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Des agriculteurs s’opposent à «l’accaparement des terres par la grande distribution»

Le 15 avril, le Réseau de soutien à l’agriculture paysanne (Résap) a organisé une manifestation contre l’achat de terres agricoles par Colruyt, au siège même de la société, à Hal. L’action entendait dénoncer ce que les participants dénoncent comme « une attaque contre l’autonomie des agriculteurs ».

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L’action, conduite par le Résap et rassemblant plusieurs partenaires du Nord et du Sud du pays, a débuté au cœur de la petite ville de Hal. Pas moins de 150 agriculteurs s’y sont rassemblés, accompagnés de cinq tracteurs, en vue de faire entendre leurs revendications. Durant le parcours les menant jusqu’au centre logistique de Colruyt, les manifestants ont scandé différents slogans en français et en néerlandais afin de montrer leur désaccord vis-à-vis de la politique d’achat de terres agricoles menée, notamment, par l’enseigne. « La terre, c’est pour la nourriture, pas pour l’argent », « Le pris le plus bas, et les agriculteurs sans terre ? » reflétaient clairement l’opinion des participants.

Explosion des prix

En chemin, la colonne s’est arrêtée au Colruyt de Hal en vue de sensibiliser les clients. Divers messages ont été écrits à la craie sur le parking. Une banderole portant le slogan « Prix cassés sur agriculture brisée » a remplacé l’enseigne du magasin.

Diverses actions ont également été menées au centre de distribution du groupe. Ainsi, un tas de terre a été déversé sur place en vue de dénoncer la politique foncière qu’il mène. Divers panneaux, aux slogans sans équivoque, y ont été plantés tandis que les prises de paroles se succédaient.

Ainsi, selon Astrid Ayral, permanente à la Fédération unie des groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (Fugea) : « La grande distribution profite déjà de sa position dominante pour mettre la pression sur les agriculteurs. En s’emparant de la terre, leur principal outil de travail, elle affaiblit encore leur indépendance et leur pouvoir de négociation. On retourne à un modèle quasi féodal ».

Ces dernières années, Colruyt a acheté au moins 175 ha de terres agricoles et prairies, principalement dans le Hainaut, mais aussi à Hal. Si des agriculteurs acceptent ces achats, Wim Moyaert, agriculteur et coordinateur du Boerenforum, les regrette. « Des agriculteurs – généralement retraités ou en difficulté financière – acceptent de vendre leurs terres. Le problème réside dans le fait que des investisseurs comme Colruyt, par leur présence sur le marché foncier, font exploser les prix. Les jeunes n’ont plus les moyens de reprendre une exploitation et les terres disponibles se font rares. »

Ces pratiques ne sont pas propres à la Belgique. Eléonore Barrelet, coordinatrice d’Agroécologie en action (AiA), explique : « Partout dans le monde, des groupes financiers s’approprient les terres. Ils transforment les exploitations agricoles terrestres en maillons lâches qui s’intègrent dans leur modèle industriel. Cela détruit l’agriculture paysanne, la qualité des aliments et l’environnement ».

Réglementer l’accès aux terres agricoles

Par cette action, le Résap souhaitait s’adresser principalement aux pouvoirs politiques fédéraux et régionaux, afin d’obtenir la régulation de l’accès aux terres agricoles et leur protection absolue, de manière à favoriser le modèle agricole familial et respectueux de l’environnement.

Selon l’organisation, le problème majeur aujourd’hui est que l’on ne sait pas très bien qui possède les terres, qui les achète, qui les loue et qui les met en location. C’est pourquoi elle demande que des outils de régulation du prix de la terre soient créés. Elle plaide notamment pour la mise en œuvre des dispositions prévues dans le Code de l’agriculture et notamment un renforcement des moyens et des outils de régulation (droit de préemption, régulation du prix) du foncier par les autorités publiques grâce à la création d’un organisme de régulation des transactions foncières agricoles en Région wallonne.

Environ 150 agriculteurs se sont regroupés pour faire entendre leur opposition  à l’achat de terres agricoles par les acteurs de la grande distribution.
Environ 150 agriculteurs se sont regroupés pour faire entendre leur opposition à l’achat de terres agricoles par les acteurs de la grande distribution. - M.V.

Cela devrait s’accompagner de la création d’outils et moyens favorisant la transmission des exploitations : accompagnement des candidats à la reprise, favoriser l’installation multiple sur des fermes partagées…

Le Résap plaide encore pour la protection absolue des terres agricoles et demande, entre autres, la protection du caractère nourricier des parcelles agricoles et une révision des plans de secteur visant à faire passer des zones à bâtir inappropriées pour l’habitat (inondables, extensions de villages…) en zones agricoles.

Colruyt regrette l’action

Colruyt se montrait peu enthousiaste à l’issue de cette action, affirmant être le plus important client des agriculteurs belges. « Nous sommes un partenaire du secteur agricole et nous avons donc des intérêts communs, pour lesquels il est nécessaire de combiner nos compétences : veiller à ce que les produits belges soient toujours disponibles en quantité suffisante et stimuler la consommation de ces produits ».

Et d’ajouter : « L’achat de parcelles agricoles par notre société Agripartners est un exemple de cette coopération. En tant qu’acteur belge, nous voulons sécuriser et ancrer l’offre autant que possible en Belgique. Par conséquent, investir dans des terres est une étape logique pour nous. En outre, nous coopérons avec des agriculteurs indépendants. C’est une situation gagnant-gagnant, car ceux-ci peuvent générer des revenus supplémentaires sans avoir à réaliser eux-mêmes de gros investissements ».

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