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Une sélection rigoureuse, pour une croissanceet une santé optimales

Créer une variété de betterave sucrière compétitive, satisfaisant les producteurs et l’industrie, demande du temps et de l’expertise. Toute graine semée doit se développer en une plante saine présentant de bonnes caractéristiques, notamment en matière de résistance et rendement en sucre. SESVanderHave évalue donc minutieusement chaque variété potentielle en fonction de ses qualités avant une éventuelle commercialisation.

Temps de lecture : 8 min

Situé à Tirlemont, le siège social de SESVanderHave s’est considérablement étendu ces dernières années, notamment avec la construction du SESVanderHave Innovation Center (Svic). Celui-ci constitue le cœur des opérations de sélection betteravière de l’entreprise. Le travail y est soigné et méticuleux. La quête de meilleures caractéristiques de production et d’une résistance accrue aux maladies rythme le quotidien des chercheurs.

L’entreprise investit d’ailleurs 18 % de son chiffre d’affaires en recherche et développement. Environ un tiers de ses 680 employés (à l’échelle mondiale) travaille dans ce département. « La création continue de nouvelles variétés compétitives et résistantes constitue notre activité principale », explique Stephan Gilis, Head Product Manager.

Des variétés pour le monde entier

Le développement d’une nouvelle variété requiert de franchir de nombreuses étapes. Avant le processus de sélection à proprement parler, la demande du marché est examinée. « Nous sommes présents partout où la betterave sucrière est cultivée. Nous prenons en compte non seulement les conditions de production, mais aussi les demandes et besoins des agriculteurs et de l’industrie dans une cinquantaine de pays. »

« Nous devons présager l’avenir sans savoir ce qu’il se passera durant le processus de sélection. Il suffit de penser au retrait des néonicotinoïdes décidé par l’Union européenne… Nous devons aussi anticiper les changements climatiques et les sécheresses qui les accompagnent. Dans un futur proche, nous serons peut-être confrontés à d’autres maladies ou parasites. Et cela diffère d’une région du monde à l’autre. » Ce n’est qu’après l’analyse du marché qu’un plan d’action est mis sur pied. Son but : répondre à la question « Quelle variété développer pour tel ou tel marché ? ».

Un complexe innovant

Le chemin à parcourir pour produire une variété commercialisable est assez long. Huit ans s’étalent généralement entre le début des recherches et la mise sur le marché. « Les premières étapes de ce long processus se déroulent dans le Svic. Grâce aux nouvelles techniques dont nous disposons, nous pouvons étudier davantage de jeunes plants et ce, plus rapidement », détaille M. Gillis.

Le complexe a été mis en service en 2016. Les serres s’étendent sur environ 2 ha. Paul Kempeneers, responsable opérationnel de la production de semences, nous guide à travers les lieux : « Grâce à un contrôle précis et poussé des conditions climatiques, nous pouvons simuler toutes les saisons et n’importe quel événement climatique. » Et de poursuivre : « Pour l’irrigation, nous utilisons différents systèmes comme des tables de cultures à fond irriguant, des rampes d’arrosage ou des dispositifs individuels de goutte à goutte. Le tout, avec ou sans engrais. »

Raccourcir les processus de sélection

Lors de sa première année de croissance, la betterave sucrière développe sa racine et y accumule du sucre. Suivent les récoltes et le transport des racines vers les sucreries. Mais si on laisse faire la nature, la betterave poursuit sa croissance aérienne et fleuri ; un processus induit par la vernalisation hivernale.

« Conduire des recherches de sélection variétale en plein air n’est pas envisageable. Ce serait trop long. Dans le Svic, nous pouvons non seulement irriguer, éclairer, ventiler et chauffer, mais aussi refroidir. Nous simulons l’hiver et réduisons ainsi un cycle de deux ans à une période de 8 à 9 mois. C’est un avantage indéniable, car cela accélère le travail des chercheurs. De plus, le bâtiment est utilisé toute l’année et nous en tirons le meilleur parti. »

Une partie des serres est dédiée à l’élevage « classique » des betteraves. Dans une autre, le personnel travaille essentiellement sur la résistance et la tolérance aux maladies et sur la lutte contre les insectes. Ces opérations se font dans des conditions très contrôlées afin d’éviter la propagation des maladies testées.

« Les agriculteurs de monde entier souhaitent disposer de plus en plus de variétés résistantes à une ou plusieurs maladies. C’est donc un domaine de recherche très important pour nous. Nous utilisons d’ailleurs des marqueurs génétiques nous permettant de détecter certaines résistances aux maladies, telle que la rhizomanie, ou aux nématodes. »

En pratique, un petit échantillon de feuille est prélevé sur chacune des plantes suivies, soit des millions chaque année. Le prélèvement est analysé afin de vérifier que le marqueur en question est toujours présent et correspond bien à la maladie étudiée. « Les maladies s’adaptent. Nous devons vérifier régulièrement que nos marqueurs restent conformes aux situations observées au champ. Par exemple, la rhizomanie d’aujourd’hui n’est pas celle d’il y a 20 ans. »

Aussi des semences génétiquement modifiées

SESVanderHave produit également des semences de betterave génétiquement modifiées. Il faut dire que le marché américain dope la demande : plus de 95 % des semences utilisées sont RoundUp Ready.

Les recherches en la matière sont conduites dans une zone particulièrement bien isolée du reste du bâtiment. « Nous sommes autorisés à travailler sur des organismes génétiquement modifiés pour autant que nous soyons dans des conditions strictement contrôlées. Le personnel reçoit donc une formation spéciale. Les salles de travail sont en sous-pression pour éviter que le pollen ne s’échappe vers l’extérieur et l’air extrait est filtré. Quand aux graines, elles sont envoyées à nos collègues américains », éclaire Paul.

Nouveau système logistique

L’été dernier, le Svic a été doté d’un nouveau système logistique très performant. « Nous savons maintenant où se trouve chaque plante en permanence. L’automatisation augmente l’efficacité du travail. »

Les semis se font sur des plateaux qui se déplacent automatiquement vers une zone du Svic dédiée à la germination. Après une dizaine de jours, ces plateaux retournent dans la zone de travail où les plantes germées sont automatiquement transplantées à l’aide d’un robot. Quelques jours plus tard, un échantillonnage est effectué. Sur base des résultats obtenus suite à l’analyse des marqueurs génétiques, il est décidé quelles plantes sont conservées ou non.

Un robot assure le repiquage des plants admis au processus de sélection.
Un robot assure le repiquage des plants admis au processus de sélection.

Le robot s’assure que seules les plantes choisies sont transplantées dans de plus grands pots. Après une nouvelle période de croissance dans la serre, les plantes sont vernalisées. L’éclairage led garantit qu’elles restent saines et compactes tout au long de leur parcours.

La vernalisation induit la floraison et la production des graines. Chaque semaine, 1.000 plantes sont vernalisées grâce à l’automatisation du processus.

Des croisements… à la variété souhaitée

Huit sélectionneurs travaillent dans le Svic, chacun étant spécialiste d’une région du monde où les betteraves sont cultivées différemment, selon le climat, le type de sol, les pathogènes rencontrés… Ils déterminent quels hybrides doivent être produits.

Paul : « Chaque année, nous réalisons environ 5.000 nouveaux croisements sur base de leurs informations. Lorsque nous disposons des deux lignées parentales souhaitées (dont l’information génétique est entièrement connue) au stade de la floraison, nous réalisons une castration manuelle de la plante femelle. Le but : lui retirer ses organes reproducteurs mâles pour qu’elle assure le rôle de plante mère. C’est un travail extrêmement méticuleux. Pour chaque fleur, les cinq étamines sont retirées manuellement. La plante est ensuite associée avec le pollinisateur souhaité, donc la lignée mâle, dans un « manchon de pollinisation ». En son sein se déroule le croisement F1. »

Les graines de génération F1 sont récoltées et semées. Les caractéristiques de ces nouvelles plantes sont vérifiées via le prélèvement et l’analyse d’un échantillon de feuille. Sont-elles vraiment des descendantes issues du croisement effectué ? Ont-elles les propriétés attendues ? Les analyses doivent répondre à ces questions. Environ 80 % des plantes sont éliminées ; seuls les individus conformes aux attentes sont conservés. Leur croissance se poursuit jusqu’à vernalisation et floraison.

Dans les premières étapes de sélection, certaines opérations se déroulent manuellement, ce qui demande un haut niveau de spécialisation.
Dans les premières étapes de sélection, certaines opérations se déroulent manuellement, ce qui demande un haut niveau de spécialisation.

De nouveaux croisements sont alors réalisés, par autofécondation. Les plantes sont enveloppées dans un manchon étanche au pollen « extérieur » pour éviter toute contamination croisée. Environ 15.000 plantes sont produites chaque année de cette manière. Entre 20 et 30 g de semences sont récoltées et replantées. Après germination et croissance, une sélection est à nouveau effectuée sur base de marqueurs génétiques. Une nouvelle fois, seules les plantes conformes sont conservées.

Après vernalisation, celles-ci sont envoyées en France et aux Pays-Bas. Elles sont entourées de partenaires féminines pour la production d’hybrides qui seront semés en champs d’essais, dans des régions où la culture de la betterave revêt une grande importance. Ces variétés sont semées avec les meilleures variétés commerciales utilisées localement, pour vérifier qu’elles présentent de meilleures performances.

En fin de saison, les racines sont récoltées à l’aide d’un matériel de recherche spécifiquement conçu pour mesurer le rendement de chaque variété. La concentration et la pureté du sucre sont également analysées pour calculer le rendement en sucre.

Prêtes pour le champ

En fin de parcours, les sélectionneurs disposent de ces premiers résultats concrets. Entretemps, les nouvelles variétés ont aussi été testées pour leur germination, leur résistance… « Seules les meilleures poursuivent les tests, durant un an encore. À leur terme, SESVanderHave enregistre les variétés les mieux cotées afin qu’elles participent aux essais officiels gérés, en Belgique, par l’Irbab. »

Ces essais durent entre deux et trois ans. Ce n’est qu’à l’issue de ceux-ci, pour autant que les résultats obtenus soient favorables, que l’entreprise obtient l’autorisation de mettre ses variétés sur le marché. « En tant que sélectionneur, vous devez constamment proposer des nouveautés. Une variété n’est au sommet que pendant un nombre limité d’années. Après environ quatre ans, elle est dépassée par de nouvelles venues. »

En fin de production, les semences reçoivent une pellicule bleue, caractéristique de SESVanderHave.
En fin de production, les semences reçoivent une pellicule bleue, caractéristique de SESVanderHave.

« Ce processus est donc relativement long – il s’étale sur environ huit à dix ans – mais il est aussi fascinant », conclut Paul Kempeneers.

D’après Anne Vandenbosch

Photos : SESVanderHave

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