Quand la vie devient trop vache

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Je m'abonneAprès l’agriculture bien que raisonnée, ce sont les éleveurs et engraisseurs qui sont dans le viseur de Greenpeace. Le méthane produit lors de la digestion de nos ruminants serait responsable des caprices de notre climat.
Tout gamin, je n’avais rien du Petit Prince de Saint-Exupéry, avec mes grosses lunettes et mes grandes oreilles, mais je vivais déjà sur ma planète. J’avais trois passions, trois maladies, trois virus : lire des bouquins, aller en forêt, et élever des animaux. Lecture, nature et agriculture ! Et beaucoup de confiture sur mes tartines… L’agriculture a mangé la grosse part de ma vie. J’ai commencé par des lapins et des poules, puis des moutons et enfin des bovins. Les adultes disaient autour de moi : « Tout ce qui fait des petites crottes ne remplit pas la hotte ». J’ai donc abandonné très tôt les moutons, mais ceux-ci ont gardé une place de choix, bien au chaud dans mon cœur.
Ces temps-ci, ils descendent tous dans la rue : les sans-rien, les sans-boulot, les sans-papiers, les sans-avenir, les sans-espoir, les sans-idées… Des sans-rides et des sans-dents, des sans-diplômes et des sans-cheveux, des sans-gêne et des sans-complexe, des sangs chauds et des sangs froids, tous mélangés. Sans-culottes du jeudi ou du samedi, ils brandissent des pancartes, s’habillent de gilets jaunes, foulards rouges, chemises blanches ou bonnets verts, scandent des messages pour tous les goûts, toutes les couleurs ; tous les coûts, toutes les douleurs.
Je n’ai jamais très bien compris pourquoi on appelle « poulets » les gendarmes… Pour éclairer ma lanterne et ne pas mourir idiot, mes petits doigts ont tapoté le clavier et consulté vous savez qui ; la réponse a fusé en moins de 0,02 seconde : en 1871, à Paris, une caserne construite à l’emplacement du Marché aux Volailles a été mis à la disposition de la Préfecture de Police, et les membres de cette digne confrérie ont hérité de ce sobriquet pour le moins truculent !
Dans nos régions dit-on, l’agriculture est à la croisée des chemins, un vaste carrefour vivement éclairé, grouillant de monde, équipé de feux clignotants tantôt oranges et tantôt rouges, avec des petits flèches vertes pour nous montrer la voie du bio ou de l’agro-écologie, et d’autres panneaux pour nous indiquer toutes sortes de diversifications possibles et imaginables. Les signaux ne manquent pas, et chacun d’entre eux pointe une ou plusieurs directions, grevées d’obligations. Le choix est tellement vaste et les directives si nombreuses, que l’agriculteur d’aujourd’hui y perd sa religion, comme dans la chanson de R.E.M., et ne sait plus à quel saint se vouer, coincé au milieu du jeu de quilles en attendant un signe du Ciel qui lui montrera la bonne sortie.
Dernièrement, tant la télévision que les journaux ont fait écho de l’incivilité grandissante de certains concernant les trouvailles faites dans les stations d’épuration. Ce n’est pas étonnant. Il suffit de voir ce qu’on doit ramasser le long des routes.