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La synchronisation des chaleurs,pour plus de flexibilité dans la gestion des naissances

Chaque élevage ovin peut avoir ou non une vision ou une méthode de travail particulière en ce qui concerne la période d’agnelage. Si on laisse la nature suivre son cours et que le bélier rejoint le troupeau toute l’année, la période de reproduction et de naissance s’étendra sur 4 à 5 mois, selon la race. Si certains élevages veulent des agneaux précoces, la plupart d’entre eux visent à obtenir le plus grand nombre d’agneaux par brebis et/ou à réduire au maximum ladite période.

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Afin de mettre en œuvre une certaine politique d’exploitation, il est important de bien comprendre les facteurs qui influencent l’activité sexuelle des ovins. Nous reviendrons brièvement sur les principes de base dont nous avons parlé dans un article précédent.

La grande majorité des races ovines ont une saison d’œstrus et d’anœstrus (aucune chaleur). Cette périodicité est liée à la modification de la durée des jours. En période d’anœstrus, le niveau d’hormones sexuelles est faible et augmente progressivement pour atteindre un optimum après le 21 juin, le jour le plus long. Ceci vaut autant pour le géniteur que pour la reproductrice. Notons qu’en été, le bélier perd de son appétit sexuel et sa production de semences est nettement plus faible. Les températures élevées, telles que nous les avons connues cet été, sont également désastreuses pour la qualité du sperme.

Après le 21 juin, le premier œstrus de la brebis se produit avec un certain retard. Parfois, ce premier rut est silencieux, avec ovulation, mais où la brebis ne cherche pas le bélier. La première chaleur est la moins fertile, exprimée en nombre d’agneaux par brebis. La fertilité est optimale pour la plupart de nos races lors de l’accouplement entre octobre et début novembre. Pour les brebis non gestantes, la saison de l’œstrus se poursuit jusqu’en février-début mars, mais plus on avance dans le temps, plus la fécondité diminue progressivement. Le début de la saison des chaleurs dépend de la race, mais il existe également une grande variation entre les brebis d’une même race. Les agnelles sont moins fertiles, ont généralement des chaleurs tardives, et des œstrus plus courts

Le moment de la lutte a son importance

Selon la race, le taux de mortalité des agneaux autour du partum peut augmenter considérablement si l’éleveur n’effectue aucun contrôle. C’est pourquoi la durée de la période des chaleurs est une question importante tant il est nécessaire d’assurer une surveillance 24h/24. Comme mentionné ci-dessus, dans une ferme où le bélier est toujours avec les brebis, la période de naissance s’étale sur quatre mois, surtout lorsque des agnelles sont présentes dans le troupeau.

Si l’on veut des agneaux précoces, on peut essayer d’utiliser l’« effet bélier ». Si le géniteur est éloigné du troupeau et ensuite intégré au groupe troupeau pendant la seconde moitié du mois d’août, cet effet de choc provoque un premier œstrus dans une partie importante du troupeau et les naissances peuvent alors se concentrer sur une période de trois semaines. Toutefois, cette méthode a un inconvénient : les premières chaleurs sont toujours le moins fertiles.

Si l’on s’efforce à obtenir un maximum d’agneaux nés en un temps relativement court (2-3 semaines), on ne laisse le mâle avec les brebis que la première semaine d’octobre. Si l’on veut concentrer encore plus les naissances en raison de l’impossibilité d’être proche du troupeau pendant la période d’agnelage, il faut passer à une synchronisation artificielle des chaleurs.

L’éponge pour synchroniser les chaleurs

La forme courante de regroupement des œstrus est réalisée artificiellement à l’aide d’éponges vaginales. Cette technique nécessite des connaissances et de la précision pour la mener à bien. Outre la méthode de travail, il est impératif que l’état des brebis soit bon. L’état peut être évalué par la palpation du dos de l’individu. Un dos plat au niveau de la colonne vertébrale signifie un bon état, un dos affaissé avec des os saillants indique un état trop maigre. En règle générale, même en cas d’accouplement naturel, les brebis trop maigres ont des difficultés de gestation et des petites portées.

Pour synchroniser les chaleurs, une éponge imbibée de progestérone est inséré délicatement dans le vagin des brebis, et ce de manière hygiénique. Pour ce faire, l’éleveur a besoin d’un applicateur, d’un désinfectant utilisé aussi comme lubrifiant. La brebis doit être propre autour de la zone concernée. Il faut ensuite préparer un seau d’eau tiède additionnée d’un désinfectant ; tremper l’applicateur après chaque brebis. En utilisant deux applicateurs, l’un se désinfecte le temps que l’on utilise l’autre. Changer l’eau toutes les 50 brebis, voir toutes les 25 si salissures (brebis présentant des diarrhées ou non tondues). Ensuite, il faut introduire l’applicateur doucement en l’inclinant et libérer l’éponge en poussant sur le poussoir. Avec une éponge bien posée, la longueur de la ficelle qui dépasse doit être relativement courte. Il n’est donc pas nécessaire de la couper. Cela doit permettre d’éviter la perte de l’éponge.

Cette technique induit un regroupement des chaleurs au moment voulu. En période de chaleurs, les éponges restent dans le vagin pendant 14 jours. En période d’anœstrus, la durée de la pose peut être réduite à 10 ou 12 jours. Lors du retrait, en tirant doucement sur les cordes de nylon, on administre généralement de la FSH (hormone folliculo-stimulante)=(Folligon).

La progestérone contenue dans l’éponge a un effet négatif sur la fertilité, c’est pourquoi il est suggéré d’administrer un FSH de 400 UI (unités internationales) par brebis pendant la saison de rut. En dehors de ladite saison, ce dosage peut être plus élevé (600 à 1000 UI). Cette hormone assure la maturation et la fécondation d’un plus grand nombre d’ovules. Des recherches ont montré que des doses élevées chez des races très fertiles, comme les brebis laitières, n’ont aucun effet positif sur la fertilité. Par contre, pour les animaux de type Texel, swifters… cela s’avère efficace pour autant que celles-ci ne soient pas exagérées.

Après le retrait de l’éponge et l’administration de l’hormone, les brebis peuvent être accouplées 48 heures plus tard. Des recherches ont montré que l’accouplement après 48 et 56 heures donne de bons résultats. Certaines brebis entrent en œstrus dès 24 heures après le retrait de l’éponge, mais il est préférable de garder le bélier à distance des brebis jusqu’à 48 heures après.

Gestion de l’accouplement

Le succès de cette synchronisation est fortement lié à la gestion de l’accouplement. Un bélier a une certaine quantité de sperme en stock à un moment donné. L’astuce consiste à répartir ce sperme aussi uniformément que possible au niveau des reproductrices. Si le bélier est laissé avec les brebis immédiatement après la mise en liberté, les brebis « précoces » entreront en lutte à plusieurs reprises, au détriment des tardives. En outre, certains béliers ont une préférence pour une série de brebis, ignorant ainsi les autres. Ce qui peut amener à un nombre de gestation plutôt défavorable. L’utilisation de jeunes mâles pour la synchronisation de l’œstrus n’est pas recommandée en raison de la faible capacité de fertilisation.

C’est pourquoi il est recommandé – dans la mesure du possible – d’amener individuellement les brebis à la lutte. Cela signifie que chaque brebis sera saillie efficacement et que le bélier pourra se reposer pendant 20 minutes. Il est préférable d’utiliser un système d’enregistrement afin de pouvoir tout contrôler proprement. À noter qu’il est préférable d’accoupler chaque brebis deux fois avec un intervalle d’environ huit heures.

Il faut garder à l’esprit que si l’on synchronise les chaleurs de ses brebis, avec un seul bélier disponible, cela peut s’avérer très risqué. Il faut compter 6 à 10 femelles par géniteur. Un bélier peut soudainement se blesser, devenir boiteux au moment de la lutte. Il peut aussi, surtout en dehors de la saison de reproduction, ne pas avoir envie de s’accoupler, voire être infertile. D’où l’idée d’avoir 2 ou 3 béliers, dont on connaît exactement l’origine, toujours disponibles.

Si chaque brebis est saillie par 2 béliers différents, on réduit considérablement le risque de non-gestation. Si plusieurs reproducteurs sont présents, on peut également synchroniser un groupe de brebis plus important. En saison de reproduction, les brebis non gravides sont de nouveau amenées au bélier après 17 jours. En dehors de ladite période, il faut attendre la période de naissance prévue ou effectuer un contrôle de gestation pour pouvoir expliquer pourquoi on n’a pas réussi à avoir certaines brebis pleines.

Tout dépend de la volonté de l’éleveur

Le principal objectif de la méthode : réduire considérablement la période d’agnelage. Habituellement, la plupart des brebis mettent bas entre le 144e et le 146e jour après l’accouplement, mais en pratique, cela peut aller du 138e au 152e jour. La synchronisation est là pour l’essentiel, mais elle n’est pas complète. On constate également que (hors saison) en été, les naissances arrivent quelques jours plus tôt qu’en hiver et au printemps. Certaines brebis se préparent alors moins bien. D’un point de vue commercial, il faut disposer d’un nombre suffisant d’aires de reproduction pour faire face à la vague de naissances. Un côté positif: plusieurs agneaux peuvent être transférés plus facilement d’une brebis à une autre mère en cas de besoin.

Si l’éleveur utilise correctement les éponges, après l’accouplement de ses animaux, l’éleveur peut s’attendre à avoir de 85 à 90 % de ses brebis pleines pendant la saison des chaleurs, surtout si les mères sont en bonne condition. En période d’élevage, ce taux peut être de 75 à 80 %. Les mois de mai, juin et jusque la mi-juillet doivent être évités pour ne pas induire des résultats de gestation décevants, suite à une longue période d’anœstrus. Il serait utile de faire davantage de recherches scientifiques ici pour voir si l’on peut y remédier.

En termes de taille des portées, à condition que la dose de FSH soit adaptée à la saison de reproduction, on peut obtenir en moyenne les mêmes résultats qu’avec un accouplement naturel.

Notons que l’utilisation d’éponges n’est conseillée chez les jeunes femelles qu’à partir d’un poids minimal de 45 kg. L’éponge doit être posée avec précaution en raison de l’étroitesse du vagin. La dose de FSH devrait être légèrement inférieure à celle des brebis adultes (350 UI en saison de rut, 500 à 600 UI hors saison). Et l’accouplement doit commencer plus tôt, c’est-à-dire 40h après le retrait. Si ces règles sont scrupuleusement respectées, les chances de succès sont également assez élevées.

L’autre avantage de la synchronisation ? La disponibilité des agneaux en dehors de la saison normale, mais chaque avantage a son inconvénient. Voici les coûts. la pose et le retrait de l’éponge doivent être effectués en avec l’aide d’un vétérinaire. Outre les frais de visite, il y a les frais de produit, qui varient entre 14 et 20 € par brebis. Il appartient à chacun de déterminer si les objectifs commerciaux, les résultats à atteindre ou le gain de sommeil compensent ce coût supplémentaire.

Nos races ovines classiques avec une portée tous les 12 mois ne se prêtent pas à une gestion flexible. Avec la synchronisation de l’œstrus, l’éleveur a plus de flexibilité durant l’année pour ses agnelages. Dans ce cas, chaque éleveur doit peser le pour et le contre de la méthode.

D’après André Calus

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