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Rapport du Giec: les terres émergées, une ressource sous pression qui fait partie de la solution!

Dans un nouveau rapport présenté officiellement le 8 août, le Giec démontre les rapports étroits et pernicieux entre sécurité alimentaire, dégradation des sols et changement climatique, et appelle à « des politiques coordonnées sur la gestion des sols ». Réalisé par 107 auteurs qui ont analysé plus de 7.000 études, un « résumé pour décideurs » de ce rapport a été adopté par les états membres du Giec le 7 août.

Temps de lecture : 7 min

Dans le « résumé à l’intention des décideurs politiques », le Giec plaide pour des actions à court terme contre la dégradation des sols, le gaspillage alimentaire ou les émissions de gaz à effet de serre de tous les secteurs. Le texte de 1.200 pages est consacré au « changement climatique, la désertification, la dégradation des sols, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres ». Il a été rendu public ce jeudi après une série de discussions entamées vendredi dernier entre les délégations des 195 pays membres du Giec.

« Notre utilisation des terres (…) n’est pas soutenable et contribue au changement climatique », a souligné sa co-présidente Valérie Masson-Delmotte, pour qui le rapport met « l’accent sur l’importance d’agir dès maintenant ». Le temps est compté, alors que le réchauffement des terres émergées atteint déjà 1,53ºC, le double de la hausse globale (océans compris). La marge est étroite si l’on veut à la fois contenir le réchauffement climatique et ses effets dévastateurs sur les terres, et nourrir convenablement une population qui pourrait dépasser 11 milliards d’individus à la fin du siècle.

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Le potentiel de stockage du carbone s’amenuise

« Le réchauffement climatique « menace la sécurité alimentaire » en amplifiant la « dégradation des sols », ce qui réduit en retour le potentiel de stockage de carbone du sol. Le système alimentaire, lui-même, est « responsable de 30 % des émissions de gaz à effets de serre » et met une « pression grandissante » sur les sols, en lien avec l’augmentation de la population et de la consommation mondiale, constatent encore les scientifiques. L’érosion, qui en découle, dégrade de « 10 à 100 fois plus rapide que leur reconstitution », et les terres arides s’étendent de « 1 % chaque année ». La dégradation des sols liée au réchauffement climatique (pluies intensives, sécheresses…) aura des conséquences sur la « production » et la « qualité nutritionnelles des aliments ». Les femmes, les enfants, les personnes âgées et les plus pauvres sont en première ligne, souligne-t-il.

Le Giec a élaboré différents scénarios pour limiter le réchauffement à 1,5ºC ou bien en dessous de 2ºC par rapport à la période pré-industrielle. Ils incluent des mesures d’atténuation basées sur les terres et des changements d’usage, combinant boisement, reboisement, une déforestation réduite et des bioénergies. Les scénarios nécessitant d’importantes conversions de terres (reboisement pour capturer du CO2, champs dédiés aux bioénergies…) pour lutter contre le réchauffement pourraient avoir « des effets secondaires indésirables » – désertification, dégradation des terres, sécurité alimentaire…- avertit le rapport.

Garantir la sécurité alimentaire

Une action coordonnée pour lutter contre le changement climatique pourrait à la fois améliorer l’état des sols, la sécurité alimentaire et la nutrition et contribuer à éliminer la faim. « La sécurité alimentaire sera de plus en plus compromise par le changement climatique à venir en raison de la baisse des rendements, en particulier dans les régions tropicales, de l’augmentation des prix, de la réduction de la qualité des nutriments et des perturbations de la chaîne d’approvisionnement », peut-on lire dans le document.

Par ailleurs, il indique qu’environ un tiers des aliments produits sont perdus ou gaspillés. Une diminution de ces pertes et du gaspillage réduirait les émissions de gaz à effet de serre et améliorerait la sécurité alimentaire. les experts préconisent de se tourner vers des régimes alimentaires équilibrés riches en aliments d’origine végétale ET d’origine animale produits de façon durable. Un « ralentissement de l’augmentation de la population » et une « diminution des inégalités » sont également mentionnés par le Giec.

Enfin, les politiques qui portent sur les transports et l’environnement peuvent contribuer elles aussi très sensiblement à la lutte contre le changement climatique. « Certaines mesures sont déjà appliquées. Il s’agit d’en faire usage à plus grande échelle et dans d’autres endroits adaptés où elles ne sont pas encore mises à profit », souligne le GIEC.

Quelles stratégies pour les terres ?

« Une exploitation plus durable des terres, une réduction de la surconsommation et du gaspillage de nourriture, l’élimination du défrichement et du brûlage des forêts, une moindre exploitation du bois de chauffage et la réduction des émissions de gaz à effet de serre contribueraient à résoudre les problèmes de changement climatique en lien avec les terres émergées », a-t-il conclu.

Maintenir les prairies permanentes et consommer de la viande locale

À la lecture de ce document, les réactions ont afflués de part et d’autre.

Si la Fédération unie des groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (Fugea) regrette qu’un tel rapport soit malheureusement trop souvent lu entre les lignes, elle souligne qu’il préconise un retour à une agriculture plus locale, qui pourrait significativement limiter les dégâts climatiques. Elle appelle donc à maintenir les prairies permanentes et au raisonnement vers une consommation de viande locale, liée à l’herbe.

Et de s’appuyer sur la lettre d’introduction émise par la plateforme wallonne pour le Giec. « En Wallonie, il est essentiel de maintenir les écosystèmes agricoles qui stockent du carbone », dont les prairies. En 11 ans, la surface de prairies permanentes en Wallonie a diminué de 11 %, pour cause de cessation d’activité d’élevage. Un manque de soutien aux éleveurs locaux, liés au sol et en autonomie fourragère sur leur ferme se traduira inévitablement par une augmentation des pertes de prairies, effet inverse de celui recommandé par le Giec.

Pour le Giec, les régimes alimentaires équilibrés riches en aliments d’origine végétale (...) et les aliments d’origine animale produits de façon durable (comme en Wallonie) offrent de bonnes possibilités d’adaptation aux changements climatiques et de limitation de ces changements.
Pour le Giec, les régimes alimentaires équilibrés riches en aliments d’origine végétale (...) et les aliments d’origine animale produits de façon durable (comme en Wallonie) offrent de bonnes possibilités d’adaptation aux changements climatiques et de limitation de ces changements. - J.V.

Le modèle wallon s’en rapproche

Du côté de la Fédération wallonne de l’agriculture (Fwa), ces recommandations sont d’autant mieux accueillies que « l’agriculture wallonne tend déjà depuis plusieurs années à les rencontrer. »

Tout à la fois victime, cause et surtout solution, le territoire agricole wallon multiplie les atouts pour lutter contre les changements climatiques. À commencer par son mode d’élevage bovin lié à l’herbe, ses agricultures qui sont autant de modes de productions complémentaires, son activité agricole de type familial et à taille humaine, sa production d’énergies renouvelables et ses efforts continus dans la réduction des émissions des gaz à effets de serre.

Le syndicat agricole rappelle que les prairies représentent 47 % de la superficie agricole wallonne et compensent en grande partie les émissions générées par les bovins qui les pâturent conduisant ainsi à obtenir une production globale à faible émission de gaz à effet de serre.

En outre, par leur alimentation, les bovins participent au recyclage des co-produits issus des cultures, une donne qui permet une parfaite complémentarité et résilience entre culture et élevage.

Elle rappelle que si l’agriculture mondiale représente 25 % des émissions de gaz à effet de serre, en Wallonie le secteur agricole n’en représente que 14 %, soit la moitié du constat mondial. La Fwa souligne encore les efforts réalisés par le secteur wallon qui a déjà réduit de 17 % ses émissions au cours des 30 dernières années. Et la tendance se poursuit…

Alors que les contributions de l’agriculture sont multiples, elle reste malheureusement systématiquement pointée du doigt.

Une approche raisonnable

En France, le son de cloche est identique. La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (Fnsea) se félicite de « l’approche raisonnable » du Giec dans son rapport sur la gestion des sols.

Selon le syndicat, le modèle agricole préconisé par les scientifiques, basé sur « une agriculture diversifiée, territoriale et à taille humaine, à même de limiter la dérive climatique », a les mêmes « caractères fondamentaux » que l’agriculture française.

S’inquiétant d’un « constat préoccupant de la situation environnementale actuelle », le syndicat majoritaire de l’autre côté de la frontière indique « être prêt à apporter des solutions ». La Fnsea appelle toutefois le gouvernement à mettre en place un « agenda » et un « accompagnement », tout en fustigeant les accords de libre-échange avec le Ceta et le Mercosur.

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