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«L’élevage fortement touché par les coûts records de l’énergie»

Réunis le 17 octobre dernier à Luxembourg, les ministres européens se sont une nouvelle fois penchés sur la situation des marchés agricoles et des engrais dans le contexte du conflit russo-ukrainien. Il était également question de commerce international et du sort des poussins mâles.

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«  Avec l’arrivée de la saison hivernale, la nécessité d’assurer les semis d’automne, nécessitant engrais et produits phytosanitaires, est de la plus haute importance. Il est également nécessaire de garantir l’approvisionnement en énergie pour assurer une production continue, même dans les industries à forte consommation d’énergie » avait contextualisé la présidence tchèque en amont de la réunion.

Plaidoyer pour les engrais « Renure »

La Belgique, soutenue par les Pays-Bas, la Hongrie, l’Espagne et le Portugal mais aussi par le Copa, a demandé à la commission de faire des propositions législatives pour que les engrais « Renure » (REcovered Nitrogen from manURE) puissent être utilisés en dehors des quantités limitées d’effluents d’élevage dans les zones vulnérables, en tenant compte de leur moindre impact potentiel sur l’environnement.

Le commissaire Wojciechowski a assuré devant la presse que ces produits feront partie de la prochaine stratégie sur les engrais attendue le 9 novembre. Il a toutefois précisé que « les possibilités de développement de ces engrais sont limitées étant donné que plus de 90 % du fumier produit en Europe est déjà directement réappliqué sur les sols sous forme d’engrais organique ».

Et de poursuivre que « même dans les zones polluées, ils peuvent être utilisés pour remplacer les engrais minéraux jusqu’aux limites fixées par la directive nitrates afin d’éviter toute nouvelle pollution de l’eau. Cela signifie qu’aujourd’hui, il n’y a pas de limite à l’utilisation des produits Renure sur 30 % des terres agricoles de l’UE, dans les 70 % restants, la limite est de 170kg par hectare et par an ».

« Cela représente déjà un énorme potentiel de remplacement, tout en veillant à ne pas mettre en péril les objectifs de qualité de l’eau et les limites d’émissions d’ammoniac fixés par la législation européenne », assure-t-il. Avant de souligner l’importance « pour les zones déjà polluées de réduire leur fertilisation globale pour inverser les tendances à l’aggravation de la pollution. La valeur ajoutée des produits « Renure » est ainsi de permettre l’exportation de ces zones et de remplacer les engrais minéraux dans les zones où il n’y a pas d’élevage et où les engrais organiques font défaut ».

Par conséquent, « dans une situation de pollution importante de l’eau et de tendances à l’aggravation, toute nouvelle demande de dérogation devrait être soigneusement examinée, afin d’éviter de mettre en péril le respect de la législation européenne sur la qualité de l’eau et de l’air », a prévenu M. Wojciechowski.

L’élevage belge victime de la hausse des prix de l’énergie

« Les producteurs de bétail sont fortement touchés par les coûts records de l’énergie et des intrants. Malgré les prix élevés de la viande bovine, de la viande porcine et de la volaille, ces conditions difficiles, associées à la réduction du pouvoir d’achat des consommateurs, limitent la production dans ces trois secteurs », a alerté lui-même le commissaire européen à l’Agriculture.

Seules la Roumanie, la République tchèque et l’Estonie ont vu les prix à la production suivre la hausse des prix des intrants. Ailleurs, les hausses de prix ne compensent pas l’envolée des coûts de production en raison des prix de l’énergie.

La situation est extrêmement difficile dans les pays où « l’élevage est le plus présent, notamment aux Pays-Bas, au Danemark et en Belgique ».

Le début d’année 2023 pourrait également être difficile pour les producteurs laitiers, qui doivent faire face à des coûts d’intrants plus élevés et à une moindre disponibilité des aliments pour animaux, en plus d’une demande plus faible des consommateurs, alors que le temps chaud et sec de l’été a non seulement provoqué un stress thermique chez les vaches, mais a également entraîné une baisse de la disponibilité et de la qualité de l’herbe.

Le broyage des poussins mâles, « une pratique obsolète »

Les délégations française et allemande (avec notamment le soutien de notre pays) ont une nouvelle fois demandé à la commission d’inclure l’interdiction à l’échelle de l’UE de la mise à mort systématique des poussins mâles.

Une décision qui répondrait aux demandes des consommateurs en faveur d’un meilleur bien-être animal et servirait une concurrence loyale dans le secteur.

Présente à la réunion luxembourgeoise, la commissaire à la Santé, Stella Kyriakides, a abondé en parlant d’une pratique « obsolète » qui « n’est pas acceptable », ajoutant qu’elle proposera « une sortie progressive » dans le cadre de la révision de la législation sur le bien-être animal fin 2023.

Plaidant pour une période de transition suffisante et des aides aux agriculteurs, plusieurs États membres ont demandé à la commission de se pencher, dans son étude d’impact, sur les risques de déplacement de la production dans des pays tiers qui n’appliqueraient pas les mêmes normes que l’UE.

Accord de libre-échange en vue avec l’Australie

Alors que l’UE et l’Australie entamaient le même jour leur douzième cycle de négociations en vue de conclure un accord de libre-échange, le commissaire à l’Agriculture a fait savoir aux ministres de l’Agriculture que l’UE optera pour une libéralisation partielle des secteurs les plus sensibles (viandes bovine et ovine, sucre, riz et produits laitiers).

L’Australie fait le forcing pour que des concessions importantes (au-delà de celles obtenues dans le cadre de l’accord entre l’UE et la Nouvelle-Zélande) soient faites pour les produits sensibles dans le cadre de contingents tarifaires. Au regard de ces exigences, l’UE tente d’obtenir de son côté une « libéralisation totale de certains produits agricoles australiens tels que les fromages ainsi qu’une amélioration des aspects sanitaires et phytosanitaires », a indiqué le commissaire.

Lors de cette session, les deux parties doivent notamment mettre sur la table de nouvelles propositions sur l’ensemble des chapitres en discussion. Malgré de nombreuses questions à résoudre, « l’objectif est de conclure un accord de libre-échange en 2023 », a assuré Janusz Wojciechowski.

Marie-France Vienne

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