente 830.000 euros, soit deux subsides, l’un de 622.000 euros venant de la région, l’autre de 40.000 euros venant de la province. Le reste est auto financé.

Alain De Bruyn, président d’Agrinew : « On perçoit clairement un intérêt de la part de producteurs pour l’outil ! Certains sont désireux de l’utiliser chaque semaine, d’autres de façon plus occasionnelle. Quelques demandes sont venues des provinces de Namur et de liège, les autres viennent principalement d’un rayon de 30 km, une zone pauvre en structures d’abattage. »

Le rail permet de mener les carcasses jusqu’à l’atelier de découpe de viande.
Le rail permet de mener les carcasses jusqu’à l’atelier de découpe de viande. - P-Y L.

Un service tout en un

« Initialement, la volonté était de créer une coopérative laitière vouée à la fabrication d’un fromage à pâte cuite. Mais le projet s’est très vite réorienté vers la découpe viande et légumes qui correspond davantage à une demande des agriculteurs », explique Alain De Bruyn. « Nous avions une très forte demande de la part d’éleveurs et de maraîchers qui se destinent à de la vente en grande quantité. »

Pour ce faire, deux bouchers indépendants sont mis à disposition des éleveurs pour l’atelier viande, ainsi qu’un gestionnaire employé par l’asbl.

La capacité maximale de découpe de l’atelier viande est de 2 t par jour. Toutefois, pour des questions de main d’œuvre, les ateliers ne pourront transformer en moyenne que deux carcasses bovines, 7 carcasses porcs ou 14 carcasses ovins-caprins par jour. Selon les producteurs rencontrés, les bovins devraient représenter en volume 50 % des découpes, 45 % pour les porcs et 5 % pour les ovins/caprins. L’atelier sera fonctionnel minimum 5 jours/semaine.

Concrètement, l’éleveur amène sa ou ses carcasses. Un boucher l’accompagne pour la découpe et la transformation de la viande. En fin de journée, l’agriculteur rentre avec ses produits. « L’asbl n’a pas pour vocation d’acheter la production du transformateur et de la vendre sous une marque. Le producteur reste propriétaire de son produit, et ce, dans un souci de transparence ».

Quant aux légumes, ils proviennent de maraîchers locaux souhaitant transformer leur production ou l’adapter à la demande (Horeca…). Les producteurs déposeront à l’atelier leur production le jour même de la transformation, aucun stockage n’étant prévu.

L’atelier légumes sera aussi utilisé dans le cadre de formations organisées notamment avec la Fédération Horeca ; l’objectif étant de former les restaurateurs de la Province de Luxembourg à mettre en valeur les produits du terroir et favoriser les échanges avec les producteurs qui viendraient présenter leurs productions. « Nous sommes aussi ouverts à en proposer aux particuliers », poursuit le président de l’asbl.

Pour chacun des ateliers, une zone chaude est prévue afin de permettre une transformation plus poussée des produits grâce à la présence notamment d’un four combi-steamer.
Pour chacun des ateliers, une zone chaude est prévue afin de permettre une transformation plus poussée des produits grâce à la présence notamment d’un four combi-steamer. - P-Y L.

Pré-cuisson, cuisson lente, déshydratation des produits, pasteurisation, fumage… Pour chacun des ateliers, une zone chaude est prévue afin de permettre une transformation plus poussée des produits. Tant de préparations qui pourront être réalisées dans les locaux de l’asbl.

Pour accéder à ces ateliers, chaque producteur doit donc avoir sa propre autorisation « B to C » et son agrément « B to B ». Pour les aider à obtenir ces documents, l’asbl travaille avec Diversiferm. Autre objectif de cette collaboration : mettre à disposition de l’utilisateur une farde reprenant les démarches à suivre pour être en règle. Agrinew propose également d’autres services : traçabilité, étiquetage… Un document certifie que toutes les opérations ont été réalisées en toute conformité.

Une pépinière d’entreprises avant tout

Agrinew veut permettre aux éleveurs de se lancer dans la transformation sans prendre un risque financier trop important. « En travaillant ici, le producteur peut mesurer l’intérêt de ce débouché, sa faisabilité, tout en apprenant les différentes techniques et à poser les bons choix en termes d’achats de matériel. Le risque financier et donc très faible. Ce qui est rassurant pour le producteur », poursuit-il.

«  Nous sommes avant tout là en tant que pépinière d’entreprises, tout argent gagné est réinvesti en matériel », rappelle Alain.

En termes de public visé, l’asbl reste ouverte à toute demande. « Le projet étant un hall relais agricole, les agriculteurs ont bien entendu la priorité. Il reste néanmoins envisageable que d’autres porteurs de projets puissent combler les places vacantes de manière à rentabiliser l’outil. »

« Aujourd’hui, les réflexions sont nombreuses quant à la diversification agricole et les différentes voies qu’elle emprunte. Nous essayons de trouver la manière adéquate pour qu’un plus grand nombre s’y retrouve. Nous sommes dans de l’innovation en plein, dans des nouveaux systèmes de commercialisation, de proximité. Il faut réinventer les choses. Il reste encore beaucoup de création en la matière… »

L’atelier légume dispose d’ue mandoline professionnelle  qui permet toutes sortes de découpes.
L’atelier légume dispose d’ue mandoline professionnelle qui permet toutes sortes de découpes. - P-Y L.

Une autonomie à moyen terme

Après deux ou trois ans d’utilisation de l’outil, l’idée est de pousser les utilisateurs à se lancer et à créer leur propre outil. Le Cer Groupe a tous les outils pour aider les producteurs à s’établir, à réaliser leur business plan, à obtenir les permis.

À travers l’outil, Alain De Bruyn espère susciter l’interaction entre producteurs afin qu’ils puissent valoriser une partie de leur production entre éleveurs. « Travailler une carcasse d’un bovin reste rentable. En ce qui concerne les carcasses de porc, c’est différent… il en faut au moins six ou sept. Il est donc possible de voir une coopérative louer l’outil pour la valorisation de carcasses de différents éleveurs. S’il est possible d’imaginer de revenir dans un système plus traditionnel en proposant au boucher de racheter les carcasses, nous privilégions le groupement de producteurs pour la commercialisation. »

Un outil évolutif

L’asbl restera très attentive aux doléances des producteurs pour une amélioration constante du produit. Elle a aussi pour rôle de faciliter les contacts dans la commercialisation de ses produits.

« L’outil est génial car innovant. Il est complet et permet de créer de nouveaux produits, de nouvelles recettes. Il doit permettre une technicité suffisante pour proposer à la vente des produits du terroir qui répondent à une demande. Avec le matériel à disposition, il sera possible de prévoir des cuissons de pièces de viande sous vide, déjà prêtes à l’emploi pour le consommateur. Pour le moment les producteurs ne le font pas. Ils proposent des colis, des produits frais, mais peu préparés. Ici l’outil nous permet d’aller plus loin. »

Et de conclure : « Nous avons développé une belle offre, avec des méthodes très complexes. Pour s’y familiariser, nous pouvons organiser des formations avec d’autres organismes. Pourquoi ne pas devenir l’outil de référence de Diversiferm pour les légumes et la viande ? »

P-Y L.

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