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Remplissage et nettoyage du pulvérisateur: des dispositions à prendre dès aujourd’hui…

Lors d’une soirée d’information du Comice de Seneffe, Armelle Copus, de Protect’eau, faisait le point sur les nouvelles règles de remplissage et rinçage du pulvérisateur pour limiter les risques de pollution ponctuelle de l’eau.

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Armelle Copus replace d’emblée ces nouvelles réglementations dans leur contexte : « Des études européennes démontrent que les pollutions ponctuelles, c’est-à-dire accidentelles ou provenant du nettoyage et du remplissage des pulvérisateurs dans les cours de ferme, représentent plus de 50 % des contaminations de l’eau par les produits de protection des plantes (PPP) d’origine agricole. Concrètement, pour 2027, la directive-cadre européenne vise l’atteinte d’un bon état des eaux. Il y a un constat de pollution et un objectif à atteindre de la part de l’Europe. Pour y arriver, le législateur n’a d’autre choix que de mettre en place des mesures et réglementations ».

Lieux définis pour la manipulation, le remplissage et le nettoyage

Ces règles portent sur les opérations de manipulation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants. On parlera plus particulièrement des opérations antérieures et postérieures à l’application de PPP par du matériel d’application d’une capacité de plus de 20 litres, c’est-à-dire le remplissage et le nettoyage interne et externe du pulvérisateur à l’eau claire et/ou avec du détergent.

En bref, les opérations de manipulation des PPP doivent avoir lieu au champ, sur une aire enherbée ou sur une aire étanche. Le choix de la zone d’opération doit être guidé par les habitudes de l’utilisateur et les équipements nécessaires ou éventuellement disponibles sur l’exploitation. Toutes les opérations ne doivent pas nécessairement se faire au même endroit. « On peut remplir à la ferme et incorporer les produits et nettoyer au champ ou sur une aire enherbée. Il faut réfléchir à son organisation afin d’être efficace pour le travail tout en étant dans les clous réglementaires, tout cela à moindres coûts car il est évident que ces installations ne vont pas nous rapporter d’argent ».

Anti- retour et anti- débordement pour le remplissage

Du choix du lieu de manipulation découlent certaines obligations en termes d’équipements.

Pour le remplissage, quel que soit l’endroit de manipulation, vous devez être équipés de systèmes anti-retour et anti-débordement.

Les systèmes anti-retour ont pour but d’éviter le retour de bouillie vers l’alimentation en eau. Il peut s’agir d’un clapet, d’une potence ou d’une citerne intermédiaire.

Les systèmes anti-débordement sont, quant à eux, des citernes intermédiaires dont le volume maximal est égal au volume de la cuve, des mécanismes d’arrêt automatique tels que des volucompteurs ou des jauges ou capteurs électroniques reliés à l’arrivée d’eau ou, enfin, des systèmes d’alarme visuels ou sonores ou des systèmes « no stress » (par exemple, les pistolets que l’on est obligé d’actionner pour que l’eau s’écoule).

Dilution au 100e pour le rinçage au champ et sur aire enherbée

La dilution au 100e des fonds de cuves (c’est-à-dire jusqu’à ce que la concentration initiale en matières actives soit divisée par 100) est obligatoire avant vidange au champ ou sur aire enherbée. Dans ce cas, il est donc nécessaire d’être équipé d’une cuve d’eau claire embarquée ou connectable au pulvérisateur. Cette cuve doit être d’une taille suffisante pour diluer le fond de cuve au 100e, effectuer le nettoyage de la cuve et, éventuellement, nettoyer l’extérieur du pulvérisateur. Son volume est au minimum équivalent à 10 % de la cuve principale si le pulvérisateur possède un girolaveur ; ou à 20 % de celle-ci s’il ne possède pas de système de rinçage interne.

« Pour le nettoyage externe au champ, en plus de la cuve d’eau claire, il faudra également avoir à disposition un kit de lavage composé d’une lance raccordée à une pompe ainsi qu’un tuyau d’une longueur suffisante. Des kits de lavage embarqués existent sur certains modèles de pulvérisateur. Il est aussi possible de s’équiper avec un kit de lavage autonome ».

Sur aire enherbée

Lors de manipulations sur aire enherbée, les équipements nécessaires au remplissage ainsi que les règles de dilution sont identiques au travail en champ. Pour le nettoyage interne et externe du pulvérisateur, l’aire enherbée ne nécessite pas d’équipements spécifiques et rien n’est obligatoire au niveau de la réglementation. « Il faut toutefois veiller à disposer de suffisamment d’eau et du matériel nécessaire à la bonne réalisation des opérations de remplissage et/ou de nettoyage du matériel ».

Par contre, l’aire enherbée devra présenter des caractéristiques précises :

– Il s’agira d’une aire plane  ;

– recouverte d’une végétation herbacée permanente non pâturée : « L’objectif est d’avoir un couvert végétal présent pour éviter le ruissellement en dehors de la zone. Néanmoins, du fait de l’utilisation de grosses machines dans des conditions pas toujours idéales, il devra nécessairement avoir des petites tolérances. La couverture ne sera sans doute pas toujours à 100 %. Le problème est que l’appréciation du seuil dépendra du contrôleur. Si la végétation est dégradée, il faut donc prévoir de changer de place l’aire enherbée » ;

–  clairement identifiée  : « Pour répondre à cette exigence, il est conseillé de dessiner l’aire sur une photo aérienne ou un plan que l’on conserve chez soi. Il ne s’agit pas de décider de son emplacement au moment du contrôle. Cette zone ne doit par contre pas être dessinée dans la déclaration PAC et peut appartenir à une parcelle déclarée » ;

– Les dimensions minimales de l’aire enherbée (mais aussi de l’aire étanche, voir ci-après) sont égales à l’encombrement de la machine rampes rempliées (uniquement le pulvérisateur, le tracteur n’est pas compris) auquel on ajoute 150 cm de chaque côté,

– L’aire enherbée (ainsi que l’aire étanche et les éventuelles installations de stockage ou de traitement qui l’équipent) ne peut être située à moins de 10 m d’habitations de tiers, à moins de 10 m de tout point d’entrée vers les égouts, les eaux de surface et les eaux souterraines, et à moins de 5 m de la voie publique.

Sur aire étanche

L’aire étanche doit être résistante physiquement et chimiquement aux produits phytopharmaceutiques afin d’empêcher toute infiltration dans le sol. « Les documents attestant de l’étanchéité du matériau utilisé doivent être conservés (par exemple une facture mentionnant les caractéristiques du béton) ».

Les dimensions minimales de l’aire étanche ainsi que sa situation par rapport aux habitations, eaux et voies publiques sont identiques à celles de l’aire enherbée. Néanmoins, ces distances et dimensions minimales ne s’appliquent pas pour les aires aménagées avant le 5 juillet 2019. « Il est également conseillé d’anticiper l’évolution du matériel et l’implantation des installations de stockage et/ou d’un système de traitement. Si l’aire est utilisée pour rincer et/ou nettoyer le pulvérisateur, ses dimensions doivent être adaptées aux pratiques réelles, aux rampes dépliées par exemple ».

Si l’aire étanche est utilisée uniquement pour le remplissage, aucun système de collecte des effluents n’est obligatoire. « Nous recommandons toutefois d’entreposer, à proximité de l’aire étanche, de la matière absorbante pour récupérer des épanchements accidentels ». Les systèmes anti-retour et antidébordement à utiliser sont les mêmes qu’au champ ou sur aire enherbée.

Séparation des eaux

Si la dalle étanche est utilisée pour le nettoyage interne et externe du pulvérisateur et n’est pas couverte (hangar/ préau), un système de séparation des eaux de pluie et des effluents phyto est à prévoir. « Les eaux et effluents sont collectés en un point bas. Pour le système de séparation, il y a une obligation de résultat mais pas d’obligation de moyens. Il peut donc s’agir d’un bouchon interchangeable que l’on place sur l’un des deux orifices de sortie de la dalle (eaux de pluie ou effluents). Si le pulvérisateur est présent, on place le bouchon de manière à s’assurer que les phytos partent vers le système de stockage des effluents sinon, le bouchon empêche le passage des eaux de pluie vers la chambre des effluents. On peut aussi utiliser un tuyau souple amovible ou un coude pour conduire chaque type d’eau dans la bonne direction. Le système peut être manuel comme automatisé. S’il est manuel, afin d’éviter toute erreur de manipulation, il est recommandé de prévoir une mise en évidence des consignes d’utilisation de l’aire ou encore un signal sonore ou lumineux ».

Stockage des effluents phyto

Les eaux polluées par les produits phytopharmaceutiques déversées sur l’aire étanche doivent être dirigées soit vers une citerne de stockage dans l’attente d’un traitement par un prestataire externe ou d’un enlèvement par un collecteur agréé , soit vers un système de traitement (lit biologique, biofiltre, Heliosec, Sentinel) éventuellement précédé d’une citerne de stockage tampon.

Le système de stockage peut dépendre du système de traitement éventuel mais il doit être étanche, résistant à la corrosion, dépourvu de trop-plein et stable .

Il doit être dimensionné sur base du volume total d’effluents et de la capacité de traitement ou la fréquence d’enlèvement. « La preuve de son dimensionnement doit être conservée. Celui-ci peut être réalisé par vos soins ou avec l’aide de l’équipe de Protect’eau. Comme pour l’aire étanche, les distances minimales d’implantation doivent être respectées sauf si le système de stockage a été installé avant le 5 juillet 2019 ».

Traitement et usages multiples de l’aire étanche

Le choix du système de traitement est libre  : « Les aménagements collectifs sont autorisés. Il doit être correctement dimensionné, avec preuve à l’appui comme pour le stockage, et les distances d’implantation doivent également être respectées, sauf si le système a été installé avant le 5 juillet 2019 et déclaré avant le 5 janvier 2020 ».

Outre le remplissage et le nettoyage du pulvérisateur, l’aire étanche peut aussi être utilisée pour le ravitaillement en hydrocarbures ou le lavage des machines agricoles  : « Le tout est d’être capable de séparer les différents types d’eaux ou polluants et de les gérer dans le respect des législations. L’aire ne peut pas être utilisée simultanément pour plusieurs usages et les différentes réglementations en vigueur doivent être respectées ».

Par ailleurs, les lavages sur fumières ne sont pas autorisés  ; « C’est une question qui est souvent posée mais cette possibilité n’est pas prévue par la réglementation et certains professionnels rapportent des problèmes de phytotoxicités ».

Notons aussi qu’en zone de prévention captage (zone lla et liB), les opérations de manipulation des produits phyto doivent obligatoirement avoir lieu sur une surface étanche avec un système de récupération des liquides.

Sur le plan administratif

Tous les utilisateurs professionnels de PPP sont invités à faire part de leur choix concernant le lieu où les produits phyto sont manipulés dans la déclaration PAC 2020 . Pour les personnes qui ne remplissent pas la PAC, il est également possible de la faire via un formulaire (annexe 3 de l’AGW du 11/07/2013) disponible sur le site de Protect’eau.

La manière dont les effluents phyto sont gérés doit être consignée dans un registre . Ce registre doit être complété par toutes les personnes qui pulvérisent. Il doit reprendre les informations suivantes : le type d’opération (ex : nettoyage interne/externe du pulvérisateur), la date, le nom de l’opérateur, les PPP présents dans l’effluent. Si l’opérateur stocke ou traite des effluents phyto, il convient d’ajouter les données suivantes : la quantité d’effluent stockée, traitée ou enlevée, la méthode de traitement et le type d’opération réalisée sur le système de traitement (y compris maintenance, renouvellement du substrat, réparation, stockage, traitement ou enlèvement d’effluent).

Le registre peut prendre diverses formes : carnet de champ, classeur de factures… « Dans certains cas, il s’agit uniquement d’indiquer le nettoyage, l’opérateur et les volumes d’eau utilisés dans le carnet de champ ».

La réglementation étant déjà en vigueur, Armelle Copus conseille aux agriculteurs de prendre leurs dispositions dès aujourd’hui : « D’autant plus que vous devez prochainement les renseigner dans la déclaration PAC».

Propos recueillis par D. Jaunard

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