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«Pas de mécanique compliquée, n’est-ce pas un gage de sécurité?», vantait SFV au sujet du 402

Grâce à cette série « A travers les prospectus d’époque… », il nous est aujourd’hui donné de partir à la découverte d’un modèle français emblématique : le Société Française de Vierzon type 402. Caractérisé par sa robustesse, sa simplicité et sa fiabilité, il se distingue aujourd’hui encore par sa mécanique singulière de tracteur à boule chaude

Temps de lecture : 8 min

Le tracteur à boule chaude… le Graal pour nombre de collectionneurs. Qu’il s’agisse d’une production allemande avec Lanz, italienne avec Landini, hongroise avec HSCS, ou française avec SFV pour ne citer que les principales marques européennes, ces tracteurs se révélèrent être naguère de véritables bêtes de somme dans les moyennes et grandes exploitations agricoles ou les entreprises de battage. Aujourd’hui, ils ne cessent d’attiser la curiosité des non-initiés en raison de leur mécanique singulière et de susciter la convoitise des connaisseurs.

Le démarrage de leur moteur est un véritable rituel au cours duquel différents actes doivent être posés, chacun revêtant son importance. Livré d’origine avec une lampe de chauffe à essence, celle-ci devait être enflammée et portée à hauteur de la boule chaude à l’avant du tracteur pour élever la température de cette dernière pendant de longues minutes. L’opérateur profitait de ce laps de temps pour ouvrir le robinet de carburant, placer l’accélérateur manuel en position adéquate, actionner la pompe à main ainsi que la manivelle de graissage.

Une fois la boule chaude portée à température, l’opération de démarrage proprement dite pouvait être conduite, par balancement manuel du volant d’inertie situé sur le côté droit du véhicule. Cette procédure de démarrage a, par la suite, pu être simplifiée par l’ajout d’une bobine et d’une bougie mais la mise en rotation du moteur devait alors se faire à l’essence.

Un moteur monocylindre semi-diesel

C’est en 1933 que la Société Française de Vierzon (SFV), jusque là spécialisée dans la construction de locomobiles, batteuses et autres équipements agricoles, étudie pour la première fois la conception d’un tracteur. La structure retenue repose sur un moteur monocylindre horizontal semi-diesel. Différents modèles seront produits sur cette base dans les années qui suivront. Ceux-ci bénéficieront bien entendu d’évolutions au gré des ans et seront déclinés en différentes versions et puissances.

Le SFV 402, développant une puissance à la traction de 40 ch et de 45 ch à la poulie pour un poids de 2.900 kg sans masses d’alourdissement, fut produit de 1953 à 1958. Dans le prospectus de présentation du 402, la SFV insiste d’emblée sur le caractère simple et économique de son moteur semi-diesel à deux temps : celui-ci « ne comporte ni soupapes, ni poussoirs, ni ressorts de rappel, ni arbre à cames, ni carburateur, ni magnéto, etc. qui sont la source fréquente de pannes », peut-on y lire.

Le nombre réduit de pièces en mouvement, les faibles pressions du cycle et la lente vitesse de rotation du moteur sont autant d’éléments concourant à la réduction de l’usure, de la fatigue des organes, et donc des coûts d’entretien et d’utilisation. Qui plus est, ce moteur semi-diesel offre à son propriétaire un vaste choix de carburants, lui procurant ainsi la possibilité d’opter pour le moins cher d’entre eux et la garantie de toujours pouvoir faire le plein. À titre d’exemples, le constructeur mentionne la capacité du moteur à être entraîné par des combustibles tels que fuels-oils, huile de schiste, huile de bois, huile de houille, huile de vidange, huiles végétales…

Dans le prospectus du 402, SFV insiste sur le caractère simple et économique de son moteur semi-diesel développant une puissance à la traction de 40 ch et de 45 ch à la poulie.
Dans le prospectus du 402, SFV insiste sur le caractère simple et économique de son moteur semi-diesel développant une puissance à la traction de 40 ch et de 45 ch à la poulie.

Ce moteur, reposant donc sur un seul cylindre disposé horizontalement, présente une importante cylindrée de 10,340 l, l’alésage étant de 225 mm et la course de 260 mm tandis que le rapport volumétrique de compression est de 6,6. Comme signalé plus haut, la rotation du moteur est particulièrement lente puisque le régime nominal est de seulement 630 tr/min.

L’alimentation du moteur en carburant est assurée par des organes conçus spécifiquement par le constructeur. Au rang de ceux-ci figure la pompe à un seul piston plongeur à axe horizontal, générant des pressions d’injection de 20 à 40 kg/cm². Un régulateur de ralenti participe aux économies de carburant. L’injecteur SFV à jet réglable procure une pulvérisation efficace de tous les combustibles, en ce compris les plus lourds. Le système de refroidissement, dont la capacité atteint 65 l, se compose d’un radiateur à thermo-siphon doté d’un ventilateur.

Le moteur peut être mis en marche soit par chauffe de la boule chaude, ce qui lui permet de démarrer directement au fuel, soit via une bougie électrique de démarrage pour un départ à l’essence. L’échappement est lui muni d’un silencieux et d’un pare-étincelles, accessoire bien utile pour éviter des départs de feu sur les chantiers de battage par exemple.

Dans les entrailles de l’engin

Une vue en coupe longitudinale du tracteur prend place au centre du prospectus, laissant le lecteur accéder aux entrailles de l’engin et mettant en évidence les six avantages principaux de cette construction générant, selon la SFV, plus de 30 % d’économie.

Par l’intermédiaire de cette illustration, il nous est donné l’opportunité de découvrir le fonctionnement de ce fameux moteur. En tête de cylindre se trouve la boule chaude qui joue aussi le rôle de chambre de combustion et dont le sommet est en lien avec le canal d’injection. À l’opposé du piston, le carter accueillant le vilebrequin dispose de clapets s’ouvrant et se fermant pour laisser y entrer l’air frais passé au préalable dans un filtre chargé de le débarrasser des impuretés éventuelles.

L’air ainsi entré dans le carter est poussé, sous l’effet des variations de pression induites par le déplacement du piston vers l’arrière, dans un conduit parallèle situé au-dessus du cylindre. Par celui-ci, l’air accède à la chambre de combustion où il est ensuite mélangé au carburant injecté. Le retour du piston vers la chambre de combustion a pour effet d’obturer la lumière de ce conduit, empêchant l’air de sortir, et d’accroître la pression jusqu’à ce que l’auto-allumage du mélange se produise.

Cette vue en coupe est précieuse pour appréhender cette mécanique singulière.
Cette vue en coupe est précieuse pour appréhender cette mécanique singulière.

Sous l’effet de l’explosion en résultant, le piston retourne vers le carter, libérant la lumière du conduit d’admission d’air. De l’air frais entre à nouveau dans le cylindre, refoulant les gaz d’échappement vers la sortie, à travers la lumière d’échappement située sur la face inférieure du cylindre et libérée lors du recul du piston. Le déflecteur sur la tête du piston a pour mission de guider l’air frais de manière à favoriser l’expulsion des gaz d’échappement sans qu’ils ne puissent se mélanger.

La SFV annonce « le meilleur rendement mécanique »

La boîte de vitesses dispose de cinq rapports en marche avant et d’une marche arrière. Grâce à cette vue en coupe, il est aisé de constater l’absence de renvois d’angle dans la transmission, l’axe du vilebrequin étant parallèle aux différents arbres de transmission et à l’axe des roues arrière.

La SFV vante cette conception comme étant simple et efficace, lui assurant « de transmettre la puissance par engrenages droits et de bénéficier ainsi du dispositif ayant le meilleur rendement mécanique ». Il est à noter que cette ligne de transmission comporte également un différentiel avec dispositif de blocage et que la vitesse maximale d’avancement du tracteur peut être portée à 20 km/h.

Une poulie de 54 cm de diamètre et 18 cm de large, tournant au régime nominal de 630 tr/min, prend place sur le côté gauche du tracteur, directement sur l’arbre manivelle de façon à pouvoir exploiter la totalité de la puissance du moteur. À l’arrière, la prise de force possède un bout d’arbre cannelé standard tournant à 540 tr/min au régime nominal du moteur.

Le 402 rend de fiers services lors de travaux aussi lourds que le labour.
Le 402 rend de fiers services lors de travaux aussi lourds que le labour.

L’équipement électrique du SFV 402 se montre plutôt bien fourni pour un tracteur des années ’50. Outre la bobine élévatrice de tension et la bougie de démarrage à l’essence susmentionnées, il se compose d’une batterie 6 V, d’une dynamo 6 V, de phares avant (code et route), de feux de position, d’un triangle lumineux, d’une prise de courant arrière et, en option, de feux arrière.

Aussi pour les travaux forestiers

Si, dans sa documentation, la SFV présente son 402 actif dans le domaine agricole, notamment par le biais de photos prises au cours de travaux de moisson et de travail du sol, beaucoup d’exploitations forestières ont eu aussi recours à ce tracteur pour exercer leurs dures tâches. En atteste d’ailleurs la présence d’un treuil au catalogue des options : ce dernier est pourvu d’une bêche d’ancrage, d’un tambour débrayable, d’un frein sur la transmission et de 60 m de câble. Ce treuil est doté d’une capacité de traction de 3.500 à 5.000 kg. Au rayon des équipements spéciaux optionnels apparaissent des roues arrières jumelées, un toit ou une cabine, ou encore un préfiltre d’épuration d’air.

Modernité d’après-guerre

La SFV profite de la dernière page de son document commercial pour souligner la qualité de fabrication de ses matériels en s’appuyant sur quatre photographies mettant l’accent sur ses moyens de production modernes en cette période d’après-guerre. Ainsi peut-on observer une photo sur laquelle des techniciens du bureau d’études tracent les plans de futures conceptions sur des planches à dessin de grandes dimensions, ou une autre montrant le contrôle de la qualité des matières premières au sein du laboratoire.

La dernière page du prospectus vante les moyens de production  de la SFV, modernes pour l’époque.
La dernière page du prospectus vante les moyens de production de la SFV, modernes pour l’époque.

Les deux autres illustrations ont directement trait aux machines œuvrant à la fabrication des pièces dans l’usine, notamment différentes machines taillant les engrenages sous la houlette d’un seul superviseur ou encore des machines à commande électrique ou hydro-pneumatique.

Fiable, aujourd’hui encore !

Nul doute que le SFV 402 a marqué son époque et est aujourd’hui devenu un tracteur mythique. Il a évidemment pâti de la concurrence des motorisations diesel qui se sont au final révélées plus efficientes, plus souples et qui ont ainsi sonné le glas de ces moteurs semi-diesel à boule chaude dans la seconde moitié des années ‘50. Pourtant, leur robustesse et leur simplicité ont conféré à cet engin un autre atout majeur : la fiabilité.

À l’époque déjà, la SFV s’en tenait garante, avançant les arguments suivants : « Pas de mécanique compliquée, n’est-ce pas pour vous un gage de sécurité ? D’ailleurs, les faits le confirment bien puisque nombreux sont les appareils qui totalisent plus de 10.000 heures de service ». Et cette fiabilité semble avoir traversé le temps puisqu’il n’est pas rare d’entendre de nos jours des récits de collectionneurs ayant pu redémarrer sans trop de problèmes des SFV à boule chaude endormis depuis plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années, parfois dans des conditions plutôt défavorables. Et cela pour le plus grand plaisir des amateurs de boules chaudes…

N.H.

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