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A la Ferme de Way : «j’ai choisi ce métier par passion de l’élevage et des animaux»

La Famenne ce paysage aux mille visages, ils se font et se défont aussi aisément que les nuages dans le ciel puis cette lumière d’hiver qui brûle, comme une branche basse giflant le visage. À Beauraing, collée à la route, dégagée, his Way…

Temps de lecture : 8 min

Mathieu Rabeux représente la troisième génération de sa famille sur la Ferme de Way qui comporte trois sites. L’exploitation principale, axée autour d’un troupeau de 550 Blanc-Bleu-Belge, un élevage initié par son grand-père et développé par son père, qui travaille encore partiellement en association avec lui. Depuis que ce dernier a repris l’exploitation dans les années 80’, et qu’il a commencé à inscrire le bétail, « nous avons toujours suivi les évolutions que l’Awé (devenu Elévéo) nous proposait. Toutes les femelles en âge de reproduction sont génotypées et tous les animaux, qu’ils soient mâles ou femelles, sont pesés régulièrement de la naissance jusqu’à l’abattage ».

Dans son exploitation de Sevry, à un jet de pierre de Beauraing, Mathieu Rabeux développe ce qu’il appelle « une activité d’élevage secondaire » avec une étable de bovins et une autre dédiée aux ovins comprenant une quinzaine de mères.
Dans son exploitation de Sevry, à un jet de pierre de Beauraing, Mathieu Rabeux développe ce qu’il appelle « une activité d’élevage secondaire » avec une étable de bovins et une autre dédiée aux ovins comprenant une quinzaine de mères.

« On réalise les naissances, l’élevage, la sélection, l’engraissement et la finition des bêtes sur la ferme » détaille-t-il, lui qui a décidé de développer le maillon suivant en se lançant dans la vente directe au consommateur. Les deux autres sites abritent deux poulaillers sous label « Coq des Prés » pour l’un et des étables d’ovins et d’autres bovins Blanc-Bleu-Belge pour l’autre.

« L’exploitation était initialement très intensive et j’avais envie que mes animaux aient plus de place sur le premier site sans avoir à diminuer le nombre de têtes de bétail et c’était ainsi l’occasion de m’inscrire dans une démarche de bien-être animal. J’ai donc doublé l’aire paillée pour le bétail afin d’en diminuer sa charge au mètre carré ».

Création et développement de la filière « Bocquillon »

Mathieu reprend l’exploitation familiale en 2018 après avoir achevé ses études à l’Institut Supérieur Industriel Agronomique de Huy en 2014 et travaillé à l’abattoir de Rochefort où il se concentre sur la création de filières de qualité, notamment la « Bocquillon », dont il est l’une des chevilles ouvrières et au sein de laquelle il participe activement au développement auprès des éleveurs constituant l’un des premiers regroupements d’éleveurs-sélectionneurs pour la production de viande de haute qualité supérieure.

La filière est axée sur de jeunes vaches Blanc-Bleu-Belge âgées de moins de 84 mois à l’abattage, élevées et engraissées à la ferme avec des produits majoritairement belges. « La singularité du produit vient de l’idée innovante d’incorporer un tourteau de colza de première pression à froid, produit chez Alvenat à Achêne, dans l’alimentation animale » précise Mathieu Rabeux en ajoutant que « l’aliment a été imaginé et mis au point par Philippe Collard et Manu Lange, qui était éleveur avant de devenir triturateur, avec l’aide de Jules Lanciers, à l’époque gestionnaire de l’abattoir de Rochefort, véritable berceau du projet ».

« La plupart des filières qui se sont développées par la suite se sont calquées sur ce même modèle et ce label de qualité qui tenait la route était la meilleure chose qui pouvait arriver au secteur de la viande bovine après l’affaire Veviba » souffle Mathieu.

La filière « Bocquillon » compte actuellement entre 30 et 40 éleveurs qui alimentent une quarantaine de boucheries traditionnelles.

Son travail à l’abattoir, où il a constaté que « les bouchers avaient perdu le lien avec les éleveurs et vice-versa », lui a donné l’envie d’aller plus loin puisqu’il a décidé de suivre une formation en boucherie-charcuterie à l’Ifapme.

Des moutons tondeuses et des poulets bio « Coq des Prés »

Sur sa deuxième exploitation située à Sevry, à un jet de pierre de Beauraing, Mathieu Rabeux développe ce qu’il appelle « une activité d’élevage secondaire » avec une étable de bovins et une autre dédiée aux ovins comprenant une quinzaine de mères. « Les produits partent en vente directe et pour ma consommation personnelle » développe-t-il en ajoutant que « le but premier des ovins était l’entretien du parcours extérieur de 4ha pour les poulets de chair bio. Je souhaitais que cela se fasse de la façon la plus naturelle possible. Il s’agit d’une filière vertueuse, gage de qualité pour tous mes clients ».

Mathieu veut encore aller plus loin dans sa démarche et projette d’arborer ses parcours en développant un verger avec des variétés anciennes.

Au 1er janvier 2022, les bâtiments comptaient 9.000 poulets. La moitié de sa production passe, quant à elle, par la coopérative Coprobel, une petite partie de celle-ci étant destinée à la vente directe à la ferme, où il propose, une fois par mois, également des colis de viande bovine (vache et veau).

« Le bien-être animal conditionne la qualité du produit que l’on aura dans l’assiette »

Sensible à l’image qu’il renvoie de son métier, Mathieu Rabeux, l’est aussi à l’égard du bien-être de ses animaux. Une orientation qui lui vient de son passage à l’abattoir de Rochefort où il s’est rendu compte qu’une des caractéristiques principales de qualité de la viande tenait à la manière dont sont traités les animaux sur l’exploitation.

A la Ferme de Way « on réalise les naissances, l’élevage, la sélection, l’engraissement et la finition des bêtes sur la ferme ».
A la Ferme de Way « on réalise les naissances, l’élevage, la sélection, l’engraissement et la finition des bêtes sur la ferme ».

« Dans l’élevage, le premier point, c’est la génétique, le second concerne l’alimentation, le troisième a trait à l’environnement, dont le bien-être animal fait partie intégrante. C’est lui qui va conditionner, in fine, la qualité du produit que l’on aura dans l’assiette » enchaîne Mathieu qui a travaillé avec différentes races et labels, notamment pour des clients néerlandais qui souhaitaient s’inscrire dans le label « Beter Leven », créé en 2007 à l’initiative des militants de la cause animale en réponse à l’inertie du législateur au sujet de l’amélioration des conditions de vie des animaux d’élevage aux Pays-Bas. D’abord pour les poulets, puis les bovins, le porc et les œufs, il a largement influencé l’évolution de la prise en considération du bien-être animal en Europe.

« J’ai choisi ce métier par passion de l’élevage et des animaux et cela me semblait naturel, en reprenant l’exploitation familiale, de me diriger vers davantage de bien-être animal. Ce n’est pas qu’une question de normes ou de législation, il s’agit pour moi d’une conviction profonde, en prenant soin de l’animal, on aura un produit de qualité supérieure en fin de chaîne ».

Réduction drastique des sources de stress pour les animaux

Mathieu Rabeux tente concrètement d’appliquer ses principes sur son exploitation en limitant au maximum toutes les sources de stress pour ses animaux, quel que soit le type de production. Il faut limiter la charge au mètre carré, avoir une bonne ambiance dans le bâtiment et éviter le parasitisme.

Des animaux qui ne sont pas tondus ou vermifugés en temps et en heure vont développer plus de problèmes de peau qui seront extrêmement préjudiciables et se répercuteront à la fois sur la qualité de la carcasse et sur celle de la viande.

Une mauvaise aération des bâtiments ou une surcharge au mètre carré provoquera une mauvaise atmosphère qui se reflétera par sur la croissance et la santé de l’animal. Des soucis que l’on peut gérer en optimisant la ventilation et l’accès au parcours extérieur.

Au niveau de l’élevage, Mathieu Rabeux a amélioré les conditions de vie des animaux « en ne lésinant pas sur la qualité de la litière, la disponibilité de l’eau et sa qualité, en les complémentant mais aussi en les tondant et en les déparasitant à temps ». Et d’ajouter qu’il est prépondérant de leur « ménager un accès à un parcours extérieur ».

Il en est de même au niveau de l’engraissement et de la finition car « ce sont les trois derniers mois qui joueront sur la qualité de la viande » précise-t-il en ajoutant qu’il engraisse les vaches « dans des bâtiments bien aérés, avec une très faible charge au mètre carré, de la paille en suffisance et de la nourriture à volonté et en continu, ainsi qu’une tonte complète avant la mise à l’engraissement ».

Pour Mathieu, le bien-être animal n’est pas qu’une question de normes ou de législation, il s’agit d’une conviction profonde. Une philosophie qu’il transmet déjà à la future génération...
Pour Mathieu, le bien-être animal n’est pas qu’une question de normes ou de législation, il s’agit d’une conviction profonde. Une philosophie qu’il transmet déjà à la future génération...

S’il n’est pas encore en autonomie alimentaire, il essaie d’y tendre en produisant au maximum l’alimentation pour les animaux sur son exploitation. Ce sont des cultures fourragères, maïs, luzerne, méteil et aussi des céréales, orge, froment épeautre. Si une partie essentiellement protéique doit être achetée à l’extérieur, elle le sera localement puisqu’il de tourteau de colza. « Il faut savoir que nous sommes en Famenne, et que le choix des cultures et très limité » précise-t-il en ajoutant que « le fumier est valorisé sur les cultures ».

« Nous nous situons bien au-delà de ce qui est prescrit du point de vue législatif »

« J’essaie aussi de faire un maximum de prophylaxie, je préfère prévenir que guérir. Pour éviter les problèmes de peau, je vais tondre l’animal entièrement plutôt que juste la queue et les fesses. Je vais écorner les animaux depuis le plus jeune âge afin d’éviter des soucis à l’âge adulte. »

C’est encore Mathieu Rabeux et ses aidants qui prennent en main le chargement et le transport qui sont organisés, eux aussi, dans les meilleures conditions depuis la ferme jusqu’au moment de l’abattage.

« Il faut suivre, écouter et observer ses animaux, il faut aussi essayer d’adapter au mieux son travail pour l’animal » confesse-t-il.

Marie-France Vienne

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